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Vote et éligibilité des femmes

Une pionnière de la politique biennoise

Claire-Lise Renggli fut la première femme élue au Conseil de ville biennois en 1968, trois ans avant que ce droit ne soit accordé, par votation populaire, au niveau fédéral.

Pour Claire-Lise Renggli, des progrès remarquables ont été réalisés ces 60 dernières années pour plus d’égalité entre les femmes et les hommes. Peter Samuel Jaggi

Julie Gaudio

En cette semaine de célébration des 50 ans de l’obtention du droit de vote et d’éligibilité des femmes au niveau fédéral en Suisse, Claire-Lise Renggli affirme se sentir en pleine forme. La Biennoise de 88 ans reçoit chez elle, la démarche vive et la mémoire encore bien fraîche. «Pour moi, le bouleversement a été en réalité plus grand en 1968, lorsque j’ai été la première élue au Conseil de ville biennois, peu après que le droit de vote a été accordé aux femmes au niveau communal», se souvient Claire-Lise Renggli.

Le début d’une carrière politique de 20 ans, qui l’a ensuite menée au Conseil municipal comme membre non permanent en 1972 (première femme élue), puis au Grand Conseil en 1974 (première femme francophone élue).

Le PRR, parti pionnier

Pourtant, la Biennoise considère à chaque fois ses élections pionnières comme relevant du «pur hasard», plus que de l’engagement politique profond. Ainsi, après avoir repris la présidence de l’Association des sociétés féminines, Claire-Lise Renggli se voit offrir une place sur la liste du Parti radical romand (PRR) pour les élections biennoises de 1968. «Les sept anciens qui siégeaient se représentaient, j’étais sûre de n’avoir aucune chance», confie Claire-Lise Renggli en toute honnêteté. Mais grâce à elle et aux voix des femmes de tous les courants politiques, le PRRobtient un 8e siège.

«Entre les élections et le début de la législature, un conseiller de ville PRR est décédé, et a été remplacé par une femme, la première des viennent-ensuite», précise Claire-Lise Renggli. Une autre femme est arrivée en cours de législature, à la suite de la démission d’un parlementaire. «Le PRRest le parti qui a amené les trois premières femmes au Conseil de ville biennois, contrairement au Parti socialiste», souligne Claire-Lise Renggli, consciente qu’aujourd’hui, la cause féministe est souvent défendue par la gauche. La pionnière aurait-elle pu se rallier à un autre parti au moment de son élection?Claire-Lise Renggli balaye la question d’un geste, avant de déclarer, pragmatique:«On ne peut pas faire de la politique qu’avec son cœur. Il faut aussi voir les conséquences sur le long terme.»

De grandes avancées

Féministe, Claire-Lise Renggli? «Je ne me suis jamais engagée comme tel, mais j’ai toujours eu la conviction qu’il était normal que les femmes puissent aussi s’exprimer», affirme-t-elle. Aux jeunes du mouvement de la grève des femmes, Claire-Lise Renggli reproche «de ne voir que le négatif», oubliant les évolutions de ces 60 dernières années. «Lorsque je suis entrée au gymnase allemand à Bienne – le gymnase français n’existait pas –, nous n’étions que huit filles pour toute la région», se rappelle Claire-Lise Renggli. «Et il n’était pas question de se lancer dans des études scientifiques, nous ne pouvions que nous tourner vers les lettres, l’enseignement ou le social.» Aujourd’hui, l’octogénaire se réjouit que, grâce à leur formation, des femmes occupent des postes à responsabilité dans des domaines très larges. «Cela me paraît incroyable!» déclare-t-elle. De même, la pionnière du Conseil de ville salue les nouveaux parlement et Conseil municipal biennois à majorité féminine.

Claire-Lise Renggli s’avoue encore plus impressionnée lorsqu’elle voit ses arrière-petits-enfants avec une mère qui travaille et un père qui va chercher les enfants à la crèche. «Les mentalités ont bien changé», sourit-elle, admirative, même si elle reste convaincue que «les mères gardent une plus grande sensibilité vis-à-vis des problèmes des enfants». Un sentiment qui n’a toutefois pas empêché Claire-Lise Renggli de concilier sa carrière politique et sa vie familiale. «Etre au Conseil municipal et au Grand Conseil représentaient une grande charge. Mais j’étais à la maison la journée, les enfants étaient assez grands et je pouvais surveiller les devoirs si besoin. Ils ont aussi appris à se faire parfois à manger, ce qui est une bonne chose.» Cette situation a en outre présenté de nombreux avantages pour Claire-Lise Renggli: «A table, nous pouvions parler d’autres choses que de l’école. Et je n’ai pas fait de crise quand mes enfants ont quitté le nid!»

Si la Biennoise regarde avec fierté ses 20 années de politique, elle apprécie aujourd’hui sa retraite, qui lui donne du temps pour elle et pour ses sept petits-enfants et cinq arrière-petits-enfants. «Un sixième est en route», souffle Claire-Lise Renggli, en souriant.

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