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Jura

Votation axée sur l’émotionnel

Les électeurs se prononceront sur l’imposition à la source des frontaliers

Le nombre de frontaliers travaillant dans le Jura varie selon les sources, à fin 2014. Archives Richard Leuenberger

Gérard Stegmüller

L’électeur de base, celui qui n’a pas eu le privilège de fréquenter l’université du Peuchapatte, s’y retrouvera-t-il? Certainement pas! Le 14 juin, les Jurassiens se prononceront à la fois sur une initiative populaire cantonale déposée par l’UDC ainsi que sur un contre-projet du Parlement intitulés «Pour l’imposition à la source des travailleurs frontaliers».

La campagne n’en est qu’à ses prémisses que, déjà, les deux camps se chamaillent sur les chiffres. Bonne chance pour dénicher le vrai du faux. Un seul exemple, flagrant: pour l’office fédéral des migrations, le canton du Jura comptait 8251 travailleurs frontaliers en 2014.

Selon les tablettes de l’Office fédéral de la statistique, ce chiffre dégringolait à 7197 pour la même période. Ce décalage s’explique par le nombre de permis délivrés et le nombre de personnes travaillant effectivement en Suisse.

L’initiative populaire de l’UDC, déposée en août 2012, a récolté 2199 signatures valables. Elle demande que le principe en vigueur depuis 1983, selon lequel le frontalier français est imposable en France moyennant le versement d’une compensation financière équivalent au 4,5% du salaire brut au canton du lieu de travail par l’Etat français, soit dénoncé. L’UDC estime que le frontalier doit être ponctionné à la source. Dix-huit cantons pratiquent de la sorte.

Français. Car les ressortissants tricolores forment le gros de la troupe des frontaliers exerçant une activité lucrative dans le Jura. Les travailleurs résidant en Italie, Allemagne et Autriche, cette remarque s’applique surtout pour d’autres cantons, sont déjà imposés à la source.

Selon une étude de l’université de Genève, le canton du Jura serait perdant de changer de procédé. La Confédération, qui n’encaisse rien actuellement, toucherait 1,2 million en cas d’acceptation, le canton 5,6 en plus, alors que les communes perdraient dans l’aventure 13,6 millions de recettes fiscales.

La rétrocession française s’est élevée à 22 millions pour 2013 (90% reversés aux communes). Sous l’angle de la péréquation financière internationale, le Jura verrait son potentiel de ressources augmenter avec pour conséquence une diminution de la manne fédérale estimée pour 2014 à 7,4 millions.

Pas étonnant que l’on retrouve dans le camp des opposants à l’initiative et favorables au contre-projet (lire encadré) les maires des communes. Un comité emmené par Damien Chappuis (Delémont), Michel Choffat (Basse-Allaine) et Joël Vallat (Saignelégier) s’est lancé dans la bagarre.

Les deux premiers l’ont claironné mercredi à Delémont en conférence de presse: le texte de l’UDC est «catastrophique et irresponsable». Ils ont ajouté: «François Hollande l’a rappelé lors de sa récente visite en Suisse. La libre circulation des personnes et le statut du travailleur frontalier ne sont pas monnayables.»

Le comité fait aussi remarquer qu’en cas de victoire du oui, le surplus administratif pour les entreprises et l’administration cantonale serait conséquent. Le canton se verrait dans l’obligation de créer cinq postes au sein du Service des contributions. Coût estimé:750 000 francs.

Le comité évoque aussi au passage la perte d’attractivité pour les entreprises désireuses de s’implanter dans le Jura. «On a déjà créé des postes de fonctionnaires pour des choses bien moins intelligentes que celle-là», coupe Jean Lusa, vice-président de l’UDC Jura, et «père spirituel» de l’initiative. «Je suis sûr que nous allons gagner. Les gens ont du bon sens.»

On a failli l’oublier:le comité anti-initiative craint que le côté émotionnel prenne le dessus sur le rationnel lors de cette votation cantonale. La peur du 9 février 2013 et l’initiative fédérale contre l’immigration de masse demeure encore bien installée. D’ailleurs, l’UDC attaque son slogan de campagne de la façon suivante: «Frontalier d’accord, Jurassien d’abord!» Pour Jean Lusa, il s’agit de rétablir une «injustice fiscale.

Oui, l’étude s’appuie sur des comparaisons avec Genève, qui a opté pour l’impôt à la source. Mais notre initiative a été déposée en termes généraux.» Une étude à laquelle a participé le canton de Neuchâtel. Pour finalement renoncer à aller plus loin et opter pour le statu quo, tout en demandant que le taux de 4,5% puisse être renégocié.

L’UDC Jura, qui rejette le contre-projet, estime que ce sont 15 millions de francs supplémentaires qui pourraient rentrer dans les caisses. Et qu’importe qu’elles soient cantonales ou communales. «Des gens de tous bords sont d’accord avec nous», assure Jean Lusa.

Yo-Yo

8251 Le nombre de frontaliers estimé travaillant dans le Jura fin 2014 selon l’Office fédéral des migrations.

7197 Le nombre de travailleurs frontaliers estimé travaillant dans le Jura fin 2014 selon l’Office fédéral de la statistique.

22 En millions de francs, la rétrocession française pour l’année fiscale 2013.

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