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Bienne: urbanisme

Orange, couleur de la polémique

L’affaire de la maison orange suscite une vague d’incompréhension sur les réseaux sociaux. La contreverse s’immisce dans la campagne électorale

Marie et Willy Zysset ont jusqu’à fin février pour repeindre leur maison dans une couleur moins criarde. Cette décision prononcée par la Ville et le canton a été fortement critiquée sur les réseaux sociaux. Archives/Anita Vozza

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Didier Nieto

«Scandaleux.» «Incompréhensible.» «Du grand n’importe quoi.» «Zéro pointé aux autorités.» L’affaire de la maison orange suscite une vague d’indignation sur les réseaux sociaux depuis le début de la semaine. La polémique, relayée par certains médias nationaux, s’est aussi immiscée dans la campagne électorale. L’UDC a lancé jeudi une pétition de soutien à Willy et Marie Zysset, les propriétaires de la maison.

Il y a deux ans, le couple a fait repeindre son domicile de la route de Mâche en orange pétant. Des travaux – devisés à 30000 fr. – effectués sans permis de construire. La nouvelle couleur a été jugée trop criarde par la Ville. Au printemps dernier, les autorités ont ordonné aux Zysset de modifier la couleur de leur édifice (notre édition du 27avril). «La réglementation en matière de construction de la Ville prévoit que les constructions doivent s’intégrer de manière harmonieuse dans le cadre environnant», rappelle Florence Schmoll, responsable du Département de l’urbanisme.

Pas d’interdiction spécifique du orange donc. «Non, mais en l’occurrence, cette couleur et surtout son intensité particulière donnent au bâtiment une présence marquée et dominante dans le quartier qui ne peut pas se justifier par une fonction particulière.»

Pas une question de goût

S’estimant victimes d’une décision arbitraire, les Zysset se sont tournés vers le canton. Dans son verdict rendu il y a dix jours, la Direction cantonale des travaux publics, des transports et de l’énergie (TTE) a confirmé le jugement de la Ville et imposé aux propriétaires de repeindre les façades d’ici le mois de février  (notre édition de mardi).

La décision du canton s’appuie sur une recommandation de la Commission de protection des sites et du paysage (CPS), un organe neutre composé de sept architectes. «Dans ce cas, le problème ne vient pas de la couleur, puisque le quartier compte des maisons bleues, vertes, jaunes, mais bel et bien de son intensité», explique Alain Maret, secrétaire de la CPS. Cette appréciation repose sur «une approche systématique et le bon sens», relève-t-il. Florence Schmoll assure qu’il «ne s’agit pas d’un jugement arbitraire ou subjectif» puisque «les questions de goût personnel n’interviennent pas dans ce type d’évaluation».

L’urbaniste en veut pour preuve que les deux commissions d’experts sont arrivées à la même conclusion.

«Couleurs pas interdites»

Cette évaluation est largement contestée sur internet, où nombre de commentaires saluent l’éclat de la maison orange dans une ville globalement grise. Ce décalage entre l’avis des spécialistes et la vox populi ne traduit-il pas justement le caractère arbitraire et subjectif d’un tel jugement? «Il y a des divergences lors de chaque évaluation», admet Alain Maret.

A Bienne, des couleurs criardes ne posent aucun problème dans d’autres quartiers, comme par exemple la maison rouge vif du chemin du Clos. «Les façades colorées ne sont absolument pas interdites. Tant et aussi longtemps que l’on s’en tient aux règles en vigueur, elles ne posent aucun problème», indique Florence Schmoll, soulignant que «les autorités sont contraintes de prendre position sur les questions de couleur des façades, puisque la réglementation l’exige».

«Laissez-les tranquilles!»

L’UDC a vertement critiqué la décision de la Ville et du canton dans un communiqué diffusé cette semaine. «Cela va réduire à néant tous les efforts entrepris pour embellir la ville», estime le parti, qui exhorte les autorités à «laisser les Zysset tranquilles».
La pétition n’est cependant pas un outil contraignant. Même si le texte lancé par l’UDC récolte un nombre conséquent de signatures, elle n’évitera pas au couple de devoir repeindre son domicile. «Il ne s’agit pas d’une question politique qui jouit d’une marge d’appréciation.

Cette affaire relève d’une procédure juridique. Des spécialistes ont conclu que la couleur de la maison ne remplit pas les exigences de la loi», assène le maire Erich Fehr, qui exclut lui aussi le caractère arbitraire de cette décision: «Faire une exception à la loi, ça se serait arbitraire.»

Le socialiste ajoute que les Zysset se seraient évités cette épreuve s’ils avaient demandé un permis de construire en bonne et due forme. «Il leur aurait été alors signalé que cet orange pétant ne convenait pas.»

Le maire reconnaît tout de même que cette affaire «ne rend personne heureux», mais peine à comprendre la polémique qui l’entoure: «En l’absence de nouveau recours à l’instance supérieure, la loi doit être appliquée. Les partis et les personnes qui trouvent la loi injuste peuvent lancer une initiative ou des interventions parlementaires pour la modifier.»

Reste que la position de la Ville semble en porte-à-faux avec sa politique immobilière. Il y a trois ans, le prix Engagement a été lancé pour encourager les propriétaires à rénover leurs biens. «Mais jamais en infraction avec la loi», tranche Erich Fehr.

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