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Hockey sur glace

Le dialecte zurichois avant le finnois

Né il y a 31 ans à Tampere, en Finlande, Santeri Alatalo se sent plus suisse que jamais depuis qu’il revêt le maillot de la sélection nationale aux Mondiaux à Riga.

Santeri Alatalo a touché son passeport helvétique l’année dernière après avoir passé plus de la moitié de sa vie en Suisse. (Keystone)

Laurent Kleisl

Doublement vexé. Le massacre de mardi face à la Suède, cette blessante raclée 7-0, Santeri Alatalo l’a doublement dégustée. Comme international à croix blanche, bien sûr. Comme ressortissant finlandais, également. «Entre Finlandais et Suédois, il y a toute une histoire, surtout aux Mondiaux de hockey», admet le binational. «Quand ces deux nations se rencontrent, c’est toujours une grosse bataille. Dans ce contexte, j’étais particulièrement motivé à l’idée d’affronter la Suède. Le résultat est un peu différent de ce que j’avais espéré...»

Techniquement, c’est le hockey sur glace qui a conduit Santeri Alatalo à prendre la nationalité helvétique. Respectivement directeur et entraîneur de la sélection nationale, Lars Weibel et Patrick Fischer ont servi de bougies d’allumage. «Ils m’ont contacté en 2019 pour me demander si j’étais intéressé à jouer en équipe de Suisse», précise le défenseur du EV Zoug. «Je n’avais jamais imaginé qu’un jour, je pourrais disputer des Mondiaux avec mon pays d’adoption.»

Enthousiasmé par le projet, Santeri Alatalo s’est immédiatement lancé dans une procédure de naturalisation. Une simple formalité, qui n’a pris qu’une petite année en vertu dans son ancienneté sur le sol de l’Helvétie. «J’ai 31 ans et j’ai vécu plus de la moitié de ma vie en Suisse», rappelle-t-il. C’est que le fil de la carrière de son père, Matti Alatalo, a grandement façonné son existence.

Un sentiment profond
En 1995, le paternel, qui était encore entraîneur de Viège jusqu’au 20 octobre dernier, a déniché un job dans la région zurichoise. «J’avais 12 ans quand nous sommes revenus en Finlande», indique le fiston. Entre temps, pendant cinq saisons, papa a officié comme coach assistant aux ZSC Lions avant de diriger les GCK Lions, en deuxième division, entre 2000 et 2002. «J’ai commencé le hockey en Suisse, à Kloten, à l’âge de 5 ans», raconte Santeri Alatalo. «J’y ai joué pendant sept ans, notamment avec Denis Hollenstein et Reto Suri.»

Le gamin apprenait à patiner et à bouger des pucks dans la forêt du Schluefweg pendant que papa gagnait le pain familial au Hallenstadion. Cocasse. «Oui, je sais, c’est amusant», sourit-il. «On habitait à Kloten, où beaucoup de joueurs et de coaches étrangers s’établissent. C’est là que tous mes amis évoluaient. Je pouvais me rendre à pied à la patinoire, c’était plus simple. En fait, j’étais un tout grand fan des ZSC Lions alors que je jouais avec les juniors de Kloten!»

Le jeune Santeri a suivi son père, en 2002, lorsque celui-ci a dégoté un poste d’entraîneur principal à JYP Jyväskylä, dans l’élite finlandaise. «A mon retour en Finlande, j’ai dû réapprendre le finnois, car à Kloten, je parlais surtout le dialecte zurichois. Le finnois, c’était à la maison, mais c’était du mauvais finnois!» Au fond de lui, tout au fond, un désir enfoui peine à s’estomper. La Suisse, c’est chez lui. «J’ai toujours dit que je souhaitais y retourner. Finalement, c’est le hockey qui me l’a permis.»

Direction Lugano
Heureux bénéficiaire d’un règlement aujourd’hui caduque, Santeri Alatalo disposait, avant sa naturalisation, d’une licence de jeu helvétique après avoir touché son premier passeport de hockeyeur en Suisse. Ce sésame l’a autorisé à répondre aux avances d’Arno Del Curto et du HC Davos en 2012, après 113 matches en première division finlandaise. Une saison dans les Grisons et le défenseur s’engageait au EV Zoug. La boucle est bouclée.

Cet été, c’est avec le titre national dans son sac de sport que Santeri Alatalo mettra le cap sur Lugano, où il s’est engagé jusqu’en 2025. «Je serai resté huit ans à Zoug. Et huit ans au même endroit, pour un hockeyeur, c’est beaucoup!» Les racines de son départ de la Bossard Arena dessinent une arabesque plus complexe qu’une primitive envie de mouvement. «Avec le EV Zoug, nous n’avons pas trouvé de terrain d’entente. Je n’étais pas satisfait avec ce que le club me proposait et je n’étais pas d’accord avec l’appréciation qu’il faisait des huit années que j’ai jouées pour lui. Le HC Lugano m’a offert un bon contrat, un contrat à long terme avec des plans d’avenir très clairs.» Des vues sur le titre, peut-être?

Au Tessin, Santeri Alatalo retrouvera Mirco Müller, autre membre de la brigade défensive de la sélection nationale. Un costaud, fort d’une expérience de 188 matches en NHL. «Une équipe se construit sur une arrière-garde solide, c’est la base du succès», lance Santeri Alatalo. Mardi, la Suède en a fait l’éclatante démonstration.
 

Une faim de loups avant d’affronter la Slovaquie

Trois matches et autant de victoires, la Slovaquie reste la seule nation invaincue en lice aux championnats du monde à Riga. Emmenée par Marek Hrivík et Peter Cehlárik, tous deux attaquants de Leksands IF (première division suédoise), la sélection du Canadien Craig Ramsay s’est même permis le luxe, lundi, de vaincre la Russie (3-1). Jeudi après-midi, dès 15h15, c’est une forme de rédemption que les hommes de Patrick Fischer chercheront face aux Slovaques après leur chute brutale, profonde, dans les abîmes du doute face à la Suède (0-7). «Mardi, pas un seul d’entre nous n’a livré un bon match», souffle Santeri Alatalo. «C’est l’équipe dans son ensemble qui est passée à côté face à un adversaire qui, après deux revers, devait gagner.»

Malmenés, transbahutés, les Helvètes ont laissé leur mal-être suinter de tous leurs pores sur la glace de l’Olympic Sports Center de Riga. Leur comportement, leur langage corporel, leurs moues dubitatives, tout y était. «Les Suédois étaient prêts à payer le prix, nous ne l’étions pas», soupire le défenseur du EV Zoug. «Sept à zéro, je trouve quand même le résultat un peu sévère. La bonne chose, c’est que ce n’est qu’un match, qu’on peut se reprendre dès jeudi. Et puis, perdre 1-0 ou 7-0, c’est pareil après tout.»

L’art de relativiser s’intègre dans le processus de l’oubli. Avaler, digérer, apprendre puis passer à autre chose, c’est le mode opératoire en la circonstance. «Apprendre, oui, apprendre à perdre après des victoires», coupe-t-il. «Nous devons rester positifs et nous tenir en équipe. Le match contre les Slovaques, nous devons l’aborder avec l’attitude d’une meute de loups!» Des loups affamés, si possible.

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