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«Un JdJ dans chaque ménage!»

Le nouveau directeur général de Gassmann Media, Martin Bürki, fait part de ses objectifs.

Martin Bürki, nouveau directeur général de Gassmann Media, est persuadé que les gens souhaitent une voix qui s’engage en faveur de leur région. Celle du Journal du Jura! Photo: LDD

Par Theo Martin / Traduction Marcel Gasser

Il raconte comment cela s’est donné, ce qu’il en est du Bieler Tagblatt et du Journal du Jura, et pourquoi chaque ménage du Seeland, de Bienne et du Jura bernois devrait avoir son abonnement.

Martin Bürki, qu’est-ce qui vous a poussé à endosser de nouvelles charges?
A l’origine, il y a le départ de Marcel Geissbühler. Puis la décision de l’éditeur de ne plus engager de CEO pour le groupe, mais de gérer les domaines séparément. C’est ainsi qu’une opportunité s’est offerte à moi qui me permettait de poursuivre les activités que j’exerçais jusqu’ici tout en assumant d’autres tâches dans le domaine des médias. Comme mon intention est de continuer à m’engager à fond pour le Groupe Gassmann, l’occasion était rêvée et le défi méritait d’être relevé.

De quelles autres tâches s’agit-il?
Il s’agit d’une part des relations avec nos partenaires et nos fournisseurs, qui incombaient jusqu’à présent au CEO. Il en va de même avec la politique des produits et l’interconnexion avec les associations. D’autre part, je dois m’assurer que la convergence puisse continuer à se développer, aussi bien dans la commercialisation que dans l’organisation. Jusqu’à présent, je m’occupais principalement de la presse écrite, du journal en ligne et de la commercialisation de la radio et de la TV. L’une des tâches supplémentaires consistera donc à renforcer les forces convergentes. Pour y parvenir, je suis entré dans le conseil d’administration de Radio Canal3 et de TeleBielingue.

Ce qui signifie?
Nous avons plusieurs médias au sein de notre entreprise, ce qui nous permet d’utiliser de manière idéale les synergies que nous offrent la presse papier, la presse en ligne, la radio et la télévision. En ce qui concerne le domaine en ligne, justement, il y a dans la mise en réseau un immense potentiel qui peut encore être mieux exploité et qui permettra d’intégrer et de connecter les forces inhérentes à chacun des médias.

Vous avez eu des débuts plutôt agités.
La passation des fonctions de direction s’est déroulée de manière très ordonnée. Mais en parallèle, nous avons dû faire face à la faillite de la régie publicitaire Publicitas. Nous avons certes pu reprendre de nouveaux mandats, mais cela a aussi impliqué pour nous la reprise, du jour au lendemain, de dix employés. Sans compter que nous avons dû assumer la responsabilité de tous les produits. Gérer une telle situation si rapidement et sans problème majeur relève vraiment de l’exploit.

Que signifie la fin de Publicitas pour le Groupe Gassmann?
D’abord une perte sur débiteurs. Nous avons généré un peu plus de 10% de notre chiffre d’affaires via Publicitas, et nous n’allons pas récupérer le paiement de toutes les factures. Une PME de notre taille doit donc d’abord digérer ça. D’un autre côté, cette faillite a débouché sur des opportunités. Désormais, nous pouvons commercialiser le pool Romandie Combi, avec des titres comme Le Nouvelliste, La Liberté, ArcInfo, Le Quotidien Jurassien et notre Journal du Jura. Ajoutons à cela la reprise de la Feuille officielle de Bienne et de la Feuille officielle de Nidau. D’une manière générale, il n’est pas bon pour le marché de la presse écrite qu’une organisation professionnelle comme Publicitas se soit pareillement dégradée en raison d’une mauvaise gestion. Il manquera désormais la voix de la publicité imprimée sur le marché national de la publicité, une lacune que nous devons compenser avec nos propres efforts de commercialisation.

Quel est votre rôle dans les deux Feuilles officielles?
Nous avons hérité du mandat d’entreprise générale de Publicitas. Nous nous occupons de la commercialisation de la publicité, nous imprimons les deux Feuilles et nous sous-traitons la distribution. Tout en maintenant les offres déjà existantes, nous essayons de développer des offres publicitaires attractives pour le marché local. Le grand avantage, c’est que désormais, le groupe Gassmann pénètre dans tous les ménages.

Comment se fait-il que les mandats aient pu être repris en si peu de temps?
Dans le cas de Romandie Combi, il y a eu des plans d’urgence, parce que certains signes donnaient à penser que le jour viendrait où Publicitas ne pourrait plus assurer la commercialisation. Comme Gassmann Media avait monté sa propre commercialisation pour le Bieler Tagblatt et Le Journal du Jura déjà en 2010, les systèmes adéquats et le savoir-faire étaient là. Concernant les Feuilles officielles, le fait que nous ayons pu reprendre l’intégralité du personnel de Publicitas Bienne a beaucoup aidé.

A l’heure actuelle, le prix du papier est en forte hausse. Pourquoi?
Il a augmenté de 17%. Les raisons sont diverses: en Suisse, une fabrique de papier a fermé ses portes. Et sur le plan international, la demande s’est accrue. A quoi il faut ajouter les fluctuations du taux de change. Tout cela explique pourquoi, à l’heure actuelle, le prix du papier est un défi majeur, à côté des coûts de distribution des opérateurs postaux.

Quelles sont les principales caractéristiques de vos médias?
Leur raison d’être réside dans leur ancrage local: nous défendons les intérêts de la région, nous sommes son porte-parole et nous thématisons tout ce qui est important et digne d’être su. C’est pourquoi je dirais que, dans un tel contexte, nos principales caractéristiques sont la tradition, notre proximité avec le public et notre crédibilité. En tant qu’entreprise familiale, nous attachons également beaucoup d’importance aux valeurs typiques des PME: comme elles, nous sommes pragmatiques, réactifs et nous avons les pieds sur terre.

Mais la branche des médias est sous pression. Qu’en est-il du Bieler Tagblatt et du Journal du Jura?
La situation de la presse quotidienne régionale par abonnement est vraiment difficile, surtout en raison de la baisse des annonceurs sur le plan national. Les clients locaux utilisent encore bien nos offres; en revanche, la clientèle suisse mise de plus en plus sur des offres de diffusion nationale, même si elle entend faire des affaires sur le plan régional. A cela s’ajoute le fait que le nombre de nos abonnés diminue, alors que le nombre de lecteurs reste à peu près stable. Nos journaux sont donc bien lus, mais malheureusement, chaque lecteur n’achète pas forcément son propre abonnement. Ces deux évolutions nous contraignent chaque année à nous organiser de manière encore plus efficace. Dans notre branche, la pression sur les prix et sur les coûts est énorme. Il faudrait vraiment que l’idée d’un abonnement dans chaque ménage fasse son chemin, comme symbole de l’appartenance à une région. Ce devrait être en quelque sorte le label de qualité de tout bon ménage et cela aiderait la presse à survivre.

La rapidité avec laquelle le paysage médiatique se transforme étonne beaucoup de monde. Avez-vous encore une chance contre Google et Facebook?
En tout cas sur le plan du contenu, c’est certain. Dans la région, à part les médias locaux, il n’y a personne pour soulever les problèmes et poser les bonnes questions. La difficulté, ce sont les marchés publicitaires à l’échelle nationale. C’est là qu’il est difficile de perdurer. Par ailleurs, je continue de croire que, par rapport à notre région, nos médias offrent la meilleure couverture. Les likes et les recommandations dans les médias sociaux contribuent certes à étendre cette portée, mais de manière incontrôlée.

Les médias traditionnels ont-ils encore les forces nécessaires pour survivre?
Nous croyons vraiment que pour beaucoup de gens, ce qui se passe dans leur contrée est important et intéressant. Ils souhaitent une voix qui s’engage en faveur de la région, qui surveille les agissements des puissants et qui dénonce les abus de tout ordre. A notre époque où les informations qui circulent dans les médias sociaux sont en grande partie invérifiées (fake news) et diffusées automatiquement, nos médias ont une valeur capitale, et c’est là notre chance. Mais si la population de la région ne soutient pas son quotidien, si elle ne s’abonne pas, cela ne fonctionnera pas. Alors oui, les médias traditionnels ont encore des forces, mais nettement moins qu’il y a encore quelques années.

Comment le BT et le JdJ font-ils pour s’adapter à la nouvelle donne? 
Nous sommes contraints au grand écart. D’une part nous souhaitons proposer aux abonnés existants le produit dont ils ont l’habitude. D’autre part nous devons réaliser des économies et prendre en compte les nouvelles habitudes de lecture de groupes cibles plus jeunes. C’est pourquoi, par étapes, nous essayons de faire évoluer le journal. L’étape suivante est planifiée pour cet automne pour le Bieler Tagblatt: pour ce journal, nous allons produire les cahiers Economie, Suisse, Etranger et Sport davantage à Bienne et mettre l’accent sur la région essentiellement dans la deuxième moitié de la semaine. Le JdJ n’est pas concerné.

D’autres branches sont à la peine, mais on dit surtout du mal de la presse.
Oui, c’est vraiment un problème. On oublie parfois qu’il y a des choses qui vont bien. Lorsque la pression augmente sur chaque individu en raison de la numérisation, il est tout à fait compréhensible qu’on perçoive surtout les dangers. Mais j’estime qu’on devrait se concentrer davantage sur les opportunités qui se présentent à nous. C’est vrai, aujourd’hui chacun de nous est appelé à digérer davantage d’impressions. Mais c’est un phénomène qui va bien au-delà de notre branche. C’est pourquoi j’essaie toujours de voir le bon côté des choses.

 

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