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Le rêve olympique finit par tomber à l’eau

Le Jurassien bernois Carlos Gerber, qui avait gardé une lueur d’espoir depuis son accident en motocross freestyle, s’est très vite rétabli de ses opérations, mais la météo est venue gâcher son grand projet.

L’as du slopestyle et du big air Carlos Gerber manque une nouvelle fois les JO de très peu. Mais ce n’est peut-être que partie remise...

par Sélim Biedermann


Aussi fou que cela puisse paraître, ce ne sont pas les quatre opérations que Carlos Gerber a subies depuis le mois d’août qui le privent de Jeux olympiques, mais le manque de points de Coupe du monde, dû à un malheureux concours de circonstances... «J’ai super bien récupéré, je me sens bien», se réjouit le rider originaire de Sonceboz. Et pourtant, c’est un sentiment de déception qui, actuellement, prédomine ses pensées.

Parce que Carlos Gerber avait tout entrepris pour pouvoir vivre un rêve olympique qui lui avait échappé de très peu en2018, lorsqu’il concourrait sous les couleurs helvétiques mais n’avait finalement pas été sélectionné. Voici une année, il recevait son passeport cap-verdien, soit la nationalité de son papa. Et, ensuite, d’entreprendre une surprenante démarche qui devait le guider jusqu’aux JO de Pékin, le mois prochain. L’as du big air et du slopestyle, alors bien entouré, est en effet parvenu à créer une fédération des sports d’hiver dans ce pays africain. «La Suisse avait accepté mon changement de licence», rappelle-t-il.
 
Epreuve annulée
Pas même sa violente chute survenue en motocross freestyle à fin juillet ne l’aurait donc privé de se rendre en Chine. Depuis lors, il avait, avec raison, «toujours gardé une lueur d’espoir» en dépit d’un rétablissement estimé à six mois par les médecins. «Je me disais que si les étoiles s’alignaient, tout resterait possible. Mais je prenais vraiment un jour après l’autre. Il fallait déjà remarcher, puis se remuscler et recommencer à snowboarder», relève le Jurassien bernois. Qui, début décembre, glissait de nouveau sur sa planche. 
 
«Si j’avais pu me rendre aux Jeux, je n’aurais certes pas eu suffisamment d’heures d’entraînement dans les jambes, même si je me situe aujourd’hui à95% de ma pleine forme. Mais ce projet allait au-delà du résultat. Je l’ai mené pour vivre l’expérience olympique, et c’était aussi une histoire de cœur. L’idée était d’amener le Cap-Vert, les îles, aux JO d’hiver!» souligne l’expérimenté snowboarder de 31ans aux 10saisons de Coupe du monde, avec à peu près autant de podiums à son actif.
 
Tout est donc finalement tombé à l’eau. Fichue météo! Une qualification pour les JO apparaissait encore jouable avant l’annulation pour cause de mauvais temps de la manche de Coupe d’Europe des Arcs, côté big air –les points récoltés dans cette discipline valent également pour celle du slopestyle, étant donné que ce sont les mêmes athlètes dans les deux. 
 
Carlos Gerber devait y obtenir les minima en vue de pouvoir disputer le Laax Open, qui s’est déroulé en fin de semaine passée sur le front de la Coupe du monde. Et là, il lui aurait «suffi» de décrocher un top30 pour valider un ticket olympique. «Ça aurait peut-être pu le faire», glisse l’habitant d’Ovronnaz, en Valais. Las pour lui, aussi bien l’épreuve continentale française que celle mondiale dans les Grisons étaient les dernières à figurer au calendrier dans les délais.
 
La toute nouvelle fédération des sports d’hiver du Cap-Vert a beau avoir tenté d’inscrire son protégé au Laax Open sans qu’il n’ait disputé aucune course au préalable cette saison, mais rien n’y a fait. En tout cas, cette dernière existe bel et bien désormais... Et elle a attiré d’autres adeptes ayant des envies olympiques. «Maintenant, quatre athlètes, y compris moi, y sont inscrits!» signale le féru des sports extrêmes. Ses trois compatriotes, spécialistes de ski freestyle, de ski de fond et de boardercross, vivent également en Europe, en Suisse et en France. Mais eux non plus ne voyageront pas à Pékin en février, «parce que tout s’est fait à la dernière minute».
 
Porte grande ouverte
Toutefois, des Cap-Verdiens risquent bien de figurer sur les listes des Jeux2026 de Milan et Cortina d’Ampezzo. Carlos Gerber pourrait ainsi quand même goûter au grand rendez-vous planétaire, celui prévu en Italie. «Je ne sais pas encore si j’ai envie de tirer jusque-là, il s’agit de peser le pour et le contre», explique le Jurassien bernois domicilié en Valais depuis des années. «Mais je garde ce projet olympique en tête.»
 
Il songe: «Obtenir assez de points en Coupe du monde semble complètement possible. Et je pourrais gérer mon programme comme je le veux, sans monstres contraintes, puisqu’avec la Suisse j’étais obligé de suivre un certain rythme. La porte est grande ouverte pour moi. J’ai vraiment tout en main pour y arriver.» A une nuance près: peut-être qu’en2025, la concurrence interne fera rage avec de futurs riders de cette île africaine...

 
«Je me suis rendu compte de ce que peuvent vivre les personnes handicapées»

Au vu de son rétablissement express, Carlos Gerber (photo ldd) est clairement conscient d’avoir eu «beaucoup de chance dans la malchance», parce que son accident de moto était conséquent. Mais il n’en a pas moins bavé à partir du 25juillet dernier. «C’était compliqué, très dur», lâche-t-il. «J’ai passé trois mois en chaise roulante, avant de me retrouver à la Clinique romande de réadaptation de Sion. Je me suis alors rendu compte de ce que peuvent vivre les personnes handicapées. Ça m’a fichu un pied au cul, j’ai appris pas mal de choses.»
 
Cette période de mobilité réduite, il l’a traversée tant bien que mal du côté d’Yverdon, la ville où réside sa compagne, un lieu plus pratique dans les conditions qui étaient les siennes qu’Ovronnaz, là où le Jurassien bernois vit d’habitude. «J’ai pu bénéficié pendant un mois d’un de ces petits véhicules destinés aux personnes âgées, qui appartenait à la maman d’un ami de ma copine. C’était plus pratique pour faire les commissions, par exemple...»
 
Soit une petite réjouissance parmi d’autres, dans un quotidien momentanément bouleversé, auxquelles Carlos Gerber n’a cessé de s’accrocher. «J’étais très bien entouré, j’ai reçu un grand soutien de la part de mes proches, de mes copains. Cela s’est avéré capital afin de réussir à garder une attitude positive», remercie-t-il.
 
Retour précoce
Le fait qu’il n’y ait eu aucune complication post-opératoire –la quatrième et dernière fois qu’il a passé sur le billard date seulement de la mi-novembre– lui a aussi permis de «garder le curseur à la bonne place», glisse-t-il. «Je me suis donné les moyens de revenir le plus vite possible, sans pour autant trop forcer.» Etant charpentier indépendant, Carlos Gerber n’avait alors d’autre activité envisageable que celle de se remuscler. «Mes potes en ont d’ailleurs rigolé, ils disaient que je passais ma vie au fitness!»
 
Force est de constater que le rider de Sonceboz a remis sa planche plus vite que prévu. D’abord dans l’Arc jurassien, hors des pistes, début décembre. C’est-à-dire moins de quatre mois après son opération à un genou, dont les ligaments croisés antérieurs étaient déchirés et les deux ménisques abîmés –il a par ailleurs eu une cheville et un pied cassés. «C’était très tôt pour un retour, je suis bien sûr resté sur la retenue. Mais j’étais solide, j’ai tout de suite senti que la musculature était présente, c’était vraiment encourageant», raconte-t-il.
 
«Comme si j’avais 6 ans»
Ainsi, sans réelle surprise et après qu’il soit tombé à peu près un mètre de poudreuse, Carlos Gerber n’a pas manqué l’ouverture de la saison dans la station d’Ovronnaz, le 11décembre. «C’était incroyable, magique! J’étais tellement content que j’en avais des frissons comme si j’avais 6ans et presque des larmes sous mon masque», sourit-il.
 
De quoi zapper des mois difficiles. Ou presque, puisqu’il en gardera une marque. «J’ai trois vis dans un pied, qui resteront à jamais en souvenir...» Un détail, on a envie de dire. Pour un homme qui ne perdra a priori jamais le goût du risque: «Je compte bien continuer la moto freestyle!»

 

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