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Les phares 5/5: Aquitaine

Cordouan, «Le phare des rois»

Bâti il y a plus de quatre siècles, Cordouan est le plus ancien phare de France en activité.

La silhouette oblongue du «Versailles des mers» se dresse fièrement, à 7 kilomètres des côtes girondines et charentaises. Jean Guichard

Le Verdon

Kessava Packiry

De loin, il paraît si petit, presque insignifiant. Mais une petite heure en bateau permet de réviser complètement ce jugement. Parce qu’une fois à ses pieds… wouah! Le souffle coupé, on s’incline devant ce colosse magnifique, qui trône sur son estran rocheux, à 7 kilomètres des côtes girondines et charentaises. Ainsi donc voici Cordouan, «le phare des rois, le roi des phares».

Prouesse architecturale réalisée il y a plus de quatre siècles, Cordouan est aujourd’hui le plus vieux phare de France encore en activité, et l’unique phare en mer ouvert à la visite. Et c’est le plus beau du monde, à en croire même les Bretons, pourtant pas en reste question phares. Classé monument historique, en lice pour le Patrimoine mondial de l’Unesco, qu’a-t-il donc de plus que les autres? Sa Chambre du roi en sol de marbre – qui n’a jamais accueilli aucun monarque? Sa chapelle au deuxième de ses six étages, une rareté?

Il semble y avoir plus que ça. «La première fois qu’on y vient, on a envie d’y revenir. Et quand on y revient, on a envie d’y rester.» Serge Andron sait de quoi il parle: il a été le gardien de Cordouan durant trente-cinq ans, et le dernier au service de l’Etat français à prendre sa retraite, en 2012.

Il se souvient parfaitement, comme il le raconte dans un livre retraçant sa vie à Cordouan, de la réaction de sa jeune épouse lorsque, manœuvre aux phares et balises, il s’était vu proposer un remplacement comme gardien. Elle lui avait alors rétorqué: «Pour deux jours ça va, mais pas plus!»…

Il veut une œuvre royale
Sans doute les prédécesseurs de Serge Andron ont-ils ressenti le même envoûtement. Cordouan doit ses origines à Henri III, qui confie à l’architecte Louis de Foix la construction d’un phare, pour sécuriser l’estuaire de la Gironde. Le roi ne veut pas d’une simple tour de feu. Il réclame une œuvre «royale».

Malgré les guerres de religion, malgré la mort d’Henri III, le projet se poursuit. Avec Henri IV, qui reprend le flambeau. En 1611, après vingt-cinq ans de travaux, la lumière jaillit de Cordouan. Balayé par les vents, fouetté par les puissantes vagues de l’Atlantique, le «Versailles des mers» subira plusieurs restaurations au fil des siècles, sous Louis XIV et Napoléon III notamment.

La dernière en date remonte à 2010, et devrait s’achever en 2021, en plusieurs étapes, sans que cela ne porte préjudice aux visites. Des visites – 20000 personnes par an – qui ne se font qu’à marée basse, de Pâques à la Toussaint, par bateau.

«Et n’oubliez pas de prendre de vieilles espadrilles ou des chaussures de plage. Les roches peuvent être glissantes et coupantes», avait prévenu Magali Pautis, du Syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde (Smiddest), qui assure depuis 2010 la gestion du phare de Cordouan pour le compte de l’Etat.

Que du bonheur
C’est également le Smiddest qui gère le gardiennage du monument. Par équipes de deux, en se relayant toutes les deux semaines – une semaine durant la période hivernale – les gardiens assurent l’entretien du phare tout en guidant les touristes durant leurs visites. Ils savent bien qu’avec les technologies actuelles, le phare n’a plus guère de raisons d’être.

«Mais que reste-t-il après le GPS, s’il tombe en panne? Les étoiles?… De toute façon dans la région, personne n’accepterait de ne plus voir la lumière du phare. Elle fait partie de notre quotidien, de notre patrimoine», insiste Lionel Got.

Recruté en 2010, formé par Serge Andron, ce Charentais qui œuvrait dans le cognac a opéré un virage à 180degrés dans sa vie, à l’âge de 54 ans, lassé de voir les promesses professionnelles rester vaines. Et il ne le regrette pas. «Avant de prendre mes fonctions, j’avais tenu à me mettre dans la peau d’un touriste, pour me souvenir plus tard de ce que pouvaient ressentir tous ces visiteurs que j’accueillerais ensuite.»

Aujourd’hui encore, Lionel Got l’affirme: «Certains gardiens préfèrent la solitude de la période hivernale. Moi j’affectionne les mois touristiques. Accueillir ces personnes émerveillées par la beauté du lieu me procure un grand bonheur».

Cette série a été réalisée avec le soutien d’Atout France et de ses partenaires locaux. Elle a en outre bénéficié de la contribution du photographe français Jean Guichard, renommé pour ses images de phares, distingué notamment pour sa célèbre série sur le phare de la Jument, prise en pleine tempête.

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