Vous êtes ici

Abo

Baselworld 2016: Tag Heuer

«Notre mission, c’est d’apporter de l’éternité au poignet!»

Patron de la marque et du pôle horloger de LVMH, Jean-Claude Biver a déjà vendu 20 000 smartwatches.

La Tag Heuer Connected? La réponse de Jean-Claude Biver à l’Apple Watch. Keystone

Tobias Graden

Philippe Oudot

D’ordinaire à Baselworld, les montres sont protégées derrière des vitrines. Tout le contraire sur le stand Tag Heuer où l’on invite les visiteurs à manipuler les écrans des smartwatches exposées.

Des montres arrivées sur le marché en novembre dernier et pour lequelles Jean-Claude Biver, patron de la marque et du pôle horloger de LVMH (Hublot, Zenith et Tag Heuer) s’est allié avec les deux géants Intel, pour les microprocesseurs, et Google pour le système d’exploitation Android. En quelques mois, il a déjà écoulé les 20 000 premières pièces produites.

Une des causes du succès de la Tag Heuer Connected est qu’elle bénéficie d’un transfert d’image de l’Apple Watch. «Beaucoup de gens considèrent que c’est la première smartwatch qui est vraiment concurrente d’Apple», explique le boss. Ensuite, Tag Heuer est une marque à prix abordable, mais qui ouvre déjà les portes de l’univers des montres suisses de luxe.

Cela permet aux jeunes de s’offrir un produit de luxe sans le payer trop cher. Enfin, ajoute-t-il, Tag Heuer a un excellent rapport qualité-prix. Un facteur d’autant plus important que beaucoup d’autres marques n’ont cessé d’augmenter leurs prix.

Ce n’est donc pas par hasard si Jean-Claude Biver a choisi Tag Heuer plutôt que Hublot ou Zenith pour lancer sa smartwatch, car toutes deux sont positionnées dans le segment haut de gamme. «Un cuisinier trois étoiles ne peut pas proposer des pizzas, sous peine de perdre sa réputation. C’est pareil pour l’horlogerie! Le premier prix chez Hublot est de 5900 fr. La marque ne peut donc pas proposer une montre à 900 fr.»

Autre raison invoquée: à l’instar d’autres marques de luxe, «Zenith et Hublot produisent des montres pour toute la vie! Une Breguet, par exemple, est éternelle! Il y aura toujours un horloger armé d’un tournevis pour la réparer.»

Réponse à la concurrence

Chez Tag Heuer, en revanche, le prix d’entrée est d’environ 1000fr. Donc plus ou moins dans le segment de prix de l’Apple Watch avec qui elle se trouve donc en concurrence.

«Un jeune qui met ce prix va donc réfléchir à deux fois: ‹Vais-je acheter une Tag Heuer à trois aiguilles avec date ou, pour le même prix, une Apple Watch qui me donne l’heure et tout le reste?› Il va choisir cette dernière. Face à ce concurrent direct, je dois me défendre. Je me suis approché d’Intel et de Google en leur disant: ‹Vous avez la technologie, moi le marché!›», explique le boss. Et la réaction a été très rapide, puisque la Tag Heuer Connected est sortie tout juste sept mois après l’Apple Watch.

Conscient que la montre connectée que le client achète sera obsolète dans trois ans, Jean-Claude Biver a la parade. Asa demande, Tag Heuer lui proposera d’en extraire le module électronique et le remplacer par un mouvement mécanique. «Il aura donc lui un vrai garde-temps pour l’éternité, car notre mission d’horloger, c’est d’apporter de l’éternité au poignet de nos clients. D’un côté, je fabrique une Tag Heuer Connected, et de l’autre, j’offre au client la possibilité de s’offrir un peu de cette éternité!»

Actuellement, les 20 000 pièces produites ont été vendues, et 60 000 sont en cours de production. Et pour 2016, l’objectif est de 200 000 pièces, fabriquées en Suisse. À La Chaux-de-Fonds, Tag Heuer est en effet en train de construire une salle blanche dans laquelle seront assemblés les microprocesseurs. «C’est un transfert de technologie. Intel amène les collaborateurs et les machines. Le site sera opérationnel à mi-août, avec 35 collaborateurs.»

Pour l’heure, poursuit Jean-Claude Biver, la montre connectée n’en est encore qu’à ses balbutiements. D’ici peu, il pronostique d’énormes progrès, au niveau des fonctions, mais pas seulement. Il imagine déjà un écran virtuel au-dessus de la montre et qui permettra de s’affranchir du petit écran qu’offrent les smartwatches aujourd’hui.

Mais si Jean-Claude Biver fonce résolument dans le segment de la montre connectée, il reste convaincu que l’horlogerie traditionnelle n’est pas menacée, en tout cas pas en ce qui concerne les marques bien établies. Mais sans doute les montres dans les segments de prix inférieurs devront veiller à ne pas rater le train de la montre connectée.

«Tous les jeunes qui ne portent pas de montre mais qui craquent pour une smartwatch vont sans doute réfléchir autrement à l’avenir. Une fois que vous avez gagné leur poignet, il sera plus facile de leur vendre une 2e montre! Car c’est un objet qu’ils pourront transmettre à leurs enfants.»

Articles correspondant: Economie »