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Ville de Berne

Le cannabis dealé en pharmacie

La Direction de la santé veut lancer un projet inédit. Les consommateurs de cannabis habitant la commune viendraient se fournir en pharmacie. Sous l’œil des scientifiques.

Bien que strictement encadré, le projet développé par la ville de Berne risque bel et bien d’en mettre certains en pétard. Keystone

Pierre-André Sieber

La Liberté

Réguler scientifiquement la consommation de cannabis en le mettant en vente dans les pharmacies au prix du marché pour briser le trafic: le projet présenté hier par la ville de Berne affiche une réelle ambition.

Supervisé par l’Institut de médecine sociale et préventive de l’Université de Berne, il associe les villes de Genève, Zurich et Bâle collaborant à cette expérience totalement novatrice en Suisse. Même si l’idée de passer par le réseau des pharmacies reste une spécialité bernoise.

C’est le centre de compétence en matière de législation sur les médicaments Pharmalex, sur mandat de la Direction de la formation, des affaires sociales et du sport de la ville de Berne, qui a été chargé de vérifier l’assise légale de ce projet. Lequel doit encore être approuvé par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Auparavant, le profil de la recherche exécutée par l’institut doit être défini.

Feu vert du parlement

«Je pense que notre demande pourra être déposée au 2e semestre 2016 à l’OFSP», commente Regula Müller, chargée des questions liées aux drogues à la ville de Berne. «Nous avons reçu un feu vert très net de notre parlement.»

Parmi les cités intéressées à réguler le commerce de cannabis, Berne veut aller de l’avant. «L’autorisation nécessaire pour la production et la mise en circulation de cannabis vendu en pharmacie pourrait être délivrée à titre exceptionnel par l’OFSP en se basant sur l’article 8, paragraphe 5 de la loi sur les stupéfiants», soutient Franziska Slongo, juriste à Pharmalex. Il faudra aussi l’assortir d’une autorisation de la commission d’éthique cantonale.

Les conditions matérielles de ce projet sont strictes. Les participants à l’étude doivent être âgés de 18 ans au minimum et habiter la ville. Si la filière de production du cannabis n’a pas encore été définie, la vente sera assurée par les apothicaires de Berne.

«Ainsi, une infrastructure professionnelle pourra être utilisée», assure la conseillère municipale Franziska Teuscher, cheffe du dicastère concerné. «Les pharmacies ont la confiance de la population. Elles ont la connaissance nécessaire en matière de stupéfiants et apportent au dispositif contrôle et sécurité.»

Du côté de l’Institut pour la médecine sociale et préventive de l’Université de Berne, Matthias Egger, directeur, estime que le déploiement du projet va prendre entre 3 et 4 mois et le traitement des données coûter 20 000 francs.

L’Uni définit le profil

En première ligne de ce projet figure la réduction des risques pour la santé en introduisant des manières alternatives de consommation du cannabis, notamment en utilisant vaporisateurs et e-cigarettes à la place du joint. Un volet de l’étude concerne le comportement de consommation des participants, les effets et l’utilité des interventions de prévention, mais aussi la qualité du cannabis vendu au marché noir.

Les coûts finaux de mise en œuvre ne peuvent pas encore être évalués, mais dans tous les cas un financement du Fonds national suisse (FNS) de la recherche scientifique sera requis.

Un groupe d’experts internes et externes à l’administration accompagnera la définition du profil de recherche exécuté par l’institut. A la fin, un processus d’évaluation associera le groupe de coordination des villes suisses souhaitant réguler le cannabis.

Pour Franziska Teuscher, il est important que ce projet soit mené avec beaucoup de rigueur. Selon la patronne de la Direction de la santé, les pharmaciens de la ville ont montré de l’intérêt. «Nous avons eu des préavis positifs de pharmaciens et pharmaciennes ainsi que de l’association de la branche», assure Regula Müller. «Je pense que certains peuvent avoir des craintes mais la plupart de ceux que nous avons approchés étaient intéressés à participer.»

Certains apothicaires émettent des réserves. «Vendre du cannabis dans notre pharmacie ne m’apparaît pas une bonne idée», témoigne une responsable de pharmacie à Berne. «C’est à cause des autres clients: ils peuvent avoir peur de côtoyer les acheteurs de cannabis.»

 

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