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VTT

Bien plus qu’un simple entraîneur

Nicolas Siegenthaler est nominé dans la catégorie «Entraîneur suisse de l’année».

Coach privé au sein de sa propre société, Nicolas Siegenthaler s’occupe d’une quinzaine d’athlètes, dont Nino Schurter.

Christian Kobi


La deuxième tentative sera-t-elle la bonne pour Nicolas Siegenthaler? Nominé comme l’année dernière dans la catégorie «Entraîneur suisse de l’année» des Sports Awards, dont la cérémonie de remise des prix aura lieu dimanche soir à Zurich, le Biennois de 59ans tentera de damer le pion à Severin Lüthi, co-entraîneur de Roger Federer et capitaine de l’équipe de Suisse de Coupe Davis, et Vladimir Petkovic, le sélectionneur de l’équipe de Suisse de football. «Une mission quasi impossible face à deux sports aussi populaires», estime celui qui s’occupe depuis 16ans de Nino Schurter, le vététiste le plus titré au monde.


Nicolas Siegenthaler, que représenterait pour vous ce titre d’entraîneur de l’année?
Cela serait une récompense énorme pour le travail accompli durant toutes ces années. Mais je me méfie toujours des prix. C’est un peu comme l’histoire du corbeau et du renard. Il ne faut pas ouvrir trop ta grande gueule, sinon tu laisses tomber le fromage. Et ça, je ne veux pas. Si je reçois cette récompense, je la prendrai comme un encouragement, comme l’envie de continuer, de travailler mieux un peu dans tous les domaines.  


L’année dernière, vous aviez échoué à la 3e place derrière Zoltan Jordanov (gymnastique) et Ian Wright (aviron)...
Attention, il n’est absolument pas question d’échec. C’était pour moi déjà un immense honneur d’être parmi les trois finalistes, et c’est à nouveau le cas cette année. Il y a des milliers d’entraîneurs professionnels en Suisse et tous aimeraient figurer sur cette liste. C’est d’autant plus une fierté que mon sport, le VTT, ne jouit pas de la même couverture médiatique que le tennis ou le football.


Pensez-vous avoir une chance face à Severin Lüthi et Vladimir Petkovic?
Franchement? Non! Pour être honnête, je me sens un peu comme le touriste du groupe. Le tennis concerne énormément de monde en Suisse et le football, et bien c’est le football... A côté, le VTT est le parent pauvre.


Mais des trois, c’est pourtant vous qui possédez le profil le plus complet, non?
C’est vrai qu’avec Nino, depuis bientôt 17 ans, je m’occupe de tout: sa préparation, la planification de sa saison, les entraînements, la tactique à adopter en course, les ajustements à effectuer. Je ne suis pas seulement un préparateur physique, mais bien un entraîneur à part entière. N’en déplaise à certains...


Malgré vos méthodes à succès, vous restez méconnu du grand public...
Oui, et j’ai d’ailleurs vécu un grand moment de solitude l’année dernière en traversant la zone mixte lors des Swiss Awards. A part deux ou trois journalistes qui m’ont salué, personne n’a souhaité m’interviewer. Le contraste avec les autres entraîneurs était saisissant. Mais je suis enseignant, et j’aime aussi ce métier. L’interaction entre mes deux activités me donne un équilibre.


Avez-vous changé quoi que ce soit à vos méthodes d’entraînement ces derniers temps?
Pas fondamentalement. Le noyau reste basé sur le concept de force et coordination que j’ai développé spécifiquement pour le VTT. Mais la méthode évolue et les logiciels nous permettent d’effectuer un travail beaucoup plus pointu avec les athlètes. Désormais, il est par exemple possible de planifier les entraînements sur la charge interne  (calculée avec des algorithmes) inhérente à chaque activité pratiquée.


Quel regard portez-vous sur l’extraordinaire année 2017 de Nino Schurter, qui a conquis un sixième titre mondial en plus remporter les six manches de la Coupe du monde?
Ce qui lui arrive ne m’étonne pas. Ce n’est pas le fruit du hasard, car Nino a tellement investi depuis les JO de Londres en2012 pour franchir encore un palier et obtenir enfin ce titre olympique à Rio. Il a modifié son régime alimentaire, il fait encore davantage attention à son sommeil, à ses plages de récupération. On a aussi changé pas mal de choses sur le vélo, comme les pneus, la taille des roues, le type de vélo, etc. Tous ces investissements font qu’aujourd’hui, lorsqu’il prend le départ d’une course, il n’a plus qu’à jouer les bonnes cartes. Et comme il a les meilleures en mains, ça marche. On dit de lui qu’il est le «couteau suisse». Cela signifie qu’il sait tout faire sur un vélo.  


Peut-on quantifier le mérite de Nicolas Siegenthaler dans les succès de Nino Schurter?
Nino l’estime à 30% environ, moi je dirais que c’est moins. En tout cas si on parle uniquement de l’année dernière. Sur l’ensemble de sa carrière, en revanche, il a peut-être raison.


Nino Schurter est  aussi en lice pour devenir le sportif suisse de l’année. Croyez-vous en ses chances?
J’ai bien peur qu’il en ait encore moins que moi. La raison? Le vote du public entre en compte dans sa catégorie (réd: ce qui n’est pas le cas pour l’entraîneur de l’année), et face à des athlètes comme Roger Federer ou Beat Feuz, il n’aura à mon avis pas son mot à dire. Mais j’espère évidemment me tromper.


Votre protégé n’est sorti qu’une seule fois du podium de tous les Mondiaux et JO en 14 saisons. C’est énorme!
C’est un chiffre flatteur, mais on regarde déjà vers l’avant. Avec les prochains Mondiaux à Lenzerheide, c’est un gros défi qui nous attend puisque Nino n’a encore jamais gagné de titre mondial en Suisse.


Et plus loin, il y a les JO de Tokyo en 2020. Après trois refus de Swiss Cycling, vous verra-t-on enfin une fois sur place?
Je l’espère sincèrement. Je rêve de JO depuis tout jeune. C’est frustrant de ne pas pouvoir suivre son  athlète jusqu’au bout. Mais pour Swiss Cycling, les entraîneurs privés n’entrent pas dans le concept olympique...

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