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Steve Feusier

Un oui pour sauver la RTS

Pour ce quadragénaire féru de nouvelles technologies, le vote sur No Billag est une affaire de générations. Absolument pas de partis politiques...

Steve Feusier. Conseiller municipal UDC à Reconvilier, il est surtout féru de nouvelles technologies. Pour lui, la télévision est condamnée à se remettre sérieusement en cause si elle veut survivre. Photo: LDD
  • Dossier

Par Pierre-Alain Brenzikofer

Il sait que militer pour le oui à No Billag lui coûtera des voix dans la campagne qui s’annonce, Steve Feusier. Conseiller municipal UDC à Reconvilier, ce jeune homme de 41 ans aspire en effet à siéger au Conseil du Jura bernois. Agent de planification de profession, sa passion pour l’informatique l’a de surcroît poussé à développer ses connaissances en programmation. Oui, un esprit connecté.

«Dans le cas de cette votation, mon discours s’éloigne singulièrement de ce qui se lit généralement dans les médias, nous avertit-il d’emblée. Je n’ai pas de message préétabli, mais je suis plutôt inquiet pour l’avenir de la SSR, dont je suis un grand consommateur. Je serais dès lors fort malheureux de la voir disparaître...»

Surtout, terriblement en phase avec la galaxie connectivité, il n’hésite pas à asséner cette phrase, pour bien montrer que tout est ici affaire de générations. De fin de règne, aussi?

«Dire non à No Billag revient pour moi à soutenir l’industrie du gramophone à l’époque du MP3 et du streaming!.»

Au passage, il s’en prend aussi à un modèle qualifié de non démocratique: «En termes d’impôt et de programme linéaire, la SSR est déjà morte aujourd’hui, tant il est vrai que les moins de 35 ans n’utilisent plus ses schémas et, surtout, ne les consomment plus. C’est un peu comme ces taxis qui n’ont pas vu venir Uber ou la Coop qui n’a pas décelé la montée en puissance d’Alibaba. Bref, dans le cas présent, certains essayent de sauver leur peau et leur modèle économique par le biais de lois...»

Le cas des Babibouchettes
Aujourd’hui, comme il nous l’a confié, Steve Feusier vit en situation familiale dans un foyer comprenant trois enfants de dix-neuf, treize et dix ans: «En les observant, je remarque bien vite que la TV ne fait pas partie de leurs préoccupations. Or, ces gamins représentent bel et bien l’avenir. Moi, quand j’étais gosse, je savais que ‹Les Babibouchettes› commençaient à 18 heures. Mais, bien avant le début de l’émission, je trônais déjà devant mon petit écran. Corollaire, je constate un sacré décalage entre mon vécu et celui de ces jeunes. Pour ces derniers, la TV n’a plus que 20 ans à vivre. De toute façon, ils ne la consomment plus selon le modèle actuel.»

De quoi parler de disparition programmée? Dans pareil cas de figure, par quoi remplacerait-on la TV? Steve Feusier, en ce qui le concerne, s’avoue grand consommateur de la TSR. Par contre, on ne le retrouvera jamais devant son poste à l’heure du 19.30. Lui, c’est via le Web qu’il accède aux émissions. Et encore, il choisit les thèmes qui lui plaisent. Et quand ça lui plaît et quand il a le temps, s’il vous plaît! Personnellement, il allume encore la TV. L’avenir, il le nomme application de contenu. Allusion à Netflix, à Youtube, etc.

«Malheureusement, on n’a pas fait ce virage, car la SSR est atteinte de subventionnisme, maladie hélas très répandue dans ce pays. Et très difficile à guérir, surtout, car le patient ne veut pas être guéri. Il se trouve encore dans une zone de confort. Il devrait plutôt prendre acte de ce qui s’est passé avec l’horlogerie et la montre connectée. Oui, le monde évolue très vite...»

Une chance de se réinventer
Pour s’y préparer, notre interlocuteur votera résolument oui à No Billag. Manière de donner une chance à la SSR de se réinventer, comme il dit. De ne pas rester sur le quai: «Bref, lui donner une chance de toujours être là dans 20 ans.»

A ce stade du récit, on lui fait remarquer qu’en cas de oui, la TV romande et la TV suisse italienne seraient presque sûres de passer à la trappe. Une fois de plus, ces régions seraient sacrifiées par rapport au grand frère alémanique.

«Bien sûr que je suis sensible à cet argument. Mais je suis un élu local, même si je suis à moitié Tessinois. Alors, je reste persuadé que la Suisse romande possède les capacités de s’en sortir. Si l’on n’arrive pas à créer l’envie, il faut changer de métier et de personnes. Moi, je crois que la SSR a les moyens de la créer, cette envie.

La dimension régionale, dans tout ça?Avec No Billag, TeleBielingue, Canal 3 et RJB auraient à se faire plus que du souci, non?

La TV locale: un luxe
Steve Feusier ne nie pas que l’exercice de survie sera rude: «En termes de radio, on ne parle plus de Jura bernois, mais d’Arc jurassien. Or, selon moi, le modèle radiophonique n’a aucun souci à se faire. Il traversera les époques. C’est un besoin, un média unique.»

Pour ce qui est de la TV, par contre, l’homme s’avoue plus circonspect:«Dans ce pays, nous n’avons pas de TV régionales, mais bien des TV locales. C’est bien sympathique. Or, si on prend le cas de la Romandie, il faudra passer par des fusions.» Lui, il imagine deux régions.

Donc deux télévisions régionales. L’une pour le pôle Arc lémanique-Valais, l’autre pour l’Arc jurassien.

«Une TV locale, finalement, cela n’a aucun sens. La presse régionale fait suffisamment bien son boulot. La TV locale, par contre, c’est du luxe. Et surtout un modèle qui n’a pas d’avenir. N’est-il pas déjà sous perfusion?»

 

«Rien à voir avec un vote gauche-droite...»
Membre de l’UDC, nous l’avons précisé en introduction, Steve Feusier juge cependant anecdotique le fait que le conseiller d’Etat Pierre Alain Schnegg et le conseiller national Manfred Bühler fassent partie du comité régional demandant de voter non à No Billag: «Je suis très à l’aise par rapport à tout cela, dans la mesure où nous ne sommes pas en présence d’une votation opposant la gauche et la droite. Dans le cas qui nous intéresse, c’est uniquement une question de génération, rien d’autre. Dès lors, je n’ai aucun souci avec la position de ces deux personnes. Je puis même comprendre qu’elles mettent en avant leurs habitudes de consommation. Mais, encore une fois, No Billag n’est absolument pas une affaire de partis...»

S’adapter à la demande et au marché
Cela dit, en proposant de ne débourser que pour ce qu’on consomme, ne risque-t-on pas de payer plus cher en devant recourir à davantage de chaînes? Et qu’en est-il du principe de solidarité voulant qu’on paye pour l’entretien des routes même si on ne possède pas de voiture et pour celui de l’infrastructure ferroviaire quand bien même on la phobie du train?

Placé face à cette argumentation, Steve Feusier rappelle que personnellement, il travaille dans le secteur privé: «Cela signifie que je dois m’adapter aux coûts, à la demande et aussi au marché. Pourquoi ne devrait-on pas imposer les mêmes contraintes à la SSR?»

Au fait, que reproche-t-il à ce mastodonte?  «Eh bien, encore une fois, je dirais qu’il est atteint de cette grave maladie nommée subventionnite. Avec un budget de 1,24 milliard, il y a forcément des intérêts économiques là derrière.»

De quoi durer 20 ans encore? Lui, il n’imagine pas que l’aventure puisse continuer plus longtemps sans une remise en question radicale. «Mais, visiblement, il semble très difficile, pour certains, de s’extirper de cette zone de confort...»

Payer au pro rata?
Dès lors, en quoi consiste l’autre solution? «Eh bien, personnellement, je paye un abonnement qui me donne accès à certaines chaînes. Si j’en souhaitais davantage, pourquoi ne pas imaginer une formule prévoyant ou non l’accès à la RTS? Moi, je ne pourrais certes pas me passer de cette dernière, je l’avoue.»

Steve Feusier a cependant une autre idée derrière la tête: pourquoi ne pas payer son abonnement au pro rata de ce qu’on gagne?  «Songez qu’une famille doit débourser 451fr.10, soit exactement la même somme qu’une personne aisée. Dans ce contexte, la solution que je propose aurait l’avantage de créer un socle. Mais attention! pas une base permettant à la SSR de se reposer sur ses lauriers. J’y vois aussi une question de cohésion nationale. Et, au fait, qui a décidé de ces 451fr.10?»

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