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Athlétisme

La recette du succès selon Louis Heyer

Entraîneur prévôtois établi à Bienne, Louis Heyer explique les excellents résultats des athlètes suisses cette saison.

Louis Heyer est l'entraîneur national du demi-fond depuis 2009 (photo LDD)

Christian Kobi

L’équipe de Suisse qui décroche la promotion en Super League, la 1re division de l’athlétisme – du jamais vu depuis 1965 –, une première victoire en Ligue de diamant grâce à la perchiste biennoise Nicole Büchler, des records nationaux vieux de plusieurs décennies qui tombent comme des fruits murs et des espoirs helvétiques qui reviennent des championnats d’Europe M23 avec cinq médailles, dont deux titres. L’athlétisme suisse vit une période de douce euphorie.

«C’est même du jamais vu!», s’enthousiasme Louis Heyer, l’entraîneur en chef de la course chez Swiss Athletics. Pour le Prévôtois établi à Bienne, la dynamique actuelle ne doit rien au hasard. Elle est le fruit d’une stratégie mise sur pied par la fédération dès 2009 dans la perspective des championnats d’Europe de Zurich il y a trois ans.

«Nous avons alors eu plus d’argent à disposition et avons pu offrir de meilleures conditions aux athlètes», détaille-t-il. «Cela a incité plusieurs d’entre eux à s’investir davantage, de façon plus conséquente, à diminuer leur temps de travail aussi pour beaucoup, voire carrément à prendre une année sabbatique. Les athlètes ont également appris à être davantage à l’écoute de leur corps et à faire attention à la récupération. Cela a été le catalyseur.»

Densité de haut niveau
Autre point essentiel aux yeux de Louis Heyer, la décision d’abandonner la politique trop sévère des minimas en vigueur durant plusieurs années. «Désormais, la Suisse se réfère aux minimas internationaux pour décider qui elle envoie aux grandes compétitions», se félicite-t-il. «Cela a permis d’offrir des perspectives à certains athlètes qui ne s’imaginaient peut-être pas atteindre de telles limites.»

Les quelques rares individualités talentueuses de l’époque, comme André Bucher ou Anita Weyermann, ont ainsi laissé place à une toute nouvelle génération décomplexée emmenée par les Selina Büchel, Kariem Hussein, Mujinga Kambundji ou autre Lea Sprunger. «Aujourd’hui, la densité d’athlètes de haut niveau est extrêmement élevée. Les Suisses ont compris qu’ils n’avaient aucune raison de se cacher et qu’ils avaient le droit d’avoir des ambitions», souligne Louis Heyer.  

Et des ambitions, les quelque 35 espoirs qui ont part aux championnats d’Europe M23 en Pologne, la semaine dernière, en avaient. Leur récolte de cinq médailles, alors que la Suisse n’en avait récolté que six en neuf éditions jusqu’alors, prouve que le travail de formation porte ses fruits.

«Les autres années, nous nous déplacions avec seulement 10 ou 15 athlètes. La base est désormais plus solide», relève Louis Heyer, qui n’a bien sûr que des bons mots pour Caroline Agnou, auteure d’une véritable démonstration à Bydgoszcz (médaille d’or, record de Suisse et qualification pour les Mondiaux de Londres en poche). «Ce qu’elle a réalisé est tout simplement fou. C’est une véritable machine de guerre, qui arrive toujours à donner le 105% d’elle-même lors des compétitions», lâche-t-il, admirateur.

Londres, un gros challenge
En fait, l’importante moisson polonaise ne fait qu’illustrer les importants progrès de la relève helvétique, qui amasse les médailles depuis trois ou quatre ans.Ces succès portent aussi gentiment leurs fruits en élite, où le prochain défi est déjà devant la porte. Entendez par là les championnats du monde de Londres, du 4 au 13 août.

«Plusieurs athlètes ont prouvé qu’ils pouvaient réaliser de bonnes performances et récolter des médailles au niveau européen. Mais les Mondiaux, c’est encore une autre histoire», reprend Louis Heyer, pour qui le rendez-vous britannique servira en quelque sorte de test. «Il ne faut pas oublier que l’athlétisme reste un sport individuel, mais cela permettra à la fédération de faire le point et de voir si nous sommes capables de franchir le prochain pallier.»

Car si Zurich était arrivé un peu tôt il y a deux ans, Londres tombe aujourd’hui à pic. «Nous avons toute une génération mûre qui se trouve au sommet de sa forme. Ces Mondiaux seront un gros challenge pour elle!
 

Un rôle de conseiller

Large éventail Entraîneur en chef de la course chez Swiss Athletics et entraîneur national du demi-fond, Louis Heyer est contraint de voir large. «Mon domaine va du 800m au marathon, en passant par la marche et la course de montagne», explique l’enfant de Perrefitte, aujourd’hui âgé de 37 ans et établi depuis plusieurs années à Bienne. 
 
Mais quelles sont les tâches d’un entraîneur national, en fait? «Lors des meetings internationaux et des grands championnats où l’entraîneur personnel n’est pas présent, notre rôle est de conseiller l’athlète sélectionné. Nous discutons avec lui de l’aspect tactique, veillons à ce qu’il gère au mieux ses émotions et soit prêt au moment de la course. Mais l’entraîneur personnel reste le personnage clé. C’est lui qui connaît le mieux son athlète. Notre rôle n’est pas de prendre sa place, mais de l’épauler.»

Développement En dehors des compétitions, Louis Heyer veille au développement des disciplines qui sont sous sa responsabilité. Il occupe en quelque sorte une fonction de coach des coachs. «En plus de moi pour le demi-fond, nous avons quatre autres entraîneurs nationaux pour la course. Leur emploi du temps équivaut à un 10 ou 30% selon les disciplines», détaille celui qui a été plusieurs fois champion de Suisse chez les cadets avant de devoir arrêter la compétition en 2002 à la suite de différentes blessures. «J’ai fait mon métier ma passion, c’est une chance énorme. Mais il faut aussi veiller à fixer certaines limites», déclare ce père de deux jeunes enfants.

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