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Année fiscale 2020

Avec la crise du Covid, Berne verra ses recettes fondre de 450 mios

L’Intendance des impôts a pris diverses mesures l’an dernier pour atténuer l’impact de la pandémie du coronavirus. Mais c’est dans la déclaration 2020 que les conséquences se feront sentir pour le canton, qui s’attend à une forte baisse de ses rentrées fiscales.

Comme l’a souligné Claudio Fischer, le canton s’attend à une baisse de ses recettes fiscales de l’ordre de 450 mios de francs. Manu Friederich-ldd

Par Philippe Oudot

Depuis quelques jours, l’Intendance des impôts est en train d’envoyer pas moins de 637000 déclarations fiscales 2020 aux contribuables bernois. Hier, avant de présenter les changements de cette année au cours d’une conférence de presse, l’intendant Claudio Fischer est d’abord revenu sur la déclaration 2019. Il s’est en particulier réjoui de voir que deux tiers des contribuables avaient déposé leur déclaration en ligne. Leur nombre est en constante augmentation, ce qui facilite le travail de l’Intendance et contribue à accélérer les procédures.

«Ils ont ainsi été 146000 à remplir leur déclaration en ligne de bout en bout», a-t-il relevé, rappelant que «la déclaration en ligne est le moyen le plus simple et le plus rapide de remplir son devoir de contribuable». Beaucoup profitent d’ailleurs aussi des possibilités numériques qu’offre le site TaxMe-Online pour scanner leurs justificatifs et de les envoyer en ligne, plutôt que sous forme papier.

L’an dernier, «244000 documents ont ainsi été téléversés, dont près de la moitié étaient des attestations du pilier 3a», a indiqué l’intendant. Sans surprise, les aînés sont les plus réticents à recourir à la déclaration en ligne…

Le succès de cette dernière est tel que l’Intendance des impôts a décidé de supprimer le logiciel TaxMe offline. Mais pour intégrer les changements qui interviennent chaque année, des coûts d’adaptation élevés sont nécessaires. Des coûts jugés désormais disproportionnés par rapport au nombre d’utilisateurs, en constante diminution (78000, contre 115000 il y a cinq ans).

Délais modifiés
Parmi les principaux changements, l’intendant a mentionné la prolongation du délai de dépôt de la déclaration pour les personnes physiques. Jusqu’à présent, pour autant que la demande soit faite en ligne, on pouvait demander une prolongation jusqu’au 15septembre (au lieu du 15mars), et cela sans frais. Ce délai a désormais été ramené au 15juillet. Il reste toutefois possible d’obtenir une prolongation jusqu’au 15septembre, et même au 15novembre, mais moyennant un émolument respectif de 20 et 40fr.

Les mineurs vont, quant à eux, bénéficier d’un changement plutôt réjouissant. Désormais, ils ne recevront automatiquement leur première déclaration d’impôt qu’à l’âge de 18ans, au lieu de 16 aujourd’hui. Claudio Fischer a justifié cette modification du fait qu’«entre 16 et 18 ans, la plupart des jeunes n’ont aucun revenu ou que celui-ci est si bas que l’impôt est nul».

Nouvelles déductions
Dès cette année, les propriétaires d’immeubles ont la possibilité de déduire les frais d’investissements et d’entretien immobilier destinés à économiser l’énergie et à ménager l’environnement. «Cela concerne en particulier les investissements dans l’isolation des bâtiments, le chauffage ou encore la pose de panneaux photovoltaïques», a indiqué Claudio Fischer. Et la part qui ne peut pas être déduite l’année considérée est déductible les deux périodes fiscales suivantes. Et d’ajouter que les frais de démolition en vue d’une construction de remplacement sont désormais aussi déductibles.

Frais professionnels
En raison de la crise du Covid, bon nombre de contribuables se sont mis au télétravail. Ceux qui utilisent les transports publics et qui avaient acheté un abonnement annuel peuvent continuer à en déduire le coût, même s’ils n’ont pas pu l’utiliser toute l’année. Quant à ceux qui, en raison de la situation incertaine, ont acheté des billets à l’unité pour leurs trajets professionnels, ils peuvent également les déduire.

S’agissant des frais de déplacement en voiture, du 1er mars au 31 décembre, ils peuvent aussi être déduits pour chaque trajet, et cela, à titre exceptionnel, sans avoir à fournir de justificatif attestant de l’impossibilité d’emprunter les transports publics. Quant à la déduction des frais de trajet, son montant reste plafonné à 3000fr. pour l’impôt fédéral, et à 6700fr. pour l’imposition cantonale et communale.

Rien pour le télétravail
En revanche, a précisé Claudio Fischer, la pratique reste inchangée pour les autres déductions de frais professionnels. «Il n’est donc pas prévu de déduction particulière pour les contribuables en télétravail», par exemple pour l’utilisation d’une chambre. En effet, la loi sur les impôts ne permet pas de faire valoir des déductions spécifiques au télétravail.

Claudio Fischer a encore évoqué la question de la réévaluation des immeubles, qui intervient environ tous les 20ans. L’objectif est d’arriver à une valeur médiane de 70%, a-t-il rappelé. Dans la plupart des cas, l’administration dispose des données suffisantes pour évaluer les 727000 immeubles du canton, mais les experts doivent parfois aussi se rendre sur place.

Ace jour, 635000 ont déjà été passés au crible, et 92000 sont en cours. Dans certaines zones, comme le Simmental ou les bords du lac de Bienne, la valeur a été revue à la hausse, alors que dans d’autres, dont le Jura bernois, c’est le contraire. Reste encore une incertitude, a-t-il ajouté:le Tribunal fédéral doit encore se prononcer sur un recours contre cette valeur médiane. S’il devait être accepté, l’Intendance devrait sans doute reprendre ses travaux à zéro…

 

Des mesures pour atténuer les conséquences dues au Covid

L’Intendance des impôts n’est pas restée de marbre, l’an dernier, face à l’ampleur de la pandémie et à son impact sur l’économie et les contribuables. Hier, Claudio Fischer a rappelé la palette de mesures prises pour atténuer les conséquences de la crise. «Pour les personnes physiques, nous avons tout d’abord prolongé automatiquement le délai de dépôt de la déclaration de six mois, jusqu’au 15 septembre.» Conséquence logique:nombre de déclarations ont été déposées plus tardivement que d’ordinaire:«Les Bernois ont pris plus de temps, mais ils ont rempli leurs obligations fiscales jusqu’à la fin de l’année.»

S’agissant des impôts cantonaux et communaux, l’Intendance a renoncé à l’intérêt moratoire de 3% perçu d’ordinaire auprès des contribuables qui ont réglé leurs impôts en retard. Elle a en revanche accordé un intérêt rémunératoire de 0,5% pour des paiements anticipés. Une mesure dont quelque 186000 personnes ont profité, soit environ 5% de plus que l’année précédente. Un résultat somme toute modeste, sachant que les paiements anticipés n’étaient pas rémunérés en 2019. Le montant de l’impôt cantonal payé à l’avance s’est ainsi élevé à 728mios, contre 588 l’année précédente.

L’Intendance a également accordé des facilités de paiement échelonné et a renoncé à toute sommation et autre poursuite pour le recouvrement de toutes les créances cantonales, et cela jusqu’au 30juin. De quoi soulager de nombreux contribuables, directement touchés par la crise.

Conséquences différées
Mais comme l’a souligné Claudio Fischer, les conséquences pour le canton ne se feront ressentir que cette année, avec la déclaration d’impôt 2020. Et elles seront lourdes. Selon les projections d’un groupe d’experts de l’Intendance des impôts, les rentrées fiscales devraient diminuer de quelque 450mios de francs par rapport à la planification initiale.

 

160 millions récupérés

Comme chaque année, Claudio Fischer a également fait le point sur les dénonciations spontanées. Après le pic des 4550autodénonciations atteint en 2017 en raison d’un durcissement des sanctions en cas de fraude, le nombre s’est stabilisé à un peu plus de 670. L’an dernier, quelque 130mios cachés sont ainsi réapparus au grand jour. En dix ans, a-t-il précisé, ce ne sont pas moins de 3,5milliards de francs qui ont refait surface.

L’intendant des impôts a encore donné quelques précisions concernant l’échange automatique d’informations. Pour la période 2017-2018, 175 procédures en rappel d’impôt et pour soustraction fiscale ont été ouvertes, et 32 d’entre elles sont entrées en force. Elles ont déjà permis de récupérer plus de 1,6million de francs. Anoter qu’en plus des montants restitués, les fraudeurs ont été sanctionnés par des lourdes amendes, pour un montant total de 777000fr.

 

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C’est le montant, en francs, de l’intérêt rémunératoire qu’un lecteur du JdJ (nom connu de la rédaction) a reçu pour le versement anticipé de ses impôts.

Le courrier qui accompagnait ce versement précisait toutefois – ô surprise – que cette somme était considérée comme un revenu et qu’à ce titre, elle devait donc être déclarée en bonne et due forme dans sa déclaration d’impôt. Comme quoi la générosité a des limites…

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