Les USA dans le viseur

Par Philippe Oudot

Pour les producteurs de tête-de-moine, les Etats-Unis représentent aujourd’hui un marché ultraconfidentiel, soit 8tonnes en 2020, sur une production de près de 2700tonnes. Mais cela pourrait changer à l’avenir. C’est en tout cas l’espoir de Cédric et Florian Spielhofer, patrons de la fromagerie imérienne du même nom. Comme annoncé hier par Le QJ, ils ont signé un contrat avec un groupe américain, qui compte quelque 500magasins, portant sur la vente de 15tonnes de tête-de-moine, sous forme de rosettes.

Pourquoi ce choix, plutôt que des meules ou des demi-meules? «Pour permettre aux consommateurs de découvrir notre fromage et leur montrer sous quelle forme il se mange. C’est aussi plus facile de vendre des barquettes de rosettes de 100grammes, plutôt qu’une meule de 800grammes, à un consommateur qui veut d’abord goûter le produit», indique Cédric Spielhofer. Par la suite, si le marché réagit positivement, il compte bien exporter directement des meules ou demi-meules, qui se conservent mieux et plus longtemps que les rosettes.

Cela dit, si les frères Spielhofer espèrent bien séduire les consommateurs américains, notre interlocuteur se dit parfaitement conscient que la tête-de-moine restera un marché de niche haut de gamme. Difficile, en effet, d’imaginer le fromage phare du Jura bernois imiter le gruyère, dont un quart de la production est exporté aux Etats-Unis. «Mais pour nous, et plus largement pour toute la filière de la tête-de-moine, ce marché représente assurément une belle opportunité. Quoi qu’il en soit, nous sommes en mesure d’augmenter nos capacités de production et d’affinage pour faire face à la demande», assure Cédric Spielhofer. Un premier lot est en cours de livraison, et toute la marchandise devrait être sur les étals pour les fêtes de fin d’année.

Surveillance attentive
De son côté, Martin Siegenthaler, le nouveau gérant de l’Interprofession de la tête-de-moine, considère également cette annonce comme une très bonne nouvelle pour toute la filière. «Nous avons des gens aux Etats-Unis et allons examiner l’évolution des ventes.» Il considère également que, pour séduire le marché, le choix de vendre des rosettes s’imposait tout naturellement.

Si le produit séduit les consommateurs, il estime que la vente de meules ou de demi-meules s’imposera. D’autant que désormais, l’appareil Rosomat (sorte de girolle électrique destinée aux professionnels de la vente et de la restauration), permet de produire des rosettes facilement et rapidement. «Nous avons des contacts avec la société Cheesemongers, spécialisée dans la commercialisation de fromages. Par ce biais, nous comptons bien faire connaître plus largement notre produit phare», explique le gérant.

Sur les réseaux sociaux
Bien conscient que le grand public n’a aucune idée de la façon dont la tête-de-moine se consomme, l’Interprofession va diffuser des vidéos sur les réseaux sociaux. Mais, tout comme Cédric Spielhofer, Martin Siegenthaler estime que la conquête des Etats-Unis ne se fera que très progressivement, et que ce fromage restera sans doute un produit de niche, notamment en raison des contraintes administratives.

De manière plus générale, le gérant de l’Interprofession souligne qu’après un léger recul des ventes en 2020, à 2670tonnes, «nous devrions atteindre la barre des 3000 tonnes cette année. L’Allemagne reste numéro1, avec environ 1000 tonnes, devant la Suisse et la France, à respectivement 650 et 450 tonnes.»

Il imagine qu’à moyen terme le marché des Etats-Unis pourrait atteindre les 50tonnes. Et si la fromagerie Spielhofer a ouvert la voie, il se dit persuadé que si les consommateurs réagissent positivement c’est toute la filière qui devrait en profiter.