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cyclisme

Carré d’as pour un grand Tour

Bernard Hinault et Richard Chassot jaugent les chances des favoris

De gauche à droite: Christopher Froome, Alberto Contador, Nairo Quintana et Vincenzo Nibali. photos: Keystone - photomontage: François Allanou

Utrecht, Juliàn Cerviño

A Utrecht, avant le Grand Départ du 102e Tour de France, les suiveurs piaffent d’impatience. Cette édition 2015, qui débute demain, s’annonce comme «une des plus intéressantes de ces dernières années», assurent les connaisseurs.

Tous pensent que le vainqueur sortira du carré d’as des favoris: Vincenzo Nibali (30 ans, Italien), Alberto Contador (32 ans, Espagnol), Chris Froome (30 ans, Britannique) et Nairo Quintana (25 ans, Colombien). Richard Chassot et Bernard Hinault, deux ex-coureurs, jouent les consultants et se lancent dans l’analyse des forces en présence.

Vincenzo Nibali

Le vainqueur sortant parviendra-t-il à répéter son exploit? «C’est à coup sûr le mieux armé pour éviter les pièges de la première semaine», affirme Richard Chassot, consultant de la RTS. «Il maîtrise bien les étapes nerveuses et piégeuses, comme il l’avait démontré l’année passée. En plus, il peut compter sur une équipe très forte. Cela dit, si ses rivaux arrivent entiers aux Pyrénées, il sera en difficulté car il n’est pas le plus fort des quatre lorsque les étapes de montagne s’enchaînent.»

Même si les problèmes liés à la présence de son équipe dans le World Tour ont dû perturber sa préparation, Bernard Hinault estime que «si Nibali revient avec la même condition qu’en 2014, il sera difficile à battre».

Alberto Contador

Parviendra-t-il à relever son pari fou: gagner le Tour (ce serait son troisième officiellement) après avoir triomphé lors du Giro? «C’est le plus explosif de tous, il est capable de dynamiter la course», souligne Richard Chassot. «Il est le moins facile à contrer et c’est lui qui a le moins à perdre. Il a déjà gagné le Tour d’Italie et il sait résister à la pression. Reste que, dans la troisième semaine, il devrait ressentir la fatigue du Giro et logiquement régresser. Mentalement, il risque aussi de se fatiguer.»

Pour Bernard Hinault, le problème viendra peut-être aussi de son équipe qui chasse deux lièvres à la fois avec la présence de Peter Sagan qui vise des victoires d’étape et les points. «A trop demander le jaune et le vert, Oleg Tinkoff, leur patron, pourrait bien tout perdre…»

Chris Froome

Déjà vainqueur en 2013, le Britannique sait qu’il doit relever «le pari le plus difficile de sa carrière». En est-il capable? «Le bémol pour lui est le manque de contre-la-montre sur ce Tour», prédit Richard Chassot. «Dans les chronos, il peut mettre les pendules à l’heure. Là, il n’aura pas cette possibilité et il sera difficile pour lui de faire face à trois grimpeurs. Il risque de subir la course et ne maîtrise pas toujours très bien les attaques puissantes et lointaines. Son équipe (Sky) apparaît aussi moins forte.»

Pour Bernard Hinault, Chris Froome doit attaquer d’entrée. «Le problème pour lui et Contador, c’est Quintana», estime le «Blaireau», dans le programme du Tour. Selon le quintuple vainqueur de la Grande Boucle Froome et son équipe doivent «faire la peau» du Colombien dès la première semaine.

Nairo Quintana

«Pour moi, c’est le favori No 1 s’il passe sans encombre la première semaine», lance Richard Chassot. «C’est lui qui peut surprendre le plus. Il n’a peut-être pas beaucoup couru et ce n’était peut-être le meilleur choix. Son équipe ne semble pas très forte, mais il aura beaucoup de possibilités de faire la différence en montagne et il possède de grosses capacités en montagne.»

Selon Bernard Hinault, le Colombien est aussi le «grand favori». «Le parcours le sert avec des étapes courtes en montagne qu’il va certainement transformer en courses de côte», analyse le Breton.

«Comme il n’est pas mal dans les contre-la-montre, je le vois endosser le maillot jaune. Sauf si ses adversaires reprennent la vieille recette que j’utilisais contre Luis Herrera: rouler avec un braquet de 12 dents (réd: sur le pignon arrière) durant toute la première semaine, afin d’user les grimpeurs avant la montagne…»

Thibaut Pinot et la pression

Troisième et meilleur jeune l’an dernier, Thibaut Pinot (25 ans) fait partie des plus sérieux outsiders derrière le carré d’as. Le problème du Franc-Comtois sera de parvenir à ne pas perdre trop de temps durant la première semaine, comme ce fut le cas lors du Tour de Suisse. «Ce sera difficile pour lui sur les pavés et dans les bordures. Il va détester les 10 premiers jours», assure Richard Chassot.

«Il devra aussi résister à la pression des médias français et ce ne sera pas évident. Sinon, en montagne, il a progressé, on l’a vu au Tour de Romandie comme au Tour de Suisse. A lui d’arriver en bonne position à ce moment-là. Pour ma part, je me réjouis aussi de voir les progrès de Romain Bardet. Il est plus polyvalent que Pinot et il pourra compter sur un équipier de luxe avec Jean-Christophe Péraud (2e en 2014).»

Pour Bernard Hinault, un nouveau podium pour Thibaut Pinot est «jouable, même si l’année passée les chutes avaient contribué à faire le ménage». Ce pourrait être aussi le cas cette année, reste à savoir qui seront les victimes.

Fabian Cancellara vise une dernière fois le maillot jaune

Fabian Cancellara tout sourire avant ce qui pourrait être son dernier Tour. Keystone

«Même si on ne sait jamais ce qu’il peut se passer en cyclisme, il est probable que ce soit mon dernier Tour de France. J’y ai songé», confie Fabian Cancellara (34 ans), présent pour la dixième fois au départ de la Grande Boucle.

Après avoir remporté cinq prologues du Tour dans sa carrière, le Bernois aimerait marquer cette probable dernière participation par un nouveau coup d’éclat demain à Utrecht, lors du contre-la-montre initial (13,8 km). «J’ai porté le maillot jaune pendant 28 jours et j’aimerais améliorer ce chiffre», avoue «Spartacus».

Après un Tour de Suisse difficile, marqué par des problèmes de santé pour le quadruple champion du monde du chrono, la forme semble revenue. On s’en était aperçu lors de la dernière étape de la boucle nationale à Berne, lorsque «Fabu» avait terminé deuxième d’un contre-la-montre exigeant autour de la capitale fédérale.

«Le fait d’avoir réussi à terminer le championnat de Suisse sur route avec le peloton des pros dimanche m’a rassuré et mis en confiance», assure Fabian Cancellara. «Je suis sur le bon chemin et je peux aller de l’avant. Samedi, je donnerai le maximum sur ce chrono. Je connais cet exercice, j’ai de l’expérience.»

On n’en doute pas, sauf que, au fil des années, les rivaux sont devenus plus nombreux et plus dangereux. «Tony Martin, Rohann Dennis et, surtout, Tom Dumoulin seront les autres grands favoris», estime Fabian Cancellara. «Ce sera encore une fois très spécial.» Et cela s’annonce très serré.

La pression est d’autant plus grande pour la star helvétique de Trek que son équipe est en manque de victoires (11 pour l’instant cette saison). «Nous avons besoin de faire un bon Tour», reconnaît le manager Luca Guercilena.

Quoi qu’il arrive ce Tour de France ne s’arrêtera pas samedi pour «Cance». Mardi, l’étape des pavés le titille, même si le triple vainqueur de Paris-Roubaix écarte un peu la pression. «Nous sommes en juillet sur le Tour et ce n’est pas la même chose qu’en avril lors de cette classique. On l’a vu par le passé, la course est différente lors des étapes de ce genre sur la Grande Boucle.»

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Fabian Cancellara espère aller au bout de son probable dernier Tour. «Je veux en profiter et mettre mon expérience au service de mes équipiers, dont Bauke Mollema notre leader pour le général. J’aimerais aussi rouler encore une fois à Paris, c’est peut-être ma dernière chance de le faire. Le problème est que la dernière semaine sera très dure.» En effet, il s’agira de terminer dans les délais dans les Alpes et ce n’est pas gagné.

Pignons sur roue

(jce-si)

Cadeau Instant insolite durant la conférence de presse d’Alberto Contador hier après-midi à Utrecht. Deux journalistes locaux lui ont offert un canari. L’Espagnol, passionné par les oiseaux durant son enfance, l’a baptisé «Yellow». Il n’est pas certain que le volatile finira le Tour avec le Madrilène établi à Lugano.

Primes Le montant total du prize money du Tour est de 2 millions d’euros. Le vainqueur final en recevra 450 000. Les détenteurs des maillots vert et à pois toucheront 25 000 euros chacun à Paris, 20 000 euros récompenseront le meilleur jeune et le supercombatif. Une victoire d’étape rapporte 8000 euros. Pas cher payé pour tous ces efforts…

Secondes Attention, les bonifications sont de retour sur le Tour, alors qu’elles avaient été supprimées depuis 2008. «Afin d’impliquer davantage les protagonistes du classement général dans la chasse aux étapes», justifient les organisateurs. Il sera attribué 10’’, 6’’ et 4’’ aux trois premiers de chaque étape en ligne. Les vainqueurs d’étapes auront aussi droit à plus de points pour ce classement spécifique. Attention, ça va frotter!

Mascotte La formation Trek s’est présentée devant les médias avec un vélo tout neuf et un mouton en peluche comme mascotte. «Nous avons reçu cette mascotte durant le Giro», rigole un coureur en référence au geste d’un fournisseur. Ledit bovidé a, en tout cas, mieux tenu le coup que la bicyclette qui est tombée. «J’espère que ça sera la seule chute de ce Tour», glissait le responsable de la communication de ce team. Et si c’était un signe?

Sécurité Le nombre de policiers mobilisé sur le Tour de France ne sera pas augmenté, vu qu’il est déjà de 20 000, mais le ministère de l’Intérieur confirme que la vigilance sera plus grande en raison des risques accrus d’attentat terroriste. Les services de renseignements seront particulièrement attentifs, selon les autorités, et tout comportement suspect sera signalé. Ça promet!

Twitter Nairo Quintana n’a pas apprécié le twitt de Vincenzo Nibali durant le Dauphiné. «Et où est Quintana?», s’était demandé le Sicilien, en référence aux problèmes de localisation que l’exil du Colombien dans son pays pourrait poser. «Je tue deux oiseaux d’un seul coup», répond Quintana dans un journal hollandais.

«Cela me permet de revoir ma famille et de m’entraîner dans de bonnes conditions en altitude.» Le grimpeur sud-américain assure qu’il subit aussi des contrôles antidopage en Colombie. A vérifier, mais l’Italien ne s’est pas fait un copain.

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