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Projet de fusion

Soupe à la grimace

Le souverain a décidé de manière assez nette de refuser le projet de commune d’Erguël que le Copil a préparé patiemment pendant dix ans. Pour les maires concernés, la pilule est amère.

Les maires impliqués dans le Copil, de gauche à droite: Andreas Niederhauser, Patrick Tanner, Gérard Py et Benjamin Rindlisbacher ont la tête des mauvais jours (manque Rosemarie Jeanneret). Stéphane Gerber

Par Blaise Droz

La commune d’Erguël ne verra pas le jour. Alors que Renan, tout à l’Ouest et Courtelary, tout à l’Est ont dit oui au projet de fusion, Sonvilier, Saint-Imier et Cormoret ont remis la balle au centre. Trois refus contre deux acceptations, le résultat a l’avantage d’être clair.
Dans le détail, Renan a dit oui avec 64,4% des voix (241 oui contre 133 non). Le oui de Courtelary a été un peu moins net avec 52,2% des suffrages exprimés (296 oui contre 271 non).

Cormoret a dit un petit non avec 51,3% des votants (139 non contre 132 oui). Le refus de Sonvilier a été un peu plus marqué puisque le taux de non atteint 52,1% (260 contre 239). Enfin, c’est à Saint-Imier que le refus a été le plus marqué puisqu’il y a atteint 54,9% (802 non contre 660 oui). Quant à la participation, elle a été la plus élevée à Cormoret avec 73,1%, suivi par Courtelary (62.6%), Sonvilier (60,0%), Renan (58,8%) et, fermant largement la marche, Saint-Imier (50,6%).

Le résultat est sans appel, à plus forte raison qu’une seule commune aurait pu faire capoter le projet, même s’il avait été accepté par les quatre autres. Du coup, avec trois communes rejetantes pour deux acceptantes, il faudrait s’appeler Trump pour ne pas accepter une aussi cinglante défaite. Lors de l’annonce des résultats au restaurant du Cheval Blanc à Renan, les maires des communes concernées (à l’exception de Rosemarie Jeanneret, maire de Sonvilier retenue au bureau de vote) n’avaient pas le sourire des grands jours.

 

Défaite reconnue
Reconnaître sa défaite fait partie du jeu en démocratie, mais s’interroger sur le pourquoi d’un refus et sur des perspectives d’avenir qui s’assombrissent également.

Dans les rangs du PLR imérien qui s’est fait le porte-étendard du camp du refus, des voix s’étaient élevées pour dire que la fusion n’était pas combattue en soi, mais que c’est la mouture du projet qui ne convenait pas. Or, outre la fusion en elle-même, les citoyens devaient également se prononcer sur les divers règlements de ce qui aurait dû être la future commune. Pourtant, à quelques exceptions près, les votants n’ont nulle part dit de manière claire oui à la fusion et non aux règlements. Nul mot d’ordre n’avait d’ailleurs été donné dans ce sens, ce qui laisse entendre que c’est bel et bien la fusion elle-même qui était dans le collimateur des opposants.

Outre que l’on peut dire adieu au «cadeau de la mariée» que lecanton offrait à hauteur de 2,5 millions, la renaissance du projet dans un délai raisonnable semble hautement compromise. Andreas Niederhauser, maire de Renan, pouvait se consoler en constatant que la population de son village avait largement suivi ses autorités en soutenant le projet. «Ici, la population a été tellement échaudée par le dossier de la route des Convers qu’elle ne s’accommode plus du «‹chacun pour soi›», remarque-t-il.

 

Gros non des Imériens
Pour sa part, Patrick Tanner ne peut que constater que ses administrés ont été les plus réfractaires au projet dont il était l’un des principaux artisans: «J’en prends acte et j’espère que le PLR, après avoir si fortement milité pour le non, prendra ses responsabilités à bras-le-corps lorsqu’il faudra assumer les défis futurs qui s’annoncent difficiles dans une année ou deux.»

Saint-Imier aura peut-être moins de problèmes que les petits villages lorsqu’il devra renouveler ses autorités, mais sur le plan financier, Saint-Imier n’aura pas un avenir particulièrement serein lorsqu’il faudra se passer d’importantes recettes fiscales provenant des personnes morales.

A ce sujet, Patrick Tanner averti que la bonne situation financière actuelle risque de basculer cruellement. «Prenons garde, nos finances pourraient rapidement devenir aussi difficiles à gérer que celles de Moutier si nous ne trouvons pas rapidement le moyen de mieux répartir nos sources de revenu.»

Une idée largement partagée par Gérard Py, qui est persuadé qu’il n’y aura à coup sûr que des perdants avec ce refus. Maire de Cormoret, il se désole à son tour de ce refus exprimé à quelques voix près par sa commune, la plus petite, qui était impliquée dans le projet de fusion. «Nous avons travaillé d’arrache-pied afin de convaincre nos concitoyens dans chacune des communes. Que pouvons-nous faire de plus? Nous n’avons jamais voulu faire miroiter des résultats incertains ni surtout entrer dans le jeu des fake news.»

 

Mauvaises informations
Président du Copil et maire de Courtelary, Benjamin Rindlisbacher abonde dans le même sens. «Le Copil travaille sur ce projet depuis dix ans, pas toujours avec les mêmes personnes puisqu’il y a eu des nouveaux maires dans une partie des communes. Toujours est-il que le travail fourni a été intense, l’information à la population complète et rigoureuse. C’était vraiment un très beau projet construit dans la durée, mais qu’une campagne adverse de six semaines a misà terre.»

Andreas Niederhauser s’en étonne: «C’est incroyable qu’après toutes les informations que nous avons données, des gens craignaient encore tout récemment que les jeunes enfants ne puissent plus aller à l’école à Renan! Nous devons constater que la population n’a pas vraiment pris connaissance des informations que nous tenions à sa disposition.» Un désintérêt qui a également été mis en évidence par la faible audience de la dernière séance d’information et du récent débat en ligne. Trop d’informations auraient-elles tué l’information?

 

Les opposants à la fusion vacillent entre sentiment de satisfaction et un brin de tristesse

Du côté des vainqueurs, c’est bien entendu un sentiment de contentement, mais sans excès d’euphorie, qui prédominait, hier. Le PLR de Saint-Imier, parti certainement le plus opposé à la création de la commune d’Erguël telle qu’elle a été soumise au peuple, n’a donc pas poussé le bouchon jusqu’à sabrer le champagne. «Le corps électoral a fait preuve de bon sens, mais ce n’est pas vraiment une victoire que nous fêtons aujourd’hui», affirme le libéral-radical imérien John Buchs. «Je suis même plutôt triste, parce que nous aurions pu et dû travailler davantage pour que ce projet soit mieux élaboré. Lorsqu’on construit une maison de cette ampleur, il ne faut pas seulement poser les fondations, mais penser l’ensemble dans les moindres détails», image John Buchs.

«Nous sommes naturellement très satisfaits du résultat délivré par les urnes», confirmait Denis Gerber au téléphone. «Nous avons maintes fois répété que les communes n’étaient pas encore prêtes à faire le pas de la fusion. Qu’il y avait encore du travail à effectuer, notamment en ce qui concerne le règlement d’organisation (RO), mais on ne nous a pas écoutés», déplore le président du PLR de Saint-Imier.

Trop de points à revoir
Le parti imérien aurait d’ailleurs souhaité un moratoire, qui aurait permis de laisser plus de temps afin de mieux fixer les contours de cette fusion et ne pas en précipiter la votation. Et ce, tout particulièrement dans le contexte économique et sanitaire que nous connaissons actuellement. «Pour nous, il était aussi difficile d’accepter qu’on ne laisse pas la latitude au Conseil de ville d’intervenir sur les différents règlements et sur les aspects financiers de la future commune», poursuit John Buch.

L’humeur était également à la satisfaction pour le citoyen de Sonvilier Steven Siegenthaler. «Nous nous attendions à un vote serré et cela a été le cas. C’est donc un soulagement que d’apprendre le rejet de cette fusion.» Pour le jeune agriculteur, le RO, notamment, n’était pas suffisamment mûr. «Faire passer le nombre de conseillers municipaux à cinq n’était pas non plus une bonne solution, selon moi. La charge de travail aurait été trop importante. Et je suppose que ce qui a surtout fait pencher la balance, à Sonvilier et Cormoret, c’est que les petites communes n’auraient pas été assez bien représentées dans cette nouvelle entité.»

«Il y aurait également eu le problème de l’enclave de Villeret», ajoute John Buchs. «Avec la nouvelle commune fusionnée, nous aurions dû reprendre toutes les conventions, par exemple en ce qui concerne les écoliers. Pour moi, il n’est pas envisageable de couper pareillement la région, de la désunifier, en quelque sorte.»
 
Musique d’avenir?
Dès demain, les cinq communes concernées par ce projet de fusion avorté vont donc reprendre leur fonctionnement habituel. Et il y a du pain sur la planche, notamment dans la cité imérienne. «Le maire nous répète que nous allons vers une catastrophe financière», indique Denis Gerber. «Le PLR va continuer de s’engager pour qu’il fasse bon vivre à Saint-Imier et dans ce grand canton de Berne. Nous allons donc nous mettre en action afin de trouver des solutions pour établir des budgets qui soient équilibrés pour ces prochaines années (réd: celui de 2021 est déficitaire de 2,46millions). Ce n’est qu’une fois que nous aurons réalisé ces analyses financières et que la situation se sera stabilisée que nous pourrons éventuellement reparler de fusion.» Dans un avenir proche? «Il nous faudra avoir une vision claire de la comptabilité pour 2023-2024. Qui sait, un nouveau projet, peut-être moins ambitieux, pourrait alors voir le jour. Mais ce sera aux plus jeunes de s’impliquer.»

«Je ne pense pas que le sujet d’une éventuelle fusion reviendra sur le tapis de sitôt», estime pour sa part Steven Siegenthaler. «Mais si cela devait arriver, il faudra que le projet réponde aux attentes du plus grand nombre. Il faudra, en outre, veiller à ce que les petites communes soient mieux prises en considération. Je me vois mal accepter un projet qui occulterait ce point», conclut Steven Siegenthaler. SGO

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