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Tor des géants

Une boucle suspendue entre ciel et terre

Deux régionaux, Hervé Solignac et Yann Weber, partent dimanche à la conquête de la plus longue course du monde en une étape, soit 330 km autour des sommets du Val d’Aoste.

Hervé Solignac (à gauche) et Yann Weber sont partis en repérage ce printemps sur le parcours. Mais à l’arrivée des 330 km du tracé complet, ils estiment avoir plus de chance «de ressembler à des zombies». (LDD)

Dan Steiner

Le titre, phrase de Paola Pignatelli tirée de l’ouvrage photographique de Stefano Torrione «Tor des Géants. Vallée d’Aoste», définit bien cette aventure hors du commun, organisée pour la première fois en 2010. Depuis lors, le Tor des Géants est devenu une référence dans le monde de la course à pied. Ce trail, une course d’endurance dans un milieu naturel comme la montagne, est en effet la plus longue épreuve de course à pied en une étape au monde. Au départ du village italien de Courmayeur, 700 courageux d’une soixantaine de nations ont devant eux une «trotte» de 330km, à travers 24 cols à plus de 2000m d’altitude et une dénivélation positive de quelque 24000m.

«Cela fait trois ou quatre ans qu’on la suit. On se dit à chaque fois que ceux qui en passent l’arrivée sont des fous, mais cela nous a toujours attirés», avoue le Prévôtois HervéSolignac. Cet ébéniste de 42 ans et son pote de 40 ans Yann Weber, du Fuet et éducateur à Tavannes, en seront. Idéalement préparés physiquement, logistiquement et mentalement, ils sont fin prêts pour dimanche 7 septembre, date du départ de la manifestation. L’arrivée, prévue au maximum le samedi 13 à Courmayeur également, devra être ralliée en moins de 150 heures. Un beau défi.

Les sentiers du roi

«J’ai déjà refait mon sac cinq fois», lance Hervé. «Moi, cela fait quelque temps que j’en rêve», poursuit Yann. «Ouais, mais le problème c’est qu’à chaque fois, je loupe le départ de la course», ajoute ce dernier en se marrant. Il faut dire qu’une telle entreprise, ça se vit pratiquement au quotidien. Ça se prépare évidemment des mois à l’avance et rien ne doit être laissé au hasard. «Nous nous entraînons depuis des semaines», explique Yann. «Fin mai par exemple, nous avons parcouru les 165km du Grand Raid de l’Occitan (réd: dans le Sud de la France).» Une excellente préparation, mais le Tor, ce sera le double. «La difficulté est d’arriver avec beaucoup de fraîcheur, c’est-à-dire être entraîné, mais pas fatigué», note Hervé. Selon eux, «seuls les dix premiers sont assurés de terminer le parcours». Les deux compères aussi espèrent y parvenir, mais il faudra gérer l’effort, notamment les périodes de repos. Des abris prévus à cet effet seront dispersés tout au long du parcours. Il y a ce que les organisateurs ont appelé des bases de vie tous les 50km, ainsi que des cabanes chaque 7 à 8km. «Le parcours emprunte ce qui, à l’époque, était la route de chasse du roi», explique Hervé. Les sentiers du roi Victor-Emmanuel de Savoie, pour être précis.

La neige ok, la pluie non

Il est par contre nécessaire de préciser que la course, chacun y participera individuellement. «Yann est bien trop rapide pour moi», lance Hervé d’un ton flatteur. D’être esseulé, il faut dire que cela ne lui pose pas de problème. Yann, par contre, est d’un autre avis: «Cela peut vite devenir chiant d’être trop longtemps pour soi-même.» Si près de 700 autres athlètes sont en piste au même moment, il arrive qu’ils traversent des secteurs sans présence humaine alentour.

L’autre «vraie» difficulté, car on peut en trouver des dizaines, se situe au niveau de la météo. «Notre seul souci réside dans la présence éventuelle de pluie», se méfie Yann. «La neige ou le froid ne nous font par contre pas peur.» Pour lutter contre les caprices du ciel, ils auront toutefois la possibilité, en plus de leur sac à dos, de faire déplacer leur «sac d’allégement», paquetage élaboré au préalable et que les 1700 bénévoles font acheminer d’abri en abri. «On y a inséré six à huit paires de chaussettes, des habits chauds, de la nourriture, etc.», énumèrent-ils.

Jamais, plus jamais?

Il en faudra en effet du matériel pour terminer ce périple qu’ils espèrent boucler en 100 à 120 heures, objectif estimé «à la louche». S’il parvient à voir l’arrivée, Yann a par contre déjà prévenu qu’il n’y reprendrait pas part, au contraire d’Hervé. «Le vainqueur de l’an passé, qui a avalé le tracé en 70 heures (réd: l’Espagnol Iker Carrera), est arrivé lessivé à tel point qu’il s’est juré de ne plus jamais y participer», en rigole Yann d’un air toutefois impressionné par la performance de l’Ibère. Monter et redescendre trois fois l’Everest depuis la mer, effectivement, ça doit laisser des traces.

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