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Horlogerie

Nouvel écrin pour une marque en plein boom

La maison Carl F. Bucherer a réuni sur un seul site ses activités de production. Elle vient d’inaugurer sa nouvelle manufacture à Longeau. Elle a l’ambition de produire 30 000 garde-temps par an.

Le CEO Sascha Moeri veut porter très rapidement la production à 30 000 pièces. Peter Samuel Jaggi

Philippe Oudot

CEO de Carl F. Bucherer, Sascha Moeri était rayonnant, hier, en accueillant les médias venus assister à l’inauguration de la nouvelle manufacture de la maison de haute horlogerie, à Longeau, où travaillent une septantaine de collaborateurs.

Jusqu’à présent, la production manufacturière de la marque était établie à Sainte-Croix, alors que l’assemblage, l’administration et le service après-vente se faisaient à Longeau. La maison horlogère appartient à la famille Bucherer, de Lucerne, qui possède quelque 25bijouteries de luxe en Suisse, mais aussi en Allemagne, en France et en Autriche.

«Il y a une année et demie, nous avons eu l’occasion d’acquérir ce bâtiment de trois étages, qui appartenait à Gucci, dans lequel nous louions un niveau. Cela nous a permis d’y concentrer toutes nos activités. Nous en avons aussi profité pour repenser tous les flux de production, afin de les optimiser», a expliqué Sascha Moeri.

C’est que la marque est en pleine expansion. En 2009, la maison horlogère produisait environ 6400 montres par an. Trois ans plus tard, elle en fabriquait 17000, et l’an dernier, elle a passé le cap des 25000! Une augmentation qui s’est accompagnée d’une modification de la structure des collections: «En 2008, 80% des quelque 6000 montres produites étaient des modèles homme. Aujourd’hui, nous avons déjà bien rééquilibré les choses puisque les modèles dame représentent désormais 40% de notre production.»

À la limite des capacités
«Avec la structure qui était la nôtre, nous avions atteint le maximum de nos capacités. Désormais, grâce à notre nouvel outil de production, notre objectif est d’arriver très vite à produire 30000 pièces», a-t-il poursuivi. Et de préciser que contrairement à d’autres marques, la maison a pour habitude d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés…

Au niveau des marchés, la manufacture de Longeau génère 40% de son chiffre d’affaires en Asie. L’Europe arrive en deuxième position, avec 30%, suivie des Etats-Unis, à 20%. Quant aux 10% restants, ils se concentrent sur le Moyen-Orient et le reste du monde, a précisé Sascha Moeri.

Flambant neufs
Concrètement, les locaux ont été entièrement réaménagés et adaptés pour les besoins spécifiques de la production. Ainsi, l’étage inférieur accueille la recherche et développement, le prototypage et toute la partie manufacturière où sont usinés les composants.

C’est là que sont conçus et fabriqués les calibres maison, qui représentent aujourd’hui environ 5000 pièces par an: le A1000 et le tout nouveau A2000, dévoilé cette année à Baselworld. De par sa conception, ce dernier permet d’intégrer divers modules additionnels. Le niveau intermédiaire du bâtiment abrite le stock, le service après-vente, ainsi que les salles de formation pour le personnel de vente. Enfin, toute la partie assemblage, controlling et expédition se situe à l’étage supérieur.

Comme l’a rappelé le CEO, Carl F. Bucherer avait lancé son premier mouvement entièrement manufacturé A1000 en 2008. «C’est un calibre haut de gamme, que je comparerais à une Ferrari. Après trois ans et demi de recherche, nous avons introduit cette année notre A2000.» Poursuivant sa métaphore automobile, «ce serait en quelque sorte notre Mercedes, c’est-à-dire un mouvement haut de gamme, mais dont la conception permet une production industrielle».

Il résiste à 5000 G
Chef de la manufacture, Philippe Roehrich a précisé que ce tout nouveau mouvement respectait l’ADN de la marque, et en particulier son fameux rotor périphérique, ce qui permet d’admirer toute la finesse du mouvement depuis le fond transparent. Il a subi les tests très sévères, notamment de résistance à des chocs de 5000G. «Atitre de comparaison, les astronautes sont soumis à des accélérations de… 11G!», a expliqué Philippe Roehrich.

Dans le parc de machines qui assurent la production des calibres maison, il a aussi présenté un robot destiné à placer les rubis et autres goupilles sur la platine. Un robot à la précision exceptionnelle, puisqu’il est capable de placer ces composants avec une tolérance de quatre microns. Qui plus est, cette machine est ultrarapide: elle place ces divers éléments en trois minutes et demie, alors qu’il faut environ une heure à un horloger pour effectuer cette opération à la main.

S’agissant de l’atelier d’assemblage, le chef de la production Daniel Uebelhart a indiqué que le local était légèrement surpressurisé, ce qui permet d’éviter au maximum que des poussières ne pénètrent dans la salle. «Aujourd’hui, c’est indispensable pour une marque haut de gamme comme la nôtre.»

De son côté, Sascha Moeri a rappelé que les garde-temps de la marque se déclinaient en cinq collections. A savoir Manero, Patravi, Adamavi, Pathos et Alacria. Des collections qui sont chacune conçues avec des pièces allant de l’entrée au très haut de gamme, couvrant ainsi une gamme de prix à partir de 3000 à 100000 fr. et plus. «Cette structure nous permet d’absorber les chocs, par exemple si les ventes sont moins bonnes dans un segment de prix», indique-t-il.

Il observe également que la distribution varie selon les marchés. «Aux Etats-Unis par exemple, le modèle Patravi Traveltec fait un tabac, mais pas du tout en Asie où il est perçu comme trop massif et trop lourd.»

Lucerne, une valeur sûre
Carl F. Bucherer n’a pas hésité à investir quelque 10 millions de francs dans son appareil de production. Mais n’est-ce pas très risqué, alors que les exportations horlogères sont en net recul depuis de longs mois? «Non», rétorque le CEO, qui assure que la marque continue de cartonner. Et si elle a un tel succès, c’est aussi parce qu’elle peut profiter de l’aura que lui confère son origine lucernoise.

«Pour nous, Lucerne est un élément très important en termes de marketing, car le nom de la ville est connu partout dans le monde», a souligné Sascha Moeri.

La marque a d’ailleurs profité de ce nouveau départ pour rafraîchir son logo en mettant bien en évidence le nom de Lucerne, ainsi que 1888, année au cours de laquelle Carl Friedrich Bucherer ouvrit son premier atelier dans la ville des bords du lac des Quatre-Cantons.

«Si Lucerne joue un rôle très fort dans notre communication, 1888 également, en particulier en Chine où le nombre 8 est considéré comme porte-bonheur. Alors imaginez trois fois 8! Ne pas en tirer profit, ce serait comme gagner le jackpot au loto et renoncer à aller le chercher!»

La manufacture dispose d’un parc de machines très performantes. Peter Samuel Jaggi

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