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Canton de Berne

La réinsertion? Pas par l’impôt!

Pas de déductions fiscales pour les entreprises employant des personnes déficientes.

Il n’est pas toujours évident de réinsérer les personnes déficientes dans le monde du travail. LDD

Pierre-Alain Brenzikofer

De prime abord, l’idée semblait alléchante. Emise sous forme de motion par un conglomérat de députés issus tout à la fois des Verts, du PEV, de l’UDC et du PLR, elle exigeait le dépôt d’une initiative cantonale visant à modifier la Constitution fédérale. Objectif? Permettre aux entreprises de bénéficier de déductions fiscales (5000fr.) quand elles favorisent la création d’emplois et de places de formation destinés aux personnes déficientes.

Trop compliquée, pas assez globale et trop généralisatrice, vient de répondre le canton qui propose de repousser la motion. Bon, après ce résumé abrupt, les nuances! Les motionnaires souhaitaient en fait modifier deux lois fédérales.

La première, sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, devrait ainsi stipuler que les cantons peuvent favoriser la création d’emplois et de places de formation destinés aux personnes déficientes en accordant aux entreprises une déduction forfaitaire sur le bénéfice de 5000 fr.

Un intérêt évident
Quant à la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, elle devrait permettre d’accorder une déduction forfaitaire (5000fr. itou) sur le bénéfice, par poste à plein temps et par an, aux entreprises proposant des emplois aux personnes déficientes et en occupent.

Pour que tout soit bien clair, sont réputées déficientes les personnes au bénéfice  d’une rente AI complète ou partielle, pendant toute la durée de la reconnaissance par l’AI, et celles au chômage arrivées en fin de droit et difficiles à placer, pour une durée de trois ans au maximum.

«Nous avons tout intérêt, économiquement parlant, à ce que les gens gagnent leur vie pour assurer leur subsistance ou, en tout cas, une partie. Toute diminution des prestations sociales est un plus», clamaient les motionnaires. Mais, pour eux, l’intégration des personnes déficientes dans le monde du travail n’est possible que si les employeurs sont disposés à les embaucher: «Or, c’est une démarche que de nombreuses entreprises craignent ou répugnent à suivre...»

Moralité, selon nos motionnaires? «Une baisse adéquate des impôts sur bénéfice permettrait de sensibiliser les employeurs. Une déduction de 5000 fr. sur le bénéfice correspond à une baisse de l’impôt de 1000 fr. Mais les bénéfices pour les parties concernées et l’Etat va bien au-delà de cette somme...»

Las, comme déjà révélé plus haut sous la torture, si l’exécutif partage l’avis selon lequel la réinsertion professionnelle représente une tâche majeure de la politique sociale, il n’accepte pas la présente requête.

«Les personnes souffrant de troubles ne forment pas un groupe homogène. Il existe en effet toute une variété de pathologies qui peuvent prendre les formes et présenter des niveaux de gravité les plus divers et qui, de ce fait, n’affectent pas de la même manière le potentiel et les ressources des intéressés», note par ailleurs le canton.

A l’entendre, les possibilités d’insertion de ces gens et leurs besoins en conseil, en suivi et en assistance sont donc aussi variés que les formes de trouble. Bref, il conviendrait plutôt d’examiner au cas par cas l’opportunité d’une aide financière et, le cas échéant, son montant.

Cela dit, la SUVA et l’AI peuvent verser des aides aux entreprises qui engagent l’un de leur client, afin d’atténuer les charges salariales plus élevées qui en résultent. «Toute aide financière doit s’inscrire dans un plan global. Elle doit être réservée aux entreprises en capacité de proposer des emplois appropriés. Subventionner des emplois ne répondant pas aux besoins des personnes à insérer pourrait s’avérer contre-productif au final», avertit le gouvernement.

Pour lui, la déduction proposée est donc trop généralisatrice, qui ne tient aucun compte des solutions individuelles. Il ajoute aussi, à l’intention des pointus (pas turlututu), que les déductions fiscales sont principalement justifiées si elles permettent de tenir compte d’une capacité contributive réduite. Mais ce principe serait nécessairement mis à mal par l’instauration de déductions dont le but est d’induire un certain comportement.

Last but not least, aux yeux de la Berne plantigrade, «les mesures de ce type sont en outre délicates, car toute nouvelle déduction complique davantage encore le droit fiscal et tend à accroître la demande en nouvelles déductions...»

Sous-entendu: un casse-tête programmé pour le malheureux personnel de l’Intendance cantonale des impôts.

Et si on dépassait déjà les préjugés?
Bref, le gouvernement en déduit que l’insertion professionnelle des personnes handicapées est favorisée par des prestations de l’AI ou grâce à des programmes de coaching professionnel financés par certaines institutions. En complément, moult institutions, aussi bien bernoises et cofinancées par le canton qu’extracantonales, proposent emplois et places d’occupation protégés pour différents publics, dans les domaines d’activités les plus divers.

Le site www.rayon.ch les répertorie dans tout le canton de Berne. On l’aura compris, l’Ours s’oppose à la motion et forcément au dépôt d’une initiative cantonale de cette teneur.

Avec un zeste de grandiloquence, il martèle accessoirement que «pour que les personnes souffrant d’un trouble parviennent à se réinsérer, il est avant tout nécessaire de dépasser les préjugés et les questionnements sur la manière de s’y prendre avec celles et de vaincre les craintes concernant l’organisation du travail...»

Si c’est lui qui le dit...

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