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Marché du travail

Un effondrement historique

Sans surprise, la crise du coronavirus a fait plonger l’économie bernoise. Les secteurs de l’hôtellerie-restauration, du tourisme, mais aussi des industries exportatrices ont enregistré de lourdes pertes. Du coup, la situation sur le marché de l’emploi s’est fortement dégradée, le nombre de chômeurs ayant augmenté de 46%.

Le secteur de la restauration a été particulièrement frappé par les mesures mises en place pour lutter contre la pandémie. pixabay

Par Philippe Oudot

L’année 2020 restera marquée d’une pierre noire pour l’économie bernoise. En témoigne le «Rapport sur la situation du marché du travail en 2020» que viennent de publier l’Office de l’assurance chômage et l’Office de l’économie.Comme partout en Suisse, la conjoncture s’est en effet effondrée au cours du 2etrimestre, suite à la crise du coronavirus et aux conséquences entraînées par les mesures de lutte contre la pandémie. Après être repartie sur de bons rails jusqu’à la fin de l’été, l’économie a ensuite à nouveau été brisée dans son élan au 4e trimestre en raison de la deuxième vague.

La crise a particulièrement affecté les branches de l’hôtellerie-restauration, de l’industrie horlogère et des machines, ainsi que le secteur du tourisme. Dans l’hôtellerie, par exemple, le nombre de nuitées a plongé de 40%, la demande d’hôtes non européens ayant quasiment disparu. Seuls quelques secteurs – logistique, informatique, services de livraison et industrie chimique – ont tiré leur épingle du jeu.

Chute du PIB
Selon les données de l’Institut de recherches BAKEconomics, le produit intérieur brut (PIB) a davantage reculé dans le canton de Berne qu’en moyenne suisse, respectivement de -4,4%, contre -3,1%. C’est la plus forte baisse enregistrée depuis 1975.

Pas étonnant, dans ces conditions, que la situation sur le marché de l’emploi se soit fortement dégradée. Alors qu’à début janvier on comptait un peu plus de 11000 chômeurs, ils étaient plus de 16200 à fin décembre, soit une augmentation de plus de 46%. Le taux de chômage annuel moyen s’est élevé à 2,5%, contre 1,8% en 2019. C’est surtout durant la période de semi-confinement, en mars et avril, que le nombre de chômeurs a explosé. Le taux de chômage est ensuite resté élevé, suivant l’évolution saisonnière.

RHTet liquidités
Le rapport souligne toutefois que le chômage partiel (RHT, pour réduction de l’horaire de travail), ainsi que les aides sous forme de liquidités mises en place pour lutter contre la crise du coronavirus (crédits Covid-19, prêts et subventions à fonds perdu) ont permis de réduire l’impact de la crise.

Le taux de chômage dans la catégorie des 15 à 24ans est celui qui connaît les plus fortes variations à la fin de l’été en raison de l’arrivée des nouveaux diplômés sur le marché du travail. L’an dernier, la hausse a été encore plus forte que les autres années en raison de la crise du Covid. Ce taux s’est élevé en moyenne à 2,7%, contre 2,5% pour l’ensemble de la population. Selon les données du rapport, les plus de 50 ans ont été moins touchés par le chômage. En revanche, ceux qui, dans cette classe d’âge, ont perdu leur emploi ont mis plus de temps à en retrouver un nouveau.

En moyenne, deux tiers des personnes au chômage y sont restées moins de six mois. Toutefois, le nombre de chômeurs de longue durée, c’est-à-dire qui sont inscrits au chômage depuis plus une année, a augmenté, passant de 10,9% en 2019 à 13,5% l’an dernier. Comme le souligne le rapport, le chômage a plus touché les hommes que les femmes, ceux-ci étant «davantage tributaires des effets saisonniers et conjoncturels, car ils travaillent plus souvent dans les secteurs cycliques comme la construction ou l’industrie d’exportation».

Bienne et le Jura bernois durement frappés
Si la hausse du taux de chômage concerne tous les arrondissements, ceux de Bienne et du Jura bernois, où l’industrie horlogère et celle des machines occupent une place importante, sont les plus fortement touchés. Celui de Bienne a ainsi vu son taux de chômage bondir de 2,9 à 4,2%, alors qu’il passait de 2,6% à 4% dans le Jura bernois. Viennent ensuite les arrondissements de Haute-Argovie et de Berne Mitteland, également assez industriels, puis celui d’Interlaken-Oberhasli, où le taux a plus que doublé: il était de 1,1% en 2019, contre 2,3%l’an passé. Une hausse qui s’explique en raison de l’effondrement de la demande de la clientèle asiatique, d’ordinaire très présente dans cet arrondissement touristique.

Dans le cadre des mesures prises pour atténuer les conséquences de la crise du coronavirus, le Conseil fédéral a prolongé de 120 unités le nombre d’indemnités journalières de l’assurance chômage (de 12 à 18 mois). Seule condition:les personnes concernées ne devaient pas avoir épuisé leurs indemnités au 1er mars 2020. Du coup, personne ne s’est retrouvé en fin de droits entre mars et juillet. Le nombre de personnes arrivées en fin de droits sur l’ensemble de l’année s’est finalement élevé à 1240, contre 2741 en 2019. Plus de la moitié (53,3%) avaient entre 25 et 49ans, un bon tiers (37%) étaient des seniors alors que les plus jeunes (15 à 24ans) étaient un peu moins de 10%.

 

Recours massif à la RHT

L’an dernier, de nombreuses entreprises ont eu recours à l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, en particulier dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. A partir de septembre 2020, le Conseil fédéral a prolongé la durée d’indemnisation en cas de réduction de l’horaire de travail de 12 à 18mois.

Les demandes de RHT et les personnes potentiellement touchées ont atteint un niveau historique. Du fait du semi-confinement décrété par le Conseil fédéral au printemps, rien qu’en mars, quelque 19000 demandes avaient été déposées concernant potentiellement 222200 personnes – soit 30% de tous les emplois du canton! Sur l’ensemble de l’année, ce sont en tout 34300 demandes – contre seulement 200 en 2019 – qui ont été déposées, concernant potentiellement 397800 personnes (2019: 3400 personnes).

Les indemnités en cas de RHT versées en 2020 par la caisse publique de chômage se sont élevées à 703 millions de francs. Ce montant n’est encore que provisoire, car les indemnités en cas de réduction de RHT peuvent être réglées avec effet rétroactif jusqu’à trois mois.

 

Surveillance du marché et postes vacants

Dans le cadre des mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes, le marché du travail est dûment surveillé. L’an dernier, 3547contrôles ont ainsi été effectués. Un peu plus de 1400, qui concernaient des branches non réglementées par une convention collective de travail (CCT) à caractère obligatoire, l’ont été par le Contrôle du marché du travail (CMTBE). Dans les branches disposant d’une CCT ayant force obligatoire, quelque 1412 contrôles ont été réalisés par les commissions paritaires. Le CMTBE a par ailleurs procédé à 731 contrôles visant le travail au noir. En tout, pas moins de 881 cas de suspicion de travail au noir et d’infraction à la loi sur les travailleurs détachés ont été clarifiés. Ils ont débouché sur près de 620 sanctions.

Chômeurs prioritaires
Dans les professions où le taux de chômage atteint au moins 5%, les employeurs doivent annoncer aux ORPles postes vacants, afin de favoriser la réinsertion des chômeurs. En 2020, les employeurs ont transmis 14400 annonces. Ces dernières portaient sur environ 19800 postes vacants soumis à l’obligation d’annonce et 9700 postes vacants non soumis à l’obligation d’annonce. Les ORPont trois jours pour transmettre aux employeurs les dossiers adaptés de demandeurs d’emploi enregistrés ou pour indiquer qu’ils n’ont pas de candidats appropriés disponibles.

En 2020, les ORP ont ainsi pu proposer aux employeurs au moins un dossier de demandeur d’emploi pour 34% des annonces faites dans le cadre de l’obligation d’annonce. Pour 39% des annonces, aucun demandeur d’emploi approprié n’a pu être trouvé. Enfin, pour les 28% des annonces restantes, les ORPn’ont pas pu donner une réponse à l’employeur dans le délai prévu des trois jours.

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