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Tramelan

Un geste dans le bon sens

Stève Lauber accueille depuis trois mois Ghidewon, réfugié érythréen et sourd-muet, dans son entreprise de menuiserie. Un coup de pouce qui lui a changé la vie.

Ghidewon (à gauche), réfugié d’origine érythréenne et sourd-muet, travaille depuis trois mois aux côtés du menuisier tramelot Stève Lauber. Tous deux se comprennent par gestes et sans accrocs. Photo:Adrian Vulic

par Adrian Vulic

Situation de handicap et permis de séjour incertain. Des éléments destinés, a priori, à l’exposition d’une histoire tragique. Pourtant, s’il est vrai que la vie de Ghidewon, Erythréen sourd-muet, a connu des heures très difficiles, celle-ci est peut-être sur le point de prendre une tournure plus favorable. Stève Lauber, menuisier de Tramelan, n’est pas étranger à ce revirement, puisque c’est en partie grâce à la confiance qu’il a accordée à ce jeune homme que ce dernier peut, à présent, espérer un nouveau départ.
Depuis trois mois, Ghidewon donne en effet un coup de main au sein de l’entreprise de menuiserie du Tramelot, une expérience dont l’employé comme le patron ne retirent que du positif, et qui s’est soldée, pour le réfugié, par l’obtention d’un permis de séjour.

Pas besoin de mots
«Mathieu Chaignat (réd.: conseiller municipal tramelot actif auprès de l’association d’aide aux réfugiés locale) m’a demandé si je pouvais assurer un poste à Ghidewon, qui ne parvenait pas à trouver une place au vu de sa situation difficile. En plus d’être sourd-muet, il est également réfugié, ce qui est, malheureusement, souvent considéré comme un handicap sur le marché du travail», témoigne Stève Lauber. Et la communication, en dépit des différences de langue, de culture et d’expérience de vie, s’est faite spontanément et sans accrocs. Comme s’il suffisait d’un peu de patience et d’écoute pour révéler une forme de langage universel.
En quelques gestes précis, Stève Lauber parvient ainsi à traduire nos questions à l’Erythréen, qui répond, lui aussi, dans un mélange de signes de la main, d’expressions faciales et de symboles gravés à la va-vite sur une planche ou une poutre de bois, nombreuses sur le chantier.
«A la base, je n’ai aucune expérience dans la langue des signes, mais je me suis tout de suite rendu compte qu’il était facile de se comprendre par gestes. Ghidewon s’adapte aussi à moi, m’apprend ce langage, me corrige», continue Stève Lauber.
La technologie facilite également les échanges plus complexes, une application de traduction ou une vidéo trouvée sur internet permettant, si besoin, de compléter un aspect de la discussion. «Le fait qu’on doive se comprendre par gestes était, finalement, plus un atout qu’un problème. Je suis persuadé qu’on se serait moins bien compris si on avait voulu passer par la parole», poursuit le menuisier, qui a, par le passé, été actif dans un centre de réinsertion professionnelle. La fibre sociale semble donc enracinée profondément chez celui qui, depuis l’enfance, se borne à rejeter les préjugés.

Nouvelles perspectives
«Un tout petit effort, un geste, se donner la peine de repousser les a priori, ça peut changer la vie de quelqu’un. Pour Ghidewon, prouver qu’il peut et veut travailler lui a ainsi ouvert la voie au permis B.Cela lui donne bon espoir de revoir sa femme et sa fille de neuf ans, réfugiées en Ethiopie, et qu’il n’a plus vues depuis longtemps», décrit encore l’entrepreneur.
De nouvelles perspectives s’offrent ainsi à l’Erythréen. Arrivé à Tramelan en 2016 et établi au Centre d’accueil pour réfugiés, il habite désormais un petit appartement, toujours dans le même village. Professeur de mathématiques de formation, matière qu’il enseignait à des enfants sourds-muets dans son pays d’origine, il espère plus que tout se rendre à nouveau actif dans ce domaine. En plus de sa langue maternelle et du langage des signes, il comprend également l’anglais et un peu de français.
«Si j’ai l’occasion de réengager Ghidewon à l’avenir et que le client est compréhensif, je le ferai sans hésiter», confirme, en tout cas, Stève Lauber, satisfait et enrichi de cette expérience.

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