Une entreprise pas comme les autres

par Sélim Biedermann

Prélude SA, un établissement de sous-traitance industrielle pas comme les autres mais qui se dessine comme tel pour ses employés. Soit quelque 100 personnes aussi dévouées qu’appliquées, en situation de handicap ou en difficulté sociale. «Pour elles, notre entreprise n’a rien d’une porte de secours. Elles la veulent justement comme une boîte normale», souligne son directeur, Pierre-Michel Raetzo. Et pourtant. «Je pense qu’on est essentiel. Dans la région, il n’y en a pas 12 000.»

Sise à Malleray depuis une année, cette entreprise se trouve en plein développement. Les travaux d’aménagement nécesaires étant désormais terminés, l’occasion est donnée de découvrir ce qu’elle devient et grâce à qui, par le biais de portes ouvertes organisées demain entre 9h et 15h. «Je suis convaincu que si l’on continue sur la dynamique actuelle, PréludeSA sera encore là dans 10 ans», lance Pierre-Michel Raetzo. Avant d’aussitôt corriger ses propos: «C’est d’ailleurs un minimum, en fait! Malheureusement, des personnes en souffrance, il y en aura toujours. Et si cela marche bien pour nous, ce n’est dû qu’à elles et à la qualité de ce qu’elles réalisent.»

C’est gagnant-gagnant. Considérés de manière juste, sans apriori défavorable, ces gens pas aidés par la vie mettent du sérieux dans leur travail. «La valorisation de ces employés pour beaucoup fragilisés, ici, leur a permis de passer par-dessus leurs problèmes personnels, de vivre autre chose, de reprendre confiance en eux», se félicite le directeur. «Il y en a pas mal qui ont été cassés par le passé, que ce soit professionnellement ou à cause d’autre chose.»

Nombreux et fidèles clients
La centaine de collaborateurs – ils sont aujourd’hui 98, mais cela varie chaque semaine – impliqués dans l’entreprise installée dans la commune de Valbirse ont ainsi permis à celle-ci d’asseoir ses compétences assez rapidement. «On possède entre 70 et 80 fidèles clients», signale Pierre-Michel Raetzo. «Les employés sont très fiers de ce qui se passe. Bien sûr qu’on rencontre des soucis, mais on reçoit surtout au quotidien une grande reconnaissance de leur part. C’est un bonheur total, une collaboration très enrichissante. Ce que je dis peut paraître comme des beaux mots, mais c’est tellement vrai.»

Ces nombreuses personnes souffrant dans leur grande majorité d’un handicap psychique, sinon physique ou qui se trouvent dans des situations précaires, d’une moyenne d’âge de 46 ans, nourrissent par ailleurs leur enthousiasme dans le fait de ne pas rester de simples exécutants. Leurs idées sont les bienvenues. Elle comptent dans l’organisation de cette entité du Jura bernois. «Nos collaborateurs ont leur mot à dire, via un groupe de travail qui se nomme ‹transhumance›», soulève le boss des lieux. «Ils participent aux séances du personnel, apportent tout ce qu’ils peuvent.» Prélude SA leur permet aussi de s’épanouir en société, de créer des contacts.  «Ce réseau social est un des rôles fondamentaux de notre entreprise», ajoute Pierre-Michel Raetzo.

Treize professionnelsde l’accompagnement
Bien sûr, une institution si importante ne tiendrait pas sans encadrement. Treize professionnels de l’accompagnement, occupant au total 11,8 postes, y œuvrent. «Cela peut sembler peu. Mais en réalité, ça fonctionne», note avec bonheur le Jurassien bernois. «Leur rôle consiste à accompagner les employés, à adapter le travail à leur handicap. Le reste, c’est surtout de l’observation. Et de la valorisation, que l’on doit en effet faire tous les jours. Ces gens ont souvent une image d’eux-mêmes qui n’est pas au top. Mais ils doivent au contraire se rendre compte qu’ils ont des personnalités extraordinaires.»

Et que par leur envie et le savoir-faire qu’ils ont développé, Prélude SA peut envisager l’avenir sereinement.

Activités assez variées

Prélude SA est une entreprise de sous-traitance mécanique classique. Ses activités sont néanmoins assez variées, se situant dans l’industrie de la machine-outils, horlogère et médicale. «Ces prochaine années, on a pour projet de s’orienter aussi vers d’autres domaines, notamment l’entretien de maison», prévient Pierre-Michel Raetzo. «Cela dans le but d’asseoir encore plus notre position dans la région. Car rien n’est jamais acquis!»

Dans le même ordre d’idées, l’entreprise de Malleray va également élargir son offre au niveau de ses réalisations. «Nous aurons davantage de produits propres à l’avenir», glisse le directeur. «Parce que dépendre de la sous-traitance, ce n’est pas toujours facile. On va ainsi essayer de lisser quelque peu notre production afin qu’il n’y ait pas des pics de travail et ensuite des creux.» Pour le moment, Prélude SA ne fabrique et commercialise toutefois qu’un porte-documents. «Mais on en a vendus pas mal!», se réjouit Pierre-Michel Raetzo. C’est bon signe.

Les nouveaux locaux situés à Malleray apparaissent davantage adaptés aux employés

Il a d’abord fallu «une année de mise en place à Reconvilier, sur de nouvelles bases», explique Pierre-Michel Raetzo, «car on partait de pas grand-chose». Ce n’est qu’ensuite que le directeur de Prélude SA, une entreprise fondée en décembre 2016 – elle est née dans «l’objectif de sauver les 100 postes de travail destinés à disparaître de l’Atelier de production et de réinsertion, qui était sous la tutelle du site hospitalier de Bellelay» – a pu commencer, dès 2018, à préparer un changement s’avérant nécessaire. Soit le départ à Malleray, voici un an, des nombreux collaborateurs de cette toute fraîche institution jurassienne bernoise. «Un déménagement avec des personnes en situation de handicap se révèle toujours délicat, cela prend un certain temps», glisse le patron.

«Montrer ce qu’est Prélude SA»
Le nouvel établissement, d’une surface identique (environ 1700 m2), apparaît davantage adapté aux employés. «Le premier point de cette amélioration concerne l’accès», souligne Pierre-Michel Raetzo. «Pour se rendre dans notre entreprise, qui se trouve tout près de la gare de Malleray, c’est plat.» Donc largement préférable pour des personnes en situation de handicap physique, en premier lieu. «Le second point, c’est qu’auparavant, nos locaux formaient un ‹U›. Maintenant, ils sont droits, c’est un espèce de rectangle, par conséquent beaucoup plus pratique en terme d’organisation», poursuit le directeur, ravi de l’idéale situation de son entreprise à la rue Charles-Schäublin 11.

Les collaborateurs ayant pris leurs marques dans un établissement désormais – ou presque – aménagé, c’est l’occasion de «montrer ce qu’est Prélude SA, de voir ce qu’il s’y passe et qu’on est aujourd’hui posé et bien aussi grâce au soutien que l’on a reçu de tous, notamment de la cinquantaine d’actionnaires qui ont fait le capital de départ». Demain, les portes s’ouvrent donc au public.