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Hockey sur glace

La bataille des filets confédéraux

Depuis le début des Mondiaux, Genoni est passé devant Hiller.

A Paris, le gardien du SCB Leonardo Genoni a brûlé la politesse à son ami du HC Bienne Jonas Hiller dans les buts suisses.

Laurent Kleisl


Neuf années en NHL, sept aux Anaheim Ducks, deux autres aux Calgary Flames. Malgré sa trajectoire, malgré une saison riche avec le HC Bienne, Jonas Hiller est condamné à regarder Leonardo Genoni défendre les filets confédéraux. A son retour au pays il y a pile 12mois, l’Appenzellois de 35ans ne s’imaginait sans doute pas être cantonné au simple rôle d’observateur sur la glace mondiale de Paris.

Hiller a dû s’y résoudre. Avec deux blanchissages en trois matches, le portier du CPBerne lui a brûlé la politesse. «Jonas arrive de NHL, c’est un compétiteur et, bien sûr, il veut jouer tous les matches», remarque Patrick Fischer, sélectionneur national. «Avant de venir à Paris, j’ai parlé avec lui. Nous avons évoqué la possibilité que Leonardo soit désigné gardienNo1. Jonas est un joueur d’équipe et il accepte cette situation.»

Travail mental
Hiller aurait pu se braquer. Pester. Claquer la porte, aussi. «Jonas n’a jamais mis son vécu en NHL en avant. Il n’est pas comme ça, il a les pieds sur terre», relève Peter Mettler, entraîneur des portiers helvétiques. «Jonas et Leo sont très amis et ce sont deux super types. C’est un plaisir de travailler avec eux.» Le Schwytzois de 36 ans, dont la carrière active de gardien n’est étoffée que d’une poignée de matches en Ligue nationale, est encore en phase de découverte. Jusqu’à fin avril, son labeur quotidien se focalisait sur les portiers du EVZoug.

Où son boulot en club consistait à encadrer Tobias Stephan, une valeur sur en LNA, Mettler collabore désormais avec des hommes aguerris mis en compétition. «Je n’ai pas la même relation avec les gardiens que ne l’a Patrick Fischer», reprend-il. «Je suis plus proche d’eux, je suis un peu leur confident. D’ailleurs, à Zoug, je considère Tobias Stephan comme un ami. Mais une fois sur la glace, nous mettons cette amitié de côté.»

Sous contrat avec les vice-champions de Suisse pour la saison prochaine, Mettler a obtenu d’être libéré afin de ne se concentrer que sur son mandat avec la Fédération. Reste cette perfide interrogation: Hiller et Genoni ont-ils vraiment besoin du secours d’un spécialiste? «Techniquement, je n’ai absolument rien à apporter à des gardiens de ce niveau», admet-il. «Par contre, ils ont besoin de soutien, comme des analyses vidéo. Mentalement, Jonas et Leo sont très solides, mais on peut toujours s’améliorer dans le domaine. Je suis là pour les mettre en confiance.»

La loi des chiffres
Demain face à ses anciens collègues canadiens de NHL, Hiller est promis aux filets helvétiques. Dimanche, pour une rencontre potentiellement décisive face à la Finlande, son confrère tiendra la baraque. En théorie... «Exactement, ce n’est qu’une théorie, nous ne faisons aucun commentaire sur nos gardiens avant les matches», coupe Mettler. «Si Patrick me demande mon avis, je le lui donne. Au final, c’est lui qui décide.» Pour entretenir la flamme, Genoni a profité de la journée de congé accordée hier pour visiter le Sacré-Cœur.

En chiffres, le Zurichois de 29ans se positionne devant Hiller. Le gardien du SCB, engagé face à la Norvège (3-0), la France (3-4 tab) et la Biélorussie (3-0), a jusqu’ici retenu93,22% des tirs qui lui ont été adressés. Son alter ego du HC Bienne, titulaire d’entrée de tournoi samedi dernier, ne s’est contenté que de 86,61%  face aux modestes néo-promus slovènes (5-4 tab). «Ils ne sont pas en concurrence dans le sens que chacun souhaite la réussite de l’autre. Ils n’ont qu’un objectif: amener la Suisse en quarts de finale», rétorque Mettler, attendu le 21 mai à Sotchi, en Russie, pour un tournoi internationalM20. «Et j’espère bien partir de Cologne...»

Hiller ou Genoni? Genoni ou Hiller? Qu’importe. Pour découvrir la Lanxess Arena, les portiers helvétiques devront assumer leur part de boulot. Chancelante et très discutée après avoir – bêtement – égaré trois points contre les «petits» de son groupe, l’équipe de Suisse a besoin de leurs parades. Fischer fronce: «Lors des nombreux Mondiaux auxquels j’ai participé comme joueur, nous avons toujours été critiqués, même lorsque nous avons atteint les quarts de finale.» Une rassurante routine, non?


L'info

Patrick Fischer l’a confirmé hier: aucun renfort extérieur, c’est-à-dire en provenance d’Amérique du Nord, ne complétera sa sélection. Le coach national peut encore inscrire dans son cadre le défenseur Dominik Schlumpf et l’attaquant Reto Suri, deux joueurs du EV Zoug présents à Paris.
 

Philippe Bozon: «La Suisse manque un peu de routine et de leadership»

Le hockey helvétique, Philippe Bozon le connaît sur le bout des doigts. Entraîneur des Boxers de Bordeaux en Ligue Magnus et consultant pour Canal Plus, le Français de 50 ans a enflammé la LNA et la LNB, entre 1995 et 2006, à LaChaux-de-Fonds, Lausanne, Lugano et Genève-Servette. Son leadership jusqu’au-boutiste a fait de «Boz», jadis attaquant, une figure emblématique du sport hexagonal.

Philippe Bozon, que pensez-vous du début de compétition de l’équipe de Suisse?
Contre la France, je l’ai trouvée séduisante, avec de la vitesse, tant qu’elle a joué son jeu, qu’elle était active et qu’elle pressait. Le problème, c’est qu’au moment où elle mène au score, elle commence à reculer et à attendre, ce qui n’est pas tout à fait dans le style de certains de ses joueurs. Cela lui a d’ailleurs coûté cher contre les Français (réd: défaite 3-4 tab). Il y a beaucoup de talent dans ce groupe, mais il lui manque un peu de routine et de leadership. Avec quelques gars expérimentés en plus, elle serait en meilleure posture.

Même si la LNA est très cotée, l’équipe de Suisse peine au niveau international. Notre championnat ne serait-il pas simplement surévalué?
On ne peut pas vraiment faire cette comparaison. Durant ce tournoi, c’est une bonne partie des meilleurs du monde qui s’affrontent, des gars qui ne jouent pas forcément dans leur championnat national. Prenez l’équipe de France, il y a au moins 15joueurs qui évoluent à l’étranger. Les Biélorusses, par exemple, se tournent vers la KHL.

Le hockey joué en LNA, offensif, rapide mais peu physique, n’est-il pas tout simplement trop éloigné des standards internationaux?
C’est vrai, sur ce plan, le hockey suisse n’a pas trop évolué. L’intensité et le jeu physique sont des choses qui doivent être travaillés. J’avais justement conseillé aux Français de jouer assez agressif contre les Suisses car dans l’ensemble, cette équipe est composée de petits gabarits cette année. On va voir samedi contre le Canada comment ils vont réagir. Si le jeu devient trop physique, ils risquent de se retrouver en difficulté.

Le hockeyeur helvétique, paradoxalement, s’exporte de mieux en mieux...
Ces dernières années, il y a de plus en plus de Suisses en Amérique du Nord. Actuellement, entre la NHL et la AHL, il y a quasiment une demi-équipe nationale qui est là-bas. Ça signifie quelque chose, cela veut dire que les Suisses continuent de faire de bon boulot, qu’il y a toujours beaucoup de jeunes talents qui sortent. Si les Suisses d’Amérique du Nord étaient présents à Paris, cela aurait comblé cette lacune en matière de leadership.

Pour être certaine de passer en quarts de finale, la Suisse doit impérativement engranger trois points contre le Canada, la Finlande ou la République tchèque. Vous y croyez?
D’abord, la France doit faire un carton plein contre les Slovènes et les Biélorusses. Ces derniers n’ont rien fait ni montré jusqu’à présent. Et s’il y a bien un match qu’ils doivent gagner pour s’éviter de jouer leur vie contre la Slovénie, c’est face à la France. Après avoir affronté les quatre gros calibres du groupe, pour eux, le tournoi commence maintenant. Et dimanche, je vois la Suisse accrocher sérieusement la Finlande, vu le niveau de celle-ci. Les Finlandais ont même été bousculés par la Slovénie. Les Suisses ont une vraie chance de gagner ce match-là. Et du coup, cela leur suffirait.

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