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Plateau de diesse

Affronter la montagne dans le noir

Thibault Trancart, skieur aveugle, et sa guide Manoelle Pauli espèrent bien participer aux Jeux paralympiques 2018.

Le lien fort qui unit Manoelle Pauli et Thibault Trancart: la confiance. Sur la neige ou dans la forêt, les deux skieurs sont sur la même longueur d’onde. Photo: LDD

Chloé Liechti

Deux personnes slaloment en ski. La scène n’intrigue pas plus que cela, hormis le fait que la première possède un haut-parleur dans son dos et que la deuxième la suit uniquement au son de sa voix et de ses instructions.

C’est l’histoire de Manoelle Pauli et de Thibault Trancart. Celui-ci a perdu l’usage de son premier œil à deux ans et du second à 14 ans, des suites d’un cancer rétinien. Depuis deux ans, Manoelle Pauli, originaire du Plateau de Diesse et coach de ski handicap, est les yeux de Thibault. Aujourd’hui âgé de 25 ans, ce dernier souhaite participer aux Jeux paralympiques de 2018. «Il s’agissait d’une blague au départ, se souvient le jeune homme. Lorsque j’avais 14 ans, un ami me servait de guide et après une belle descente, il a plaisanté en parlant des Jeux paralympiques. De fil en aiguille, c’est devenu plus concret».

Pour réaliser ce rêve de presque toute une vie, Thibault et Manoelle doivent réunir la somme de 14500 fr. Sur la plateforme participative «I believe in you», ils ont déjà réussi à récolter près de 9500 fr. et comptent sur de généreux donateurs pour concrétiser leur projet.

Entraînements intensifs  
«Nous saurons si nous participons aux Jeux en février, explique Thibault Trancart, soit deux à trois semaines avant qu’ils ne débutent». S’il n’y participe pas, ce ne sera pas la fin du monde, mais c’est un objectif qui lui permet d’avancer. «En attendant, on donne tout», déclarent-ils en cœur. Et sinon, il y aura aussi les Championnats du monde, qui se dérouleront en Suisse en 2019.

A quoi ressemble un entraînement hors saison? «Je m’entraîne cinq fois par semaine et je fais surtout du renforcement musculaire et du cardio», précise le sportif. «Il suit un programme intensif qui à quelques différences près ressemble fortement à celui d’un skieur non handicapé», indique sa guide. Quant à elle, elle se concentre principalement sur la mobilité du haut de son corps. «L’année passée, j’ai eu des douleurs intercostales comme je me retournais souvent pour voir où se trouvait Thibault». Cet été, ils skieront sur des glaciers en France, en Autriche et en Suisse et s’entraîneront à Saas-Fee, de septembre à octobre. Les courses, elles, reprendront en novembre.

Quel effet cela fait-il de descendre une piste dans le noir le plus complet? «Lorsque l’on skie en tant qu’aveugle, on ressent plus de sensations, confie Thibault. Sur de la neige fraîche, on a l’impression de voler et la grande différence, c’est qu’on a l’impression de skier très vite, mais souvent, ce n’est pas le cas. La sensation de la vitesse est faussée». Le petit plus: «être un binôme», déclare Thibault. Il ne s’agit plus d’un sport individuel. La confiance est un facteur clé: «Quand on est en haut de la piste, on n’a pas le choix, on doit la descendre et pour cela, il faut faire confiance à son guide. Si on n’a pas confiance, on se crispe et on ne prend pas de plaisir».

Un sport d’équipe  
«Je suis hyperadmirative de Thibault, avoue Manoelle. Je ne serais pas sûre de réussir à accorder ma confiance comme il le fait». Le grand avantage de Thibault: il a appris à skier lorsqu’il possédait encore la vue.

A Chamonix, la station où il skiait étant enfant, il connaît toutes les pistes par cœur. Ce qui, malheureusement, n’est pas le cas, lors de compétitions et il doit alors se fier aux instructions et au haut-parleur de Manoelle, qui lui permet de savoir dans quelle direction se trouve sa guide. A la question de savoir si Thibault avait un bon niveau de ski, Manoelle rit «il est Genevois». Le jeune homme savait descendre n’importe quelle piste, mais il a dû revoir les techniques de base. Ironie du sort, Thibault n’était pas très sportif lorsqu’il était encore voyant. Aujourd’hui, son ouïe a remplacé ses yeux. «Des fois, quand la neige est très dure, les bruits du ski recouvrent en partie le son du haut-parleur de Manoelle, pareil pour les grosses rafales de vent. Il faut alors trouver d’autres stratégies et skier de manière plus rapprochée». Qu’importe son handicap, Thibault est la preuve vivante que la seule force de ses rêves permet de déplacer des montagnes et d’en descendre les pentes aussi.


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