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VTT

Troisième couronne mondiale pour Nino Schurter

Nicolas Siegenthaler, un coach en or pour les coureurs suisses

Le protégé de Nicolas Siegenthaler a vraiment une classe exceptionnelle. Keystone

Tiphaine Bühler

Ce n’est pas du champagne, mais un vin toscan du domaine de Thomas Frischknecht que Nicolas Siegenthaler a ouvert après le troisième titre de champion du monde de Nino Schurter, samedi, sur le parcours de cross-country de Pietermaritzburg, en Afrique du Sud. «Frischknecht a un vignoble à Massa et chaque rangée porte le nom d’une des coupes du monde qu’il a gagnées. Il y en a 18», explique le coach biennois à la fête.
La victoire de son poulain a été la plus aisée de sa carrière. Une dégustation, aurait-on envie de dire. «C’est la première fois sur une épreuve mondiale que Nino fait la course en tête du début à la fin», relève son mentor depuis 13 ans. «Il est parti comme prévu tout de suite devant. Il a ensuite montré un contrôle parfait et qu’il était largement au-dessus des autres. Il a même pris le temps de lâcher son guidon pour manger et boire après une heure de course.»
Julien Absalon, son grand rival pour le titre, a terminé 6e, avec cinq côtes fêlées suite à des chutes les jours précédents. Son foie pourrait être touché. Sa fin de saison est incertaine. Son rang relève donc de l’exploit. Nino Schurter le sait, mais a su rester imperturbable.

«Il faut le surprendre»

«C’est un honneur de travailler avec un gars comme Nino», poursuit son entraîneur biennois, euphorique. «A 27 ans, il est déjà trois fois champion du monde, huit fois champion d’Europe et leader de la Coupe du monde. Ne manque plus que l’or olympique. Nous irons le chercher à Rio! La clé de la réussite, c’est aussi la connaissance parfaite que nous avons l’un de l’autre. Nino, il faut le surprendre. Si vous lui proposez des entraînements trop scientifiques, ça ne marchera pas.»
Et des idées originales, l’instituteur biennois en a à revendre. Pour l’anniversaire de son protégé, juste avant son départ pour l’Afrique du Sud, il lui a offert un portrait de lui à vélo de 1m50 sur 1m, peint par ses soins pendant 40 heures. «Il avait la larme à l’œil», confie Nicolas Siegenthaler. En guise de bonus, Nino Schurter s’est lancé dans la course «Eliminator» dimanche matin, à la lutte avec un autre protégé de son coach, Marcel Wildhaber, qui termine 6e et largement meilleur Suisse. «Nino a été éliminé d’entrée, il était au-delà des 32 premiers», relate le Biennois. «Mais Marcel manque de peu la grande finale et réalise une 2e place à la petite finale. C’est bien.»

A bonne école

Proche de ses autres athlètes, l’ancien vainqueur du Grand Raid l’est aussi. Le 12e rang en cross-country de la championne de Suisse Katrin Leumann est en deçà des espérances. «On doit encore travailler», glisse-t-il. «Elle part devant pendant presque 10 minutes alors qu’elle n’a jamais rien gagné à ce niveau. C’est un choix discutable. Mais je suis déçu pour elle et pas d’elle.»
L’Argovienne Esther Süss s’offre en revanche la 3e place, à 39 ans (!). «Elle est extrêmement professionnelle», admire l’enseignant. «Elle ne fait pas partie de mon groupe, mais lorsqu’elle est venue à un de mes cours de force et coordination, c’est la seule qui était là avec un crayon et du papier.»
Son junior Andrin Beeli réalise quant à lui le meilleur résultat de sa carrière en se classant 10e et meilleur Suisse, ce malgré une chute collective. «C’est un travailleur, il vient du même club que Nino et c’est Nino qui m’a demandé de le suivre.» Toujours en cross-country, il y a le 27e rang en M23 d’Andri Frischknecht. «On pose les pierres angulaires», estime le préparateur physique. «Dans sa catégorie d’âge, il fait 4e. Il chute sur la fin, mais revient de la 35e à la 27e place. C’est un tout grand, il faut de la patience.» Le 4e rang de Noël Niederberger en descente – à 38 centièmes du podium – et la 7e place de sa fille complètent le tableau des Mondiaux du passionné de deux roues.

Cinq sur sept

C’est sur le vélo que le coach à succès décompresse. «Je fais toujours une petite dépression post-partum après un événement pareil», plaisante-t-il volontiers. «J’ai un moment de blues. J’ai déjà envoyé les plannings d’entraînement pour la semaine qui vient en vue de la finale de la Coupe du monde en Norvège, dans 10 jours. Il ne faut pas se relâcher. Mais sur les sept coureurs que j’ai, cinq terminent meilleur Suisse. Je crois qu’on peut dire qu’on travaille bien pour le sport helvétique.»

Emilie septième malgré un casque défoncé

Sacrée chute! Après le père, il y a la fille: Emilie Siegenthaler. Sur la descente poussiéreuse des Mondiaux, la championne de Suisse termine 7e. Mais elle revient de loin. La veille, lors de l’épreuve chronométrée, le speaker ne cache pas son émotion lorsqu’il voit la chute de laBiennoise. Emilie s’envole littéralement après une table – un saut en plateau – pour atterrir sur la tête et rouler en boule hors de la piste.
Heureusement, pas de blessure grave. «J’ai rampé sur le bord. Mon casque était défoncé. Mais après un examen médical, on a vu que je n’avais rien de cassé, juste des hématomes partout, les ligaments de ma main droite distendus et quelques côtes douloureuses», explique Emilie Siegenthaler, qui a déjà passé à autre chose. «J’ai dû réparer mon casque comme je pouvais et remettre une visière neuve, le médecin m’a donné des antidouleurs.»
Courbaturée, l’étudiante en psychologie n’a pas lâché ses espoirs de podium. Avant de terminer sur le bas-côté, elle pointait au 3e temps intermédiaire. Elle a donc décidé de prendre le départ dimanche. «Je n’ai pas été handicapée par ma chute», précise-t-elle d’emblée. «J’ai fait une énorme faute au début de la course sur le passage délicat. J’ai failli sortir de la piste. C’est arrivé à plusieurs filles. J’ai ensuite dû relancer. Sur la fin, je me sentais bien, j’ai fait un bon run. Même si cette 7e place n’est pas terrible, c’est tout de même mon meilleur résultat en championnats du monde!»
Emilie Siegenthaler rigole, relativise. La semaine a été éprouvante, mais elle a eu du plaisir. Derrière elle au classement, de grands noms de la Coupe du monde. Elle a commis cette faute au début, mais ses statistiques de course laissent envisager d’excellentes perspectives pour l’année prochaine. Elle fait le troisième temps sur la fin du parcours et est la meilleure en vitesse maximale (flashée à 42 km/h), devant la championne du monde Rachel Atherthon, intouchable cette saison.
Le nouveau directeur technique de son équipe, l’ancien champion de descente Cyril Lagneau, le lui répète cette saison: «Tant que tu n’es pas à 100% pro, tu ne feras pas de podium. Il faut bosser sur le vélo.» ça tombe bien, c’est ce qu’elle compte faire en 2014. En attendant, Emilie prépare les deux dernières manches de la Coupe du monde qui lui restent cette année.

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