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L’étude de «Mein Kampf» fait débat en Allemagne

Alors que l’ouvrage d’Adolf Hitler va tomber dans le domaine public, la proposition d’étudier à l’école des extraits du livre suscite une vive polémique

«Mein Kampf» «mérite»-t-il des explications ou doit-il absolument être mis hors de portée des jeunes? Tel est le débat qui secoue actuellement l’Allemagne. Keystone

Berlin
Nicolas Barotte

Du bon usage de «Mein Kampf»: alors que le texte xénophobe et antisémite d’Adolf Hitler tombe dans le domaine public le 1er janvier, les professeurs allemands se sont dits prêts à étudier le livre dans les écoles pour «immuniser les élèves».

Sa diffusion était jusqu’à présent strictement interdite. «Mieux vaut que la présentation de «Mein Kampf» soit faite par des enseignants chevronnés», a expliqué Josef Kraus, le président de leur association, au quotidien «Handelsblatt», en préconisant l’étude d’extraits de l’édition commentée préparée par l’Institut IFZ de Munich, qui paraîtra le 8 janvier. L’enseignement serait réservé à des adolescents de 16 ou 17 ans, a-t-il précisé.

La ministre fédérale de l’Education, Johanna Wanka, a soutenu l’idée: «Les élèves ont des questions sur «Mein Kampf» et il est bon qu’elles soient discutées en classe», a-t-elle déclaré avant Noël. Elle s’est réjouie qu’une explication scientifique «soit mise à la disposition d’un public large et que les propos de Hitler ne restent plus sans contradiction».

«Pas une bonne idée»

Septante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, «Mein Kampf» appartient toujours aux tabous de l’Allemagne, et la proposition d’étudier des extraits du livre fait polémique, y compris chez les enseignants.

«Introduire «Mein Kampf» comme lecture obligatoire à l’école n’est pas une bonne idée», a expliqué Udo Beckmann, président de l’association Formation et éducation, en rappelant que le nazisme occupait déjà une part importante du programme scolaire.

Les professeurs peuvent faire appel à «toute sorte de sources historiques», a-t-il ajouté.

«Il n’y a pas de place pour «Mein Kampf» dans les écoles», a assené plus clairement encore le ministre de l’Education bavarois, Ludwig Spaenle, au «Münchner Merkur». En Allemagne, l’éducation est une compétence des Länder.

Disponible sur internet

«Ce livre représente encore aujourd’hui une blessure profonde pour de nombreuses personnes», a ajouté Ludwig Spaenle. Certaines associations juives ont déploré l’usage de l’ouvrage dans les écoles, qui conduirait à «relayer» même involontairement les thèses racistes de l’ancien dictateur. Utiliser la «diatribe profondément antisémite» de «Mein Kampf» à des fins pédagogiques serait «irresponsable», a déclaré Charlotte Knobloch, l’ancienne présidente du Conseil central des Juifs d’Allemagne.

En Allemagne, le souvenir des atrocités du nazisme s’accompagne d’une intransigeance ferme vis-à-vis de l’extrême droite. Les autorités de Bavière, qui détiennent les droits du livre jusqu’à la fin de l’année, ont promis de continuer à poursuivre pour incitation à la haine raciale tous ceux qui voudraient imprimer l’ouvrage après le 1er janvier.

«Mein Kampf» est pourtant facilement disponible sur internet et publié officiellement dans de nombreux pays. Même le travail des historiens de l’Institut IFZ – 2000 pages d’analyses minutieuses – a fait l’objet d’une polémique: après avoir soutenu financièrement le projet, le gouvernement de Bavière s’est retiré. L’intention des historiens est pourtant de déconstruire point par point le discours raciste d’Adolf Hitler.

«Nous voulons qu’il soit cerné», a tenté de résumer d’une image le directeur de l’IFZ, Andreas Wirsching. Pour Christian Hartmann, qui a supervisé l’édition, rien n’aurait été pire que de laisser «Mein Kampf» être réimprimé sans contradiction. «Ce livre fait appel à l’émotion, à la peur et à la haine. Nous lui opposons des milliers de faits précis», explique-t-il. «Mein Kampf, une édition critique» sera publié à 4000 exemplaires. Le Figaro

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