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Athlétisme

Noémie dans la foulée de Marie-Thérèse

Ancienne sprinteuse d’élite, Noémie Sauvage Pasche participe dimanche au mythique Marathon de New York. Sur les traces de sa mère Marie-Thérèse, la Tavannoise s’est lancée ce défi pour ses 40 ans.

Noémie Sauvage Pasche prend la pose avec ses deux filles, Inès (à gauche) et Thaïs, peu avant de boucler sa valise pour la Grosse Pomme. (Raphael Schäfer)

Laurent Kleisl

Noémie Sauvage Pasche est arrivée jeudi dans la Grosse Pomme. Emue, sans doute. Et excitée. Tellement excitée. Dès son adolescence, la Tavannoise établie à Bienne a nourri l’ambition d’un jour participer au Marathon de New York. Dimanche, elle réalisera un rêve qu’elle gardait enfoui depuis 27 ans. «J’avais 13 ans quand ma maman a couru le Marathon de New York, l’âge qu’ont aujourd’hui nos deux premiers enfants, Inès et Rocco», glisse-t-il. «Comme ma maman, je voulais y participer à mes 40 ans.»

Le thème de l’épopée pourrait s’intituler jamais sans ma mère. Installée depuis maintenant 14 ans avec papa Sylvain au Gros Morne, en Martinique, Marie-Thérèse rejoindra Noémie à New York. «Sa participation m’a profondément. Elle s’y était rendue avec un groupe de marathoniens suisses allemands. C’était il y a 27 ans. A cette époque, pour les femmes, le sport, ce n’était pas comme aujourd’hui.» Car maman courrait. Et plutôt bien. «Avec mon frère et ma sœur, on l’accompagnait partout, comme à Sierre – Zinal. Elle a participé à la première course des femmes à Berne en 1987.»

Point d’acte militant, de féminisme exacerbé, dans la démarche de Noémie Sauvage Pasche. Juste une grande marque de respect. Et d’amour. «Pendant des années, ma maman a couru tout en s’occupant de trois enfants et en travaillant à 100%. J’ai suivi ce rythme pendant un an et demi, je ne sais pas comment elle faisait ! Durant tout ce temps, je me disais que je n’y arriverais pas», indique la physiothérapeute active dans son propre cabinet, à Tavannes, depuis 2013.

Le cadeau qui «booste»
Son défi a pris une forme définitive à la fin de l’année dernière. Le point de non-retour. «C’est Cyrill qui m’a offert le Marathon de New York à Noël. Il avait déjà tout organisé. Cela m’a boosté», sourit-elle. Cyrill? Cyrill Pasche, le mari, accessoirement ancien attaquant étoile du HC Bienne. «J’ai tout de suite appelé ma mère en Martinique pour lui annoncer la nouvelle. C’est normal, ce marathon, je le fais dans ses pas. Et qui sait, j’espère ouvrir une brèche chez mes filles.» Elle glisse un regard beau d’affection maternelle à Thaïs (5 ans), sa petite dernière. «Ça fait 20 ans que je fanfaronne qu’à 40 ans, je participerai au Marathon de New York. Je l’ai tellement dit que maintenant, je dois assumer!»

Et pour assumer, Noémie Sauvage Pasche a appris un nouveau sport. Longtemps, cette ancienne sprinteuse d’élite, multiple médaillée aux championnats de Suisse, a détenu les records jurassiens des 100, 200, 300 et 400 m – entre 2014 et 2017, Fanette Humair s’est employée à les en déposséder. Le marathon, c’est autre chose. «Après de nombreuses années dans le sport de pointe, j’ai découvert le sport de masse. Je suis Experte J+S en athlétisme. Je sais comme travailler pour préparer un marathon. Mais là, c’est différent, c’est pour moi que j’ai dû mettre en place cet entraînement.» Avec, en plus, une physionomie pas particulièrement taillée pour les longues distances. «Je suis trop grande, trop lourde... Même dans les épreuves régionales, les gens se demandaient ce que je pouvais bien faire là, en queue de peloton!»

Courir et danser
Minutieusement, Noémie Sauvage Pasche s’est apprêtée pour avaler les 42,195 km d’un marathon. «J’ai juste préparé mon corps à tenir sur cette distance, que je n’ai encore jamais courue. A l’entraînement, je suis allée jusqu’à 33 km. Depuis presque un an, je cours entre 40 et 50 km par semaine. J’ai essayé de me préparer comme ma maman.» Elle détaille par le menu: «J’ai par exemple avalé les 22 km entre Tavannes  et Bienne. On commence par le Pierre Pertuis puis, à la fin, il y a le Taubenloch; c’est tellement beau... Quand j’ai couru Tavannes - Montoz, je me suis perdu dans tous ces petits chemins. J’ai alors contacté ma maman via Skype. Elle me dirigeait depuis le Martinique!»

Bannissant toute forme d’utopie athlétique, Noémie Sauvage Pasche ne s’est fixé aucun objectif chronométrique, si ce n’est celui de terminer dans le temps limite fixé à 6h30. «Ma maman avait rejoint l’arrivée en 4h30», précise-t-elle. «A partir du 30e km, l’objectif sera surtout de supporter la douleur mentalement. En fait, ce que je veux, c’est taper des mains, danser si j’entends de la musique qui me plaît. Je ne vais pas regarder parterre, car je me réjouis d’apprécier tout ce que je vais voir, de traverser tous ces quartiers de New York.» Magique.

 

Un juteux business

A sa première édition en 1970, le Marathon de New York avait réuni 127 curieux invités à tourner en boucle dans Central Park. En 1976, il a quitté l’îlot de verdure de Manhattan pour traverser les cinq boroughs sur lesquels s’étend la ville. Depuis, l’épreuve est devenue une institution du sport de masse au niveau planétaire. Son succès est tel que désormais, l’organisation gèle le nombre d’inscrits à un chiffre astronomique avoisinant les 50 000 accrocs de la savate. La demande étant supérieure à l’offre, le tri est sélectif. A moins d’être qualifié à la performance – privilège réservé aux cracks – ou de figurer dans la catégorie célébrité – Teri Hatcher, Ethan Hawke, Katie Holmes ou encore Alicia Keys y ont participé ces dernières années –, le processus d’inscription se transforme en véritable parcours du combattant pour le commun des mortels. «Environ un quart des participants est tiré au sort», explique Noémie Sauvage Pasche. «Si j’étais passé par ce processus, je n’aurais sans doute pas pu courir l’année de mes 40 ans. Mon mari a recouru aux services d’une agence agréée, qui possède un quota de places.» Déplacement, logement, soirée d’information, coaching, un package complet est offert aux coureurs pour une modique somme de près de 5000 fr. Le Marathon de New York, également, est un juteux business.


Le New York de Donald Trump

Il y a 12 mois, une foule estimée à 2,5 millions de spectateurs était venue encourager les champions de la 58e édition du Marathon de New York. Cette masse populaire répondait avec force à l’ignominie. Cinq jours plus tôt, durant l’après-midi d’Halloween, un attentat terroriste avait frappé Manhattan. Huit personnes avaient été tuées et 12 autres blessés dans une attaque menée au camion-bélier. Quelques jours avant les élections américaines de mi-mandat, qui se déroulent mardi, les artères new-yorkaises seront dimanche sous haute surveillance. «Mon sentiment oscille entre l’excitation et l’angoisse», confie Noémie Sauvage Pasche. «J’arrive quand même aux Etats-Unis de Donald Trump, et on a encore tous à l’esprit l’attentat du marathon de Boston.» Le 15 avril 2013 dans la Massachusetts, deux explosions déclenchées près de la ligne d’arrivée avaient tué trois personnes et blessés 264 autres.

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