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Cormoret: CormoRock

Quand le rock mène aussi à la politique

Nouveau maire de Cormoret, Gérard Py est surtout à l’origine de ce festival qui en est à sa sixième édition. Mais contrairement au syndic Daniel Rosselat (Paléo) et au député Gilles Pierre (Chant du Gros), il n’entend pas que son bébé grandisse

Gérard Py se réjouit d’accueillir les nanas de The Chikitas, qui se sont déjà produites à New York: «Mais jamais dans un aussi petit bled!» sg-dr

Pierre-Alain Brenzikofer

«C’est la culture qui m’a amené à faire de la politique!» Il rigole, Gérard Py, nouveau maire de Cormoret depuis le début de l’année. Preuve qu’il n’est pas comme ces (in)cultureux qui se pincent le nez en entendant prononcer le mot politique. On y revient ci-dessous. Pour l’instant, c’est de Cormorock dont il sera question, sympathique happening frappé du syndrome de Pinocchio. La vie en rock, d’accord. Mais à taille humaine. Presque vallonnière!

«C’est à cause de mon fils Nicolas, qui voulait se produire à Cormoret avec son groupe, que l’aventure a débuté en 2008, avoue son géniteur. Je suis allé trouver Jean Vaucher, mari d’Annelise, l’ancienne mairesse, et président de l’Association Musique art culture de Cormoret (AMACC). Il m’a dit ‹d’accord, mais prévois quand même quelques autres groupes en sus›.»

Aujourd’hui, Nicolas vient tout juste de rentrer d’une tournée en Russie avec l’un de ses gangs, Buried Side. Il est responsable de la soirée metal de ce vendredi, juste avant de repartir arpenter la République tchèque.Passion dans l’Est? On a connu ça. A part ça, il bosse à SysConcept, l’entreprise de son père, comme ingénieur systèmes. Comme la firme est spécialisée dans l’audiovisuel, les problèmes de sono sont rares à Cormorock.

La sixième édition débutera donc vendredi. D’abord bisannuelle lors des quatre premières sorties, la manif est annuelle depuis l’an dernier, lors de la fusion de Cormorock et de Cormometal. Question de finances, aussi.

La crème du rock helvète

«Même en demeurant modestes, nous accueillons quand même la crème du rock helvétique. Tout comme nous contribuons à l’émergence de groupes régionaux», constate Gérard Py. Ce qui est plus qu’honorable, effectivement! D’ailleurs, personne n’a oublié que des talents comme Sébastien M, Middlecage, les Rambling Wheels, PyT et même Le Beau lac de Bâle sont passés par là. Sans oublier la fine fleur du death, du doom et du black dont les noms sont trop compliqués à écrire!

Le patron, même s’il avoue des goûts éclectiques, jure avoir commencé plutôt calmement en jouant de la trompette dans un big band. Du jazz, oui. Lourd engagement professionnel oblige, il a dû abandonner. Il s’est consolé en écoutant Genesis et Dire Straits, «tous ces groupes de rock qui tiraient vers la variété. Mais jamais de hard rock!»

Comme tout change, il avoue aujourd’hui se sentir plus proche des combos de hard de l’époque qu’à l’époque. Il a ainsi découvert Metallica et admire Rammstein pour le concept et le jeu de scène. Déformation professionnelle, of course. Même remarque pour U2 et «sa débauche de technologie», voire Shaka Ponk, «et son show exceptionnel».

Actuellement, le malheureux doit même se mettre au metal extrême, «à cause des activités du fiston». Ce dernier sévit en effet dans quelques groupes où le menuet n’a pas forcément droit de cité, soit au chant, soit à la basse. Il sera ainsi à Cormorock vendredi avec Isoptera. Entre termites et légendes noires.

Et si on revenait fugacement en 2014? Malgré une affiche qualifiée d’alléchante, Cormorock n’avait pas cartonné. Il a donc fallu se remettre en question, revoir le budget à la baisse et fusionner Cormorock et Cormometal. «De toute façon, nous n’avons jamais eu l’ambition de devenir Mont-Soleil, jure Gérard Py. Nous souhaitions même rester petits et surtout utiliser l’infrastructure locale.

Notre salle polyvalente ne peut accueillir que 400 à 500 personnes, ce qui rend déjà utopique le recours à de véritables têtes d’affiche. Nous préférons continuer à faire la promo des groupes régionaux, servir de tremplin à des formations comme The Clive.»

Corollaire, le budget est passé de 30000 fr. à 18000 fr. cette année. Comme ça, il pourra être couvert. Selon un principe nouvellement établi: une tête d’affiche par soir et deux gangs régionaux le vendredi comme le samedi. «Les groupes d’ici qui ont quelque chose à exprimer, ça ne manque pas», insiste le boss.

Suivez le guide!

Le menu, dans tout ça? Eh bien, Gérard Py n’est pas peu fier d’accueillir vendredi les Français de The Walking Dead Orchestra, dont le brutal deathcore a déjà conquis l’Europe. Forcément, il se réjouit d’écouter Isoptera, combo tavannois dans lequel son fils Nicolas tient la basse.  Quant à la chanteuse Sarah Bühler, elle n’est autre que la cousine du conseiller national Manfred Bühler. L’UDC se mettrait-elle au deathcore? «Il n’est pas sûr qu’elle soit membre de l’UDC», se marre Gérard Py.

Small is beautiful

Le samedi, les vedettes de la soirée rock seront les deux nanas genevoises des Chikitas, dont le rock teinté de punk et même de grunge a déjà séduit toutes les scènes du monde, y compris une de New York: «Je suis persuadé qu’elles n’ont jamais joué dans un aussi petit village que Cormoret», en salive d’avance notre cormorocker de maire. Lequel tient aussi à mentionner la présence de Kif, trio américano-lémano-cubain, où le rock fait le lien entre le reggae et la world music. Et où sévit notamment un certain Steve Vergano, accessoirement organisateur du Festi Chaux des Reussilles. Encore un petit qui ne veut pas grandir.

D’ici là, let’s Cormorock!

Programme

vendredi 8 avril, SOIRéE metal
21h, Insane Kult (NE, progressive death black)
22h30, Isoptera (BE, deathcore)24h, The Walking Dead Orchestra (FR, brutal deathcore)
samedi 9 avril, SOIRéE rock
21h, Ephyr (JU, pop, punk rock)
22h30, The Chikitas (GE, rock, punk, grunge)
24h, Kif (CH, CU, US, roots, funk, fusion).

Salle polyvalente de Cormoret. Ouverture des portes et des bars les deux soirs à 20h.

Entrée gratuite pour les moins de 12 ans (accompagnés d’un adulte).

Plus d’infos sur www.cormorock.ch

«Je suis un véritable centriste, sans attache partisane!»

Les 100 jours du maire  On connaissait déjà Daniel Rosselat et Gilles Pierre. Depuis le début de l’année, Cormoret possède le troisième politicard-rocker du pays. Même si sa première expérience politique remonte à une douzaine d’années. Une législature au Conseil municipal, donc. Et un renoncement pour cause de surcharge professionnelle. Gérard Py est ensuite devenu président des assemblées avant d’accéder à la mairie lors d’une «élection tacite disputée», sourit-il.

Cormoret? C’est 480 habitants. «Nous en avons perdu quelques-uns, mais rien à voir avec un exode», tempère le nouveau maire. Et qu’on ne parle pas de cité-dortoir, please! Cormoret compte toujours une boucherie-épicerie fort polyvalente. Un bistrot? «Eh bien, il faut monter s’aérer au Chalet, à Mont-Crosin, toujours sur le territoire communal. Et puis, il est surtout question de rouvrir un salon de thé à l’ancienne Raissette. Nous l’attendons avec impatience.» Ah! les vertus du thé.

On revient à la commune? A Cormoret, pas de partis politiques. Et le Conseil municipal vient de subir une cure d’amaigrissement. Cinq membres de l’exécutif au lieu de sept:«On avait pris cette décision parce qu’il était de plus en plus difficile de trouver des citoyens intéressés par la chose publique. Surprise, lors des dernières élections, nous avons eu sept candidats pour cinq postes. Il y a donc eu deux déçus...» Maudits sursauts démocratiques.

Gérard Py: un maire partisan de la fusion. Stéphane Gerber

Et au milieu de tout cela, le maire. «Pas de problème, je suis un véritable centriste. Je me reconnais dans les idées de gauche comme dans celles de droite. Comme j’ai une fibre sociale et culturelle, je dirais que je suis plutôt de gauche. Mais c’est très relatif.»
En tout cas, il aurait du mal à devenir membre d’un parti, Gérard Py. Et, après 100 jours passés à la mairie, il soutient que tout a fort bien démarré: «Certes, c’est une tout autre fonction. Il convient de se mettre dans le bain. Moi, j’ai eu de la chance: l’équipe est nouvelle, au Conseil comme à l’administration. Il était donc un peu plus facile de trouver mes marques.»

Corollaire, il aussi pu imprimer sa marque. Proposer une nouvelle organisation: «Cela n’aurait pas été aussi facile si je m’étais retrouvé face à une équipe bien établie.»

Cela dit, il a dû se coltiner des dossiers importants, mais tout à fait conformes à ce qu'il imaginait. Toutefois, contrairement à ses prédécesseurs, il a tenu à beaucoup déléguer. A ses collègues du Conseil comme à l’administration: «Dès lors, chacun apporte sa pierre à l’édifice. Mon statut d’indépendant m’impose des limites, mais m’autorise aussi une certaine souplesse. Je puis par exemple me libérer dans la journée, quand c’est nécessaire. C’est un avantage. Quant aux séances du Conseil, elles se révèlent très efficaces. Et l’ambiance y est excellente.»

Adepte de la fusion L’avenir des petits villages isolés?Dévoilons-le d’emblée, Gérard Py s’affirme comme un franc adepte des fusions. D’abord avec Courtelary, le proche voisin, avec qui il évoque atomes crochus et projets en cours: «Après, je serais favorable à un mariage plus vaste, de Cortébert à La Ferrière. Si on y arrive, tant mieux. Sinon...»

Foi de nouveau maire, toutes les communes ont les mêmes soucis. Donc les mêmes attentes fusionnelles? «Au niveau des maires, tel est bel et bien le cas.»

Reste à convaincre les populations.

De retour à Cormoret station, on s’interroge forcément sur les gros dossiers en cours. Sûr, ils ne manquent pas. Le malheureux village devra par exemple passer par l’assainissement de la ciblerie de l’ancien stand, pourtant désaffecté depuis vingt ans: «Une bonne surprise», grimace notre interlocuteur. A court de cartouches, le village ne devrait toutefois pas manquer d’eau par la grâce d’un projet d’approvisionnement mené de pair avec ces excellents amis de Courtelary.

Last but not least, Cormoret devra contribuer à l’assainissement de l’antique patinoire de Saint-Imier, comme toutes les communes du Vallon.

Pas d’ambitions  Quoi qu’il arrive, Gérard Py n’envisage pas de gravir les échelons de la politique. Il a choisi d’être maire pour rendre service à sa communauté. Il se décrit d’ailleurs comme un homme d’action, axé sur la pratique et le concret. Alors, la stratégie... Pourtant, la politique, ça peut être rock and roll aussi, non? Bon, avec des fausses notes!

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