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Politique

Voix de femmes

Le canton de Berne propose une formation continue pour les élues, afin qu’elles se sentent plus en confiance dans leurs fonctions.

Virginie Pilault (au fond, debout) dispense des formations pour prendre confiance en soi lors de la prise de parole en public. LDD

Julie Gaudio

«Quand j’ai faim, je mange. Quand j’ai soif, je bois. Quand j’ai quelque chose à dire, je le dis.» Cette phrase, prononcée par la chanteuse Madonna, introduit la nouvelle formation continue – intitulée «Je suis politicienne et ma voix compte!» – proposée par le Réseau égalité Berne francophone (voir encadré), à destination des politiciennes de Bienne et du Jura bernois. «L’objectif est d’aider les femmes à prendre leur place dans le débat public, et de faire en sorte que la prise de parole devienne un jeu», détaille Virginie Pilault. La journaliste et formatrice indépendante intervient dans deux des trois modules proposés dans le cadre de cette formation réalisée cette année à distance, en raison de la pandémie, à partir du 1er avril.

Les deux modules de Virginie Pilault aborderont la prise de parole et la mise en valeur de soi en politique, ainsi que l’utilisation des réseaux sociaux dans ce même domaine. La communication en politique présente certes, selon la formatrice, les mêmes règles de bases que pour la communication en entreprise, qui s’appuient notamment sur la posture ou la pose de voix. Mais en politique, contrairement au travail, on s’exprime souvent devant un public et dans un endroit inconnus, ce qui peut en déstabiliser certaines. En outre, «les personnes en face de soi sont souvent des adversaires», poursuit Virginie Pilault.

S’appuyant toujours sur les expériences vécues et relatées par ses participantes lors de ses formations, Virginie Pilault se souvient ainsi d’une politicienne aguerrie, parfaitement à l’aise pour s’exprimer en congrès devant 3000 personnes, mais tétanisée lors d’une séance politique. «Elle souffrait en réalité du syndrome de l’imposteur», analyse Virginie Pilault. «Elle se sentait légitime dans son travail, grâce à ses nombreux diplômes, mais pas en politique. Je lui ai pourtant rappelé qu’elle avait été élue démocratiquement, donc qu’elle ne devait pas avoir peur de s’exprimer publiquement.»

Oser parler en public

Ce sentiment d’illégitimité est récurrent chez les femmes, constate Virginie Pilault, qui les aide à en prendre conscience, et à «mettre des mots sur leurs maux». «Les femmes ont en outre souvent besoin de diplômes pour se rassurer, ce qui n’est pas souvent le cas des hommes», affirme la formatrice.
Dans ses cours, celle-ci rappelle également ce chiffre: «Plus de 85% des experts interviewés dans les médias sont des hommes, alors qu’ils ne représentent que la moitié de la population suisse.» Virginie Pilault encourage ainsi les femmes «à prendre le taureau par les cornes, pour s’exprimer à la place des hommes.»

Dans le deuxième module de la formation qu’elle propose pour le canton de Berne, Virginie Pilault insiste sur l’importance de la maîtrise des réseaux sociaux en politique. «Ceux-ci sont d’autant plus importants en ce moment, car les rencontres avec les électeurs sont rendues plus difficiles par la pandémie», note Virginie Pilault. «Toutefois, les réseaux sociaux ne remplacent pas les rencontres physiques. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un et l’autre.»

Rencontres virtuelles

Citant l’exemple récent des campagnes d’élections communales dans les cantons de Vaud et de Fribourg, la formatrice rappelle que les réseaux sociaux permettent de débattre et de profiter des retours directs des électeurs, mais également de récolter leurs souhaits. «Ce contact ne doit pas être négligé, car il ressort de la démocratie», insiste Virginie Pilault.

Devant la multiplication croissante de ces canaux de discussions, vers lesquels se tourner?Ayant longtemps exercé comme journaliste, notamment à la RTS, Virginie Pilault conseille de ne pas oublier Twitter, un réseau principalement utilisé par les politiciens et les journalistes. Ces derniers s’en servent parfois comme source d’information, selon elle. «Pour l’interaction avec le public, Facebook domine. Il reste le réseau grand public et facile d’accès», juge Virginie Pilault. Si les politiciennes souhaitent cibler leurs messages vers les jeunes, la formatrice suggère alors de se tourner vers Instagram.

Virginie Pilault salue l’utilité de ces formations destinées aux femmes, qui peuvent faire naître des vocations de politiciennes chez certaines. Mais elle déplore toutefois «que la responsabilité soit à nouveau sur les épaules des femmes», et qu’on ne réfléchisse pas assez dans l’autre sens. «On les pousse à se former pour gagner confiance en elles, mais il faut également songer aux racines du problème:elles ne prennent pas la parole, car on ne la leur donne pas.» Les politiciens doivent parfois user de stratagèmes pour convaincre les femmes de se lancer aux élections, admet Virginie Pilault. «Mais ce travail est nécessaire, car il est insensé de voir aujourd’hui des listes électorales 100% masculines.»

De plus amples informations sur les formations proposées par le Réseau égalité Berne francophone sont disponibles sur le site de la Chancellerie d’Etat, rubrique «Egalité entre la femme et l’homme» (prestations).

Soutenir les politiciennes

Le Réseau égalité Berne francophone, une commission politique rattachée au bureau Egalité entre la femme et l’homme, organise depuis 2017, et tous les deux ans, des formations destinées «aux femmes de Bienne et du Jura bernois qui ont un intérêt pour la politique, qu’elles soient actives ou non», explique Ana Gonzalez, responsable du secrétariat général du Réseau égalité Berne francophone. «Nous proposons entre trois et quatre modules par formation, qui peuvent être suivis séparément ou d’un bloc. Ceux-ci correspondent aux demandes et aux besoins des politiciennes, et ils s’adaptent à l’actualité», poursuit-elle.

Dans la formation continue «Je suis politicienne et ma voix compte!», qui commence le 1er avril, le deuxième module sur la maîtrise des réseaux sociaux en politique correspond à une demande des élues, dévoile Ana Gonzalez. «On ne naît pas politicienne, on le devient», affirme-t-elle en paraphrasant la célèbre phrase de Simone de Beauvoir. Ainsi, «nous voulons montrer aux femmes que nous les soutenons dans leur parcours politique», promet Ana Gonzalez.

Enfin, la responsable assure que ces formations s’adressent à toutes les femmes, qu’importe leur mandat politique ou leur parti. «L’objectif est avant tout d’atteindre la parité à tous les échelons, mais aussi d’assurer la relève», glisse Ana Gonzalez. En ce sens, 2021 n’a pas été choisie au hasard, puisque les prochaines élections cantonales sont prévues pour 2022.

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