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Le commando de Saint-Denis était prêt à «passer à l’acte»

La police a tué, hier, au moins deux terroristes dans un appartement «conspiratif». Le mystère règne à propos du commanditaire présumé des attentats

À Saint-Denis, les forces de l’ordre ont mené une opération de grande envergure, des snipers se cachant même sur les hauteurs d’une basilique. Keystone

Christophe Cornevin

Après l’épouvante, l’assaut final, puis la sidération. Depuis cinq jours, la traque hors norme menée pour neutraliser les complices des sept kamikazes qui ont frappé le cœur de la région parisienne, avec un bilan encore provisoire de 129 morts identifiés, devait déboucher sur l’interpellation de deux «cibles prioritaires» en cavale. A savoir Salah Abdeslam et un neuvième kamikaze, tous deux impliqués dans les fusillades qui ont ensanglanté les terrasses des cafés des Xe et XIe arrondissement. Il n’en a rien été.

C’est un extravagant nid de terroristes, l’un des plus venimeux que la France n’ait jamais abrités en son sein, qui a été mis au jour en plein quartier historique de Saint-Denis, à moins d’un kilomètre du stade de France, visé par trois opérations suicides. La cellule était composée de sept islamistes, vraisemblablement passés par les camps d’entraînement de l’Etat islamique, qui a revendiqué les attaques.

Au moins deux sont morts, dont la première femme kamikaze à périr sur le sol français. Cinq ont été interpellés, après avoir été «extraits» de force par les unités d’élite ou retrouvés tapis dans les décombres de leur appartement transformé en Fort Chabrol. Parmi eux pourrait figurer, à la stupeur générale, Abdelhamid Abaaoud, inspirateur ou commanditaire présumé des huit attaques coordonnées en 33 minutes.

Analyse ADN en cours

Fossoyeur, puis sergent recruteur de l’Etat islamique avant d’être érigé comme une figure emblématique du djihadisme européen, celui qui s’affichait dans les images de propagande sous le nom guerrier d’«Abou Omar al-Baljiki» serait venu en personne s’installer aux portes même de la capitale pour superviser les équipées barbares.

S’il ne figure pas au nombre des gardés à vue, son empreinte ADN est en cours de comparaison avec les échantillons génétiques prélevés sur les cadavres et débris de corps des terroristes neutralisés hier soir.

La chasse à l’homme s’est accélérée mardi soir, lorsque, a révélé le procureur de la République de Paris, François Molins, «beaucoup de travail a été effectué et a permis d’obtenir par la téléphonie, les surveillances et les témoignages des éléments qui pouvaient laisser penser que le nommé Abaaoud était susceptible de se trouver dans un appartement conspiratif, à Saint-Denis».

Surplombant une rue piétonne du centre-ville, l’immeuble vétuste où sommeille la cellule islamiste a été cerné dans la nuit. Le siège, tenu par 70 superflics du Raid pendant de plus de sept heures, a été émaillé d’épisodes d’une violence inouïe. Sur place, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve a évoqué «des conditions jusqu’à présent jamais rencontrées».

Armes de guerre

Alors que les unités d’élite progressaient dans les étages, deux hélicoptères survolaient le quartier, qui se transformait en scène de guerre. Les façades blanches de l’immeuble assiégé étaient balayées par la lumière de puissants projecteurs et les faisceaux des rayons lasers d’une demi-douzaine de tireurs d’élite postés sur les toits.

«Nous savions qu’il y avait trois personnes sans doute équipées d’armes de guerre, dont a priori Abaaoud et une femme kamikaze, retranchées dans l’appartement situé au troisième et dernier étage», raconte Jean-Michel Fauvergue, patron du Raid.

A 4h16, l’assaut a été déclenché lorsque les policiers ont tenté de faire sauter la porte. Le blindage de celle-ci ayant résisté, l’effet de surprise n’était plus dans le camp de la police. Embusqués, les terroristes ont commencé à faire parler leurs kalachnikovs, ouvrant un feu nourri sur les colonnes des policiers qui ont lancé des grenades assourdissantes pour «sidérer» leurs adversaires.

«Pendant des dizaines de minutes, des centaines de coups de feu ont été tirés coup par coup et en rafales sur mes fonctionnaires», poursuit Jean-Michel Fauvergue. «Bien que protégés par leurs porte-boucliers, cinq d’entre eux ont été blessés par des balles, des éclats ou des ricochets à la main, au bras, dans les jambes ou encore dans le bas du dos...»

Vers 4h45, le Raid a interpellé trois islamistes. Après une fusillade de forte intensité, les terroristes ont continué de tirer de manière plus sporadique. Sans discontinuer, ils se sont relayés pour ne jamais interrompre le feu. A l’occasion d’une brève accalmie, un maître-chien du Raid a reçu l’autorisation de lâcher Diesel, sa chienne d’attaque de race berger malinois. Mais l’animal a été mortellement fauché par un tir de gros calibre.

Passé 7 heures, l’un des snipers a neutralisé un des forcenés qui tirait en rafales. «La femme s’est fait sauter toute seule dans l’appartement, en espérant que la force de l’explosion nous touche», explique le patron du Raid.

Cachés sous des gravats

Au prix d’une interminable progression méthodique dans les décombres susceptibles d’être piégés, les policiers du Raid ont gagné jusqu’au plus près les lieux de la fusillade avant de maîtriser les ultimes forcenés vers 11 heures. Au total, trois terroristes ont été interpellés dans les étages, deux autres ont été découverts alors qu’ils se cachaient sous un inextricable fatras de gravats et de vêtements ainsi qu’un suspect blessé dans la rue.

Outre Salah Abdeslam et le neuvième kamikaze, un autre objectif est dans le collimateur des enquêteurs: Jean-Michel et son frère Fabien Clain, vétéran du djihadisme qui apparaît dans un enregistrement de revendication des attentats par l’Etat islamique. «Grâce à une logistique d’ampleur minutieusement mise en œuvre», selon le procureur de la République, François Molins, «les terroristes étaient programmés dans une logique jusqu’au-boutiste».

«Tout laisse à penser que le commando neutralisé à Saint-Denis pouvait passer à l’acte» pour un nouvel attentat, a ajouté le haut magistrat. A l’instar de tous les responsables de l’antiterrorisme, il n’ignore pas que la guerre contre djihad en est à ses débuts. Le Figaro

 

François Hollande appelle les Français à ne pas céder à «la surenchère»

François Hollande a appelé, hier, à «ne pas céder aux tentations de repli», «à la peur», «aux excès» ni «à la surenchère», après les attentats de Paris. Il a ajouté que toutes les précautions étaient prises pour l’accueil des réfugiés, autres victimes de l’Etat islamique.

L’opération antiterroriste menée hier à Saint-Denis, au nord de Paris, «nous confirme une fois encore que nous sommes dans la guerre, une guerre contre le terrorisme qui lui-même a décidé de nous mener la guerre», a déclaré le président dans un discours devant les maires des villes françaises.

«Par la terreur, Daech (réd: acronyme arabe du groupe Etat islamique) veut instiller, par ses propres tueries, le poison de la suspicion, de la stigmatisation, de la division», a-t-il mis en garde.

Polices municipales

Le président a ajouté que des polices municipales, complémentaires de la police et de la gendarmerie, pourront être équipées avec des armes du stock de la police nationale. En France, les 3900 polices municipales ne sont en principe pas armées.

La dissolution des lieux et groupes faisant «l’apologie du terrorisme», facilitée dans le cadre de l’état d’urgence par un projet de loi présenté, hier matin, en Conseil des ministres, se fera «immédiatement», a aussi promis François Hollande.

Après les attentats, «notre cohésion sociale est la meilleure réponse et notre union nationale en est l’expression. Nous devons être implacables contre toute forme de haine. Aucun acte xénophobe, antisémite, antimusulman ne doit être toléré», a également lancé le président.

Accueil des réfugiés

L’accueil des réfugiés va de pair avec des vérifications pour assurer qu’il n’y a aucun risque pour la France, a par ailleurs assuré François Hollande. «Nous avons à faire les vérifications nécessaires avant d’accepter des réfugiés sur notre sol. C’est ce que nous avons fait et c’est ce que nous allons continuer à faire.»

Le chef de l’Etat a souligné que les réfugiés de Syrie et d’Irak, où des territoires sont occupés par l’Etat islamique, «sont martyrisés par ceux qui nous attaquent aujourd’hui».

Il a confirmé que 30000 réfugiés seraient accueillis en France dans les deux prochaines années.  ATS

François Hollande, «la cohésion sociale est la meilleure réponse» aux attentats. Keystone

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