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Industrie

En danger, les petites entreprises!

La chambre d’économie publique hausse le ton vis-à-vis du Seco afin d’obtenir un meilleur soutien aux PME.

Comme l’illustrent les graphes de la CEP, les capacités d’investir des petites entreprises sont mises à mal depuis le 4e trimestre 2015. infographie T. Allemann

Catherine Bürki

Il s’inquiète Patrick Linder. Et sérieusement. Pour le directeur de la Chambre d’économie publique du Jura bernois (CEP), la pérennité des petites entreprises de la région est aujourd’hui mise à mal. Un constat peu réjouissant, qu’il tire du second baromètre industriel de l’année. Chargé d’établir les grandes tendances à venir pour le milieu industriel régional–en se basant sur les prévisions subjectives de 22 entreprises –, cet outil de la CEP fait état d’une aggravation de la situation pour les acteurs industriels de l’Arc jurassien.

À tel point que le directeur, s’avouant un brin irrité, a annoncé hier avoir décidé de prendre sérieusement le taureau par les cornes. Il s’apprête ainsi à secouer le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) qui, selon lui, délaisse les PME.

«Hausser le ton!»
«La situation est assez sérieuse pour qu’on se permette de hausser le ton!», arguait Patrick Linder hier. A l’heure de détailler les résultats du baromètre à la presse, le directeur de la CEP n’avait en effet guère de bonnes nouvelles à annoncer. Pour le troisième trimestre de l’année, l’outil augure la prolongation de la délicate situation, caractérisée par un volume d’affaires très bas, engendrée par l’abandon du taux plancher au début 2015.

En effet, si l’incessante chute des affaires a, semble-t-il, pris fin il y a quelques mois, les carnets de commandes n’en demeurent pas moins désespérément peu fournis. «Le degré d’entrée de commandes ne s’avère pas suffisant pour un fonctionnement de l’industrie régionale à son degré actuel de déploiement», note Patrick Linder.

In fine, le faible taux d’affaires met les trésoreries à rude épreuve. Il induit par ailleurs une dégringolade de la capacité à investir, et donc à innover. «Les attentes en matière de résultat opérationnel sont pessimistes. Conséquemment, les capacités d’investissement sont perçues comme faibles pour la majorité des acteurs industriels interrogés», relève le directeur, qui rappelle que ces deux domaines demeurent pourtant cruciaux pour la compétitivité de la place industrielle suisse.

Loin d’être anodine, pareille atteinte à la compétitivité risque d’aggraver la situation et ainsi de se révéler lourde de conséquences, à moyen et long terme, pour les entreprises de la région. Et ce, d’autant plus pour les plus petites (moins de 50 employés), dont l’avenir pourrait être mis en péril.

«Celles-ci anticipent encore des diminutions d’affaires. Leur faible capacité d’investissement est par ailleurs des plus préoccupantes et engage la pérennité de certains des éléments constitutifs du tissu industriel microtechnique», prévient Patrick Linder, sans cacher son inquiétude.

Face à ce constat alarmant, la CEP juge aujourd’hui urgent de trouver des solutions. Pour Patrick Linder, la seule voie susceptible de sortir l’industrie régionale de ce mauvais pas est alors de favoriser l’innovation. «L’érosion du potentiel d’investissement empêche les entreprises de développer des projets. Dans le contexte délicat actuel, c’est pourtant en innovant que les entreprises pourront se démarquer.»

Une politique inadéquate
Patrick Linder a alors profité de la conférence de presse d’hier pour pousser un coup de gueule à l’attention du Secrétariat d’Etat à l’économie. Jugeant la politique fédérale de soutien aux PME, notamment en matière d’innovation, totalement inadaptée aux attentes et besoins effectifs des entrepreneurs, il a revendiqué une réévaluation des mesures prises. «Si la volonté du Seco de soutenir les entrepreneurs et de favoriser l’innovation est louable, c’est la mise en œuvre de sa politique que nous condamnons!»

Excédé, le directeur de la CEP a notamment évoqué les 61mios de francs alloués dernièrement à la mise en place de mesures spéciales par la Commission pour la technologie et l’innovation de la Confédération. «Les mesures prises ne concernent que 5 à 8% des entreprises suisses, et généralement les plus grandes. Elles ne sont donc pas applicables par et pour les PME.»

Et d’épingler encore les diagnostiques sous-tendants la volonté du Seco de soutenir financièrement les firmes ayant des projets visant à combattre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. «Estimables sur le principe, ils éludent des considérations fondamentales sur la formation professionnelle, qui est pourtant une des meilleures options pour développer la main-d’œuvre.»

Des mesures proposées
Ainsi, loin d’être convaincue par cette politique industrielle jugée «déconnectée des enjeux des entreprises», la CEP plaide aujourd’hui pour la mise en place de trois mesures susceptibles d’aider concrètement les PME. Garantir un soutien financier direct à la formation professionnelle lui semble tout d’abord indispensable. «Former un apprenti coûte cher. Cela permettrait de soulager les entreprises formatrices et de garantir les places d’apprentissages.»

Une prise en charge des postes de recherche et développement par le chômage partiel durant les périodes de réduction de l’horaire de travail, ainsi qu’un possible soutien temporaire pour l’engagement de jeunes ingénieurs affectés à des projets de création, permettrait, en outre, de maintenir la capacité d’innovation essentielle à la pérennité des PME.

Pour faire passer ses revendications, la CEP a l’intention de trouver différents relais au sein de la classe politique. Patrick Linder confiait, hier, vouloir envoyer plusieurs lettres très prochainement. «Nous allons aussi prendre langue directement avec plusieurs personnes», a-t-il encore garanti. Et de glisser encore vouloir profiter du passage du conseiller fédéral en charge de l’économie Johann Schneider-Ammann à Saint-Imier hier (lire en page 3), pour lui faire part des doléances de la CEP.

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