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Economie

Quand le combat dune PME devient épopée romanesque

Vendu à 355 000 exemplaires, primé et adapté à la télé, un livre analyse sans fard et avec précision les rouages de l'économie du Japon

Quand le combat d'une PME devient épopée romanesque

Il est rare qu'un livre, qu'une fiction, restitue l'univers des petites et moyennes entreprises dans toutes ses dimensions, de l'âpreté du combat pour la survie économique au défi de l'innovation technologique en passant par la recherche de financements. Sans oublier la pression qu'exerce le donneur d'ordre sur le sous-traitant.

Transformer des valeurs entrepreneuriales en éléments romanesques relève du challenge pour l'écrivain. C'est pourtant ce que transcende le jeune auteur japonais Ikeido Jun dans «La fusée de shitamachi*». Un roman plus efficace que stylé qui s'ancre dans l'économie japonaise et le secteur de la technologie spatiale.

Tour d'horizon des problématiques économiques universelles abordées à travers cette PME fictive qui pèse quand même 30 milliards de yens de chiffre d'affaires (353 millions de francs) pour 200 employés.

Le personnage principal, Tskukuda Khôhei, a repris l'affaire familiale, la Tsukuda Seisakusho. Son challenge: faire évoluer la société d'une fabrique de pièces pour machines-outils d'hier en PME spécialisée dans les moteurs compacts, puis en société capable de proposer des produits propres, voire une fonction, pour les géants de l'industrie aérospatiale.

Tout en se consacrant à son ambition, l'entrepreneur se heurte à la concurrence frontale d'un géant qui déploie une stratégie d'étouffement juridique pour s'emparer de parts de marchés en misant à court terme sur le rachat ou la faillite de Tsukuda. Pour survivre l'entreprise bataille sur le front commercial, tente de conserver sa clientèle rendue prudente par l'impact d'un conflit avec un grand groupe et par les arguments de la force de vente adverse.

Préserver ses débouchés commerciaux et développer un produit propre dans un contexte de crise implique de trouver des financements en fonds de roulement et des crédits nécessaires pour assurer le secteur «recherche et développements». Et c'est quand il faut assumer un risque que le banquier tend à se montrer frileux. Alors que quand tout va bien?

Un bon produit n'est pas tout. Il importe de le protéger, de le verrouiller, grâce aux dépôts de brevets les plus précis possibles. Sinon rien n'empêche la concurrence de pratiquer la stratégie du coucou et de jouer sur des différences minimes pour se rapprocher le plus possible de l'invention.

La sous-traitance industrielle équivaut-elle à la maltraitance économique- En plus de l'attaque juridique, la Tsukuda Seisakusho doit faire face à la défection d'un client qui bénéficiait d'une ligne dédiée. Retrait qui ne tient compte ni des investissements consentis ni des délais qui permettraient de man?uvrer. Et, pour fournir en direct un gros client, il faut en passer par ses procédures.

Moyen par lequel une grande entreprise délègue ou non sa confiance à un fournisseur selon ses conditions. Le fournisseur potentiel doit littéralement «se mettre à poil» pour gagner son ticket d'entrée. Examen approfondi des comptes, visites scrupuleuses des locaux, analyses pointilleuses des installations techniques, des process, des qualifications?

Finalement le cauchemar du patron. Adieu le technicien, bonjour le gestionnaire à tout faire confronté aux banquiers, aux cadres, aux avocats. L'homme ne s'appartient plus et son entreprise semble lui échapper alors qu'il devrait être le seul maître à bord- *Shitamachi. Ce mot désigne un quartier d'artisans et de petits commerçants poussé à l'ombre d'un château seigneurial. Il est employé ici pour opposer la PME innovante de zone industrielle lambda au grand groupe rigidifié dans ses procédures.

Avec ses aspects «sur le vif», ce livre est aussi révélateur de la mentalité japonaise au travail.

Lire:

«La fusée de shitamachi», Books Editions, 470 pages.

Mots clés: Economie