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Économie

L’homme qui fait chanter les murs

Établie à Bienne, l’entreprise Hopman-ST développe des systèmes acoustiques d’un genre nouveau.

Bernard Fradin, alias Bernie Hopman, de face et de profil, dans les locaux de son entreprise biennoise. Un effet d’optique créé par la présence d’un miroir à droite. Le miroir en question peut aussi renvoyer du son, et pas seulement une image. MK

Stéphane Devaux

Pour l’état-civil, il se nomme Bernard Fradin, mais lorsqu’il est au piano, il devient Bernie Hopman. Hopman, c’est aussi le nom qui figure sur la plaque, à l’entrée du numéro 23 de la rue de Zurich, aux Champs-de-Boujean. Hopman ST, pour Hopman Sound Transfer.

Ce Français a choisi de déplacer sa société, créée en 2009 dans la région nantaise pour développer, produire et commercialiser du matériel acoustique, pour s’établir à Bienne, où il est depuis dix mois. «À force de venir en Suisse, j’avais lié connaissance avec Thomas Bohn, directeur du GGBA (réd: Greater Geneva Berne Area, l’organe de promotion économique exogène de six cantons de Suisse occidentale).

Il nous a aidés à diffuser notre dossier dans toute la Romandie, et c’est comme ça que nous avons atterri à Bienne, où la promotion économique a été la plus rapide et la plus efficace», explique ce solide gaillard de bientôt 56 ans, jamais en retard d’une idée.

Enceintes invisibles

Celle qui l’a amené en Suisse était d’abord de nature thérapeutique. Passionné de longue date, un bon quart de siècle, de son propre aveu, par tout ce qui touche à la médecine, Bernard Fradin – à moins que ce soit Bernie Hopman – développe un moyen de «remettre les tissus en fréquence».

Il met au point un transducteur acoustique, et en dépose le brevet. Mais le musicien qu’il est s’aperçoit très vite qu’il peut tirer parti de cet outil sur le plan du son proprement dit. Son haut-parleur d’un type nouveau permet de transformer toutes sortes de surfaces rigides en enceintes invisibles.

Dans ses locaux encore en cours d’aménagement, il passe de la parole aux actes: saisissant son invention, un petit boîtier carré de 10 centimètres sur 10 pesant à peine 500 grammes, il le fixe sur une cloison mobile. La musique d’ambiance, qui sortait jusque-là du seul appareil, s’est emparée de toute la paroi, qui agit comme la membrane d’un haut-parleur classique. Bluffant. Un peu comme si on réinventait le son…

Bernie Hopman entouré de deux haut-parleurs classiques. Mais le paddle ci-dessus et le miroir à droite sont dotés des mêmes qualités grâce à la technologie de l’entrepreneur établi aux Champs-de-Boujean.  Matthias Käser

Simplifier la vie

Mais innover pour innover n’entre pas dans l’esprit du personnage. «L’innovation doit apporter un plus pour tout le monde. Innover doit permettre de simplifier la vie, tout en diminuant les coûts. Je veux donc donner l’accès à l’innovation à tous ceux qui n’en avaient pas les moyens», souligne Bernie Hopman, en pointant du doigt son côté pervers: la course à la consommation.

Les utilisations de son application acoustique se veulent donc pratiques et adaptées à la vie quotidienne. Au stade actuel du développement de son entreprise, il en est à six supports «acoustiquement connectés»: un faux plafond, un luminaire, un miroir, un panneau de support pour poste de TV, une tête de lit et … un paddle! «Créé parce que c’était fun! Mais c’est aussi un excellent moyen de promouvoir notre marque...»

Une baignoire connectée

D’autres transmetteurs de son sont en cours d’élaboration. «Avant la fin de 2016, j’aurai encore un haut-parleur pour piscine et une baignoire connectée», enchaîne-t-il, intarissable. Une baignoire? Il sourit en martelant sa philosophie: «Je ne veux pas seulement vendre du son, mais apporter du confort et du bien-être à nos clients.»

Parmi lesquels il cite, outre les particuliers, les chaînes hôtelières, mais aussi les établissements de soins et les maisons de retraite. Sa dernière publication promotionnelle cible d’ailleurs ce type de résidence. Au final, ce sont 18 produits liés à l’habitat qu’il entend proposer.

Aujourd’hui, après une petite année d’implantation à Bienne, l’entrepreneur de la région de Nantes est à un tournant. En mai, il va ouvrir le capital de sa société, à hauteur d’un demi-million de francs, «pour créer de l’emploi et financer certains développements».

De 4 à 6 actuellement, le nombre de collaborateurs de Hopman-ST devrait passer à 15, voire 18. Tant pour la production des objets que pour leur commercialisation. Et lorsqu’il parle d’objets, notre homme n’évoque pas les seuls boîtiers transmetteurs de sons. Non, c’est le produit fini qu’il entend mettre sur le marché.

«Oui, nous créons et développons les produits, nous les mettons sur le marché et, ensuite, nous cherchons des partenaires industriels prêts à travailler avec nous.» Des professionnels du second œuvre, principalement, prêts à prendre le relais pour fabriquer, qui des miroirs, qui des faux plafonds, qui des cloisons.  

Détenteur de plusieurs brevets – et sur le point d’en déposer trois nouveaux d’ici la fin de l’année –, Bernard Fradin estime que le temps est venu de «susciter de l’intérêt, y compris en Suisse alémanique». Dans cette perspective, il estime que sa situation à Bienne est idéale.

Laboratoire au Mans

Mais il ne tourne pas définitivement le dos à la France. Il collabore par exemple de manière étroite avec un laboratoire acoustique très renommé situé au Mans. Et ces recherches conjointes lui ont permis de déposer un brevet pour un procédé... antibruit! Paradoxal? Non, pour lui, c’est une évolution logique. Car produire du son dans une salle pleine de réverbération n’a de sens que si on commence par l’assainir.

Imparable. Après cela, seul le silence s’impose.

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