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Spectacle

Une féministe tempétueuse

Maria Mettral, comédienne et présentatrice météo sur la RTS, montera sur les planches de la région à deux reprises, à commencer par le Centre culturel Le Royal à Tavannes, vendredi. Rencontre.

Maria Mettral joue dans son prochain spectacle «Y n’faut pas se mettre en colère» une quinquagénaire qui cherche à ranimer la flamme dans son couple. Photo: Lola Gregori/LDD

Par Aude Zuber

L’un des visages les plus populaires de la scène romande sera de passage à deux reprises dans la région. Il s’agit de la pétillante Maria Mettral. Connue surtout dans son rôle de présentatrice météo, la Genevoise a plus d’un tour dans son sac: comédienne de talent, chanteuse confirmée et enseignante pour celle qui apprécie le partage et le contact avec la nouvelle génération. Le public pourra apprécier son professionnalisme, vendredi, sur les planches du Centre culturel Le Royal, à Tavannes. Avec son complice Vincent Prezioso, elle présentera le spectacle musical «Y n’faut pas se mettre en colère». On pourra également la retrouver le 3mars à la salle de la Marelle, à Tramelan, dans la célèbre pièce Oscar, qui sera présentée par la troupe Les Amis du Boulevard Romand. Rencontre.

Pourquoi le public devrait-il venir, ce vendredi, voir votre spectacle?
Pour notre angle original, Vincent Prezioso et moi, nous parlerons du couple, mais pas de manière classique. Nous interpréterons des compositions des années 1920 à 1950, comme des titres d’Aznavour, de Montand ou de Bourvil, qui traiteront le couple dans tous ses états. Mon rôle sera celle d’une quinquagénaire, femme au foyer, qui cherche à ranimer la flamme dans son couple, qui s’est assoupie au fil des années. Concrètement, nous revisiterons les situations de la vie quotidienne les plus banales, pour en faire des scènes comiques, piquantes et décalées.

Ce spectacle, un album, deux revues de nombreuses opérettes... Le chant a donc toujours fait partie de votre vie?
Absolument! Mon père m’a sans doute transmis son amour pour la musique. Il était un grand amateur d’opéras et il écoutait tout le temps la radio, y compris chez nous où elle était toujours allumée. Quand nous avons eu la télévision, très tard, nous regardions ensemble les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier qui recevaient sur leur plateau de nombreux chanteurs. Nous adorions cela. Quant à moi, j’ai pris des cours de chants à l’adolescence et je suis notamment passée par le conservatoire de musique.

Comme le chant, la présentation météo est aussi une activité que vous pratiquez depuis un bail...  
Il y a près de 30 ans, la RTS revoyait sa formule. Elle souhaitait créer un mini-show comme à la française. C’est pourquoi, l’entreprise cherchait des comédiens et non plus des météorologues. Un ami souhaitait que je me présente au casting. Je lui ai dit que cela ne m’intéressait absolument pas. Après réflexion, je me suis dit que poursuivre ma diversification professionnelle et mettre du beurre dans les épinards ne seraient pas si mal. Cela faisait 10 ans que je vivais de la comédie, ce qui n’était pas facile avec le caractère intermittent du monde du spectacle. J’y suis donc allée, mais en me sabotant. J’ai fait le clown. Et à mon grand étonnement, le chef de l’époque m’a dit qu’il me trouvait drôle qu’il me choisissait.

La fraîcheur et la joie de vie sautent aux yeux en vous voyant à l’écran. Comment faites-vous?
J’aime ce métier, travailler les personnages, monter sur les planches... Mais ce qui me nourrit par-dessus tout ce sont les rencontres. Dans le cadre professionnel, j’ai la chance d’échanger avec des gens très différents les uns des autres, notamment avec la jeune génération, avec qui j’adore interagir. Ces rencontres m’enrichissent. J’ai besoin de ça. C’est ma nourriture, sinon je m’ennuie.

Pourquoi appréciez-vous particulièrement échanger avec les jeunes?
Je trouve que les jeunes ont un tas de choses à nous apporter. Ils nous proposent un autre regard sur la société et surtout un ressenti différent de celui de ma génération. Je suis souvent en désaccord avec les personnes qui se montrent nostalgiques et qui scandent à tout va: «C’était mieux avant». Je trouve les jeunes très courageux. Il est devenu plus difficile de trouver un emploi, sans compter qu’ils n’ont plus droit à l’insouciance, comme à notre époque. Les infos en continu ont notamment contribué à y mettre fin.

A l’approche de vos 60 ans, n’avez-vous pas peur que la RTS vous montre la porte de sortie?
Non, je n’ai jamais eu peur de cela, car passer à l’écran n’a jamais été un but en soi. Je n’ai aucun appétit de gloire. Par contre, je suis scandalisée de voir que la société admet les hommes d’un certain âge à l’écran, mais pas les femmes. Par exemple, on ne mettra jamais une femme de l’âge de George Clooney pour promouvoir des capsules à café. De la même manière que l’âge, le rôle de maman peut compromettre des carrières. Quand j’attendais mon premier enfant, un directeur de théâtre m’a dit que j’entrais dans la catégorie de mère en sous-entendant que la scène était désormais derrière moi. J’en ai pleuré des kilomètres. Mais je me suis battue pour revenir, cela n’est pas juste. Je me souviens également être la première femme enceinte à avoir montré mon ventre à l’écran. J’ai même reçu des insultes pour cela.

Vous participerez donc le 14 juin prochain à la grève des femmes?
Oui, je défilerai à Genève. Je suis féministe, mais pas anti-hommes! C’est une question qui nous concerne tous. Il est d’autant plus important de faire front uni pour faire face à une Suisse qui régresse en la matière depuis une bonne dizaine d’années. Les écarts de salaires pour un travail égal se creusent encore davantage entre les femmes et les hommes. Ou prenons l’exemple des jeunes femmes qui cherchent un emploi, elles ne seront pas engagées si elles prévoient d’avoir un enfant.

C’est étonnant en tant que fille de parents italiens que vous soyez si sensible à cette question d’inégalité entre les sexes...
Mon père m’a élevé en me répétant:  «Ne dépends d’aucun homme. Tu dois être indépendante». C’est aussi ce que j’ai transmis à mes trois enfants. A mes deux fils, par exemple, je leur ai aussi appris à faire les tâches ménagères.

Quels sont vos prochains projets?
Avec mes spectacles actuels, je suis occupée jusqu’à la fin juin. J’ai ensuite un projet de spectacle pour le mois de septembre. Puis, j’ai quelques idées de créations personnelles, mais pour l’instant c’est encore au stade de l’ébauche.

Et si on faisait connaissance...
Trois qualificatifs «Passionnée, obstinée, disons que je ne lâche pas facilement, et impulsive, bien qu’essayant de me modérer, j’ai un côté un peu animal», commente Maria Mettral.
Plat préféré Il y a trop de plats qu’elle aime pour s’attarder sur un seul. «J’apprécie les cuisines du monde. Côté vins, j’apprécie ceux qui ont du corps, une pointe d’acidité et qui sont boisés.»
Livres sur la table de chevet Elle vient de terminer l’autobiographie de Muriel Robin qui l’a laissée sans voix. «J’ai mieux compris cette femme qui me fait hurler de rire, notamment sa fragilité et sa douleur intérieure.» Désormais, elle lit «La Servante écarlate», un roman de science-fiction dystopique écrit par Margaret Atwood. «Cette écrivaine est visionnaire!Elle a au moins cinquante ans d’avance sur son temps.»
Plus beau ressenti Quand ses enfants ont posé pour la toute première fois le regard sur elle. «C’est quelque chose qui ne s’explique pas.»
Famille «J’ai eu la chance d’avoir deux parents aimants. J’avais une complicité particulière avec mon père, très forte. A sa mort, je me suis sentie amputée. Il était le socle de notre famille élargie. Un homme droit, bienveillant, parfois un peu autoritaire et qui savait rire.»
Film favori Elle a un grand un amour pour le cinéma italien, spécialement pour le réalisateur Federico Fellini. Le film «E la nave va» l’a par exemple bouleversé.  AZU

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