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Mariage campagnard à Ambaotavo

Amalgame original d’Afrique, d’Asie et d’Europe, la Grande île a développé des traditions surprenantes.

  • 1/8 Cortège après l’église. (Bernard Schindler)
  • 2/8 Modeste, Muzella et Vatomandry sur l’estrade. (Bernard Schindler)
  • 3/8 La danse malgache.(Bernard Schindler)
  • 4/8 Le défenseur du marié. (Bernard Schindler)
  • 5/8 Pour régaler les invités, chez la mariée. (Bernard Schindler)
  • 6/8 La dot de la mariée. (Bernard Schindler)
  • 7/8 L’église luthérienne où six couples sont bénis. (Bernard Schindler)
  • 8/8 Ambaotavo, le complexe scolaire et chapelle catholique financés par la Sicile à gauche, les églises réformée et luthérienne au centre. (Bernard Schindler)
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Bernard Schindler

Les communes sont fusionnées de longue date, à Madagascar. Celle d’Antsahalava comprend plusieurs fokontanys, petits villages, hameaux, et Ambaotavo est l’un d’eux avec ses trois églises, à une centaine de kilomètres de la capitale Antananarivo et une dizaine à l’est de la N7, la grande route du sud. Les gens cultivent le Haut-plateau, pays des Mirnes, prononciation locale des Imerinas à la lointaine origine asiatique. Dès qu’il y a assez d’eau, le riz est roi. Modeste Randriamitantsoa, 20 ans, paysan et épicier, veut épouser Vatomandry Heriniajna, 19 ans. Les parents semblent d’accord, mais tout n’est pas si simple, il faut sauver les apparences en cet avant-dernier samedi d’août, quand la saison sèche et froide tire à sa fin.

Chez la mariée

Le décor à la ferme:  la cour est couverte de bâches légères contre le soleil ou la pluie. Les tables et les bancs s’alignent, des piquets solidement plantés dans le sol, des planches brutes clouées dessus. Les sept marmites fument sur les feux de charbon de bois. La centaine dépassée, les convives s’installent, les mariés ont leur estrade à l’entrée. La dot de la mariée est exposée devant la façade de la ferme: un lit conjugal, deux canapés, un fauteuil, une table, une armoire, la vaisselle avec le seau et le bac à lessive.

Selon la pure tradition, la joute oratoire commence: un ancien de la famille du marié s’efforce de convaincre que Modeste est un bon choix, qu’il sera un mari et un père exemplaire. Une enveloppe gonflée de billets est préparée pour le père de la mariée: il faut «acheter» symboliquement l’épousée, qui d’ailleurs ne vient pas les mains vides, elle est dotée. Un sage côté mariée va répliquer, tenter de mettre en doute les dires précédents. Il est habile, répliques et dupliques volent, le père de Modeste se fâche un peu, le père de Vatomandry va finalement accepter l’enveloppe et prier son défenseur de clore le débat. Personne n’a perdu la face, l’accord est acquis. La collation est servie, il est presque 10h le matin.

A l’église

En cortège, tous marchent vers l’église luthérienne, le choix des mariés, alors que Modeste est catholique. Mais la mixité religieuse ne dérange personne, ici. L’office comprendra une quinzaine de baptêmes, dont cinq d’adultes, et six mariages simultanés. Vatomandry et Modeste, les plus jeunes, contrastent avec les deux fois 67 ans du couple le plus âgé! Les choristes, toutes générations confondues en robes blanches à parements rouges, chantent très bien, comme tous les Malgaches. Fin de l’office, musique au synthé, la sono marche au générateur, il n’y a pas d’électricité au village. Sur le parvis, les mariés font la bise à la cohorte des parents et amis et le cortège se remet en marche vers l’autre bout du village.

Chez le marié

Décor symétrique, une autre tente de fête est prête. Mais on n’y entre pas sans ordre. Les mariés d’abord, qui ont aussi leur estrade au-dessus de la mêlée, avec rideaux de scène et table fleurie. Surprise! On leur amène Muzella, leur fille encore bébé en robe d’organdi aux étoiles d’argent, et personne ne s’étonne. L’un des deux oncles-prêtres catholiques de Modeste explique: la tradition malgache des campagnes voit d’un très bon œil la vérification de la fécondité du couple avant le passage à l’église, où l’on peut prendre alors un engagement irrévocable devant Dieu et les hommes en toute connaissance de cause. La réalité malgache garde quelque distance d’avec Rome. Le repas malgache s’ensuit, monstrueuses marmites de riz, orgie de viande de zébu, de porc et de poulet, en sauce. Le marié a droit au morceau de choix, le haut d’un jambon cuit exprès pour lui. Puis, on décloue deux tables, pour faire place à la danse.

La sono débite en décibels majeurs les airs malgaches et tropicaux, avec quelques chansons françaises au travers. La danse malgache se fait main sur l’épaule, en farandole, avec un meneur ou une meneuse à l’imagination fertile, qu’il s’agit de suivre et d’imiter. La fête écornera largement la nuit.

Le retour

Le voyage à Ambaotavo, il faut le mériter. Hors de la N7, il faut d’abord serpenter entre les piétons, les cyclistes et les charrettes à deux zébus placides et emblématiques qui vont au marché, tout en choisissant finement sa trajectoire entre des fondrières assez profondes pour cacher le dit zébu, les roues du 4X4 en équilibre précaire sur les deux bords du ravin.

A l’œil du vasa (l’Européen), le passage est jugé impossible, mais le conducteur malgache, calmement, choisit la voie du moindre mal, on se cramponne à toutes les poignées et ça passe au millimètre. Aller et retour! Dix kilomètres et 40 minutes plus loin, la N7 déroule son bitume, avec juste quelques nids de poule néanmoins capables de fusiller un amortisseur, si l’on n’a pas mentalement photographié leur position à l’aller.

Le meilleur restera en mémoire: l’extraordinaire qualité d’accueil, la gentillesse des Malgaches et des paysages de rizières en terrasses à couper le souffle.

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