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Vote du 24 novembre

"Ce vote? Un devis sans engagement!"

Pour Vincent Charpilloz, directeur de la PME Hélios A. Charpilloz SA, cette 1re étape n’aura pas d’impact immédiat sur l’économie, mais elle en aura si un nouveau canton voit le jour.

Vincent Charpilloz, entouré des portraits de son arrière-grand-père Alfred Charpilloz et de son épouse.

Philippe Oudot

Si le scrutin du 24 novembre est avant tout une question de cœur, cette échéance pourrait aussi avoir, à plus long terme, un impact sur l’économie de la région. Directeur de l’entreprise Hélios A. Charpilloz SA, Vincent Charpilloz en est convaincu. «Pas dans l’immédiat, bien sûr, car la mise en place d’une constituante n’est qu’une étape, mais si le projet aboutit et conduit à la création d’un nouveau canton, l’économie de la région ne pourra qu’en bénéficier», estime le jeune entrepreneur.

Il en veut pour preuve l’évolution positive de l’économie jurassienne depuis l’entrée en souveraineté du canton du Jura. En cas de création d’une nouvelle entité cantonale, il constate que la proximité du pouvoir politique serait positive – «si tant est que la politique puisse avoir un impact sur l’économie. Cette proximité permettra sans doute d’influencer les variables de l’économie régionale de façon bien plus marquée que ce n’est le cas aujourd’hui dans le canton de Berne, où le Jura-Sud ne pèse pas très lourd.»

Promotion plus ciblée

En matière de promotion économique par exemple, poursuit-il, il sera plus facile de mener des actions ciblées pour promouvoir cette région dont le tissu économique est bien homogène. Il observe en tout cas que de par son économie plus diversifiée, le canton de Berne a d’autres pôles économiques prioritaires.

Mais cette homogénéité n’est-elle pas aussi dangereuse, dans la mesure où le tissu économique de la région est très sensible aux aléas conjoncturels? C’est vrai que l’économie de la région jurassienne, très largement orientée vers l’exportation, connaît régulièrement des hauts et des bas, admet Vincent Charpilloz. «Mais le canton de Berne, qui est moins industriel, ne se porte pas mieux que le Jura… D’ailleurs, les autorités jurassiennes ont bien compris le problème et font de gros efforts pour diversifier le tissu économique du canton, dans le secteur médical et le tourisme par exemple.»

Bâtir du neuf

Contrairement aux partisans du non, qui peignent le diable sur la muraille en affirmant qu’un vote positif plongerait la région dans une longue période d’incertitude, néfaste à l’économie, notre interlocuteur rétorque qu’il n’en est rien. Bien au contraire. «Les entrepreneurs sont des gens indépendants, autonomes, qui sont attirés par la nouveauté. En cas de oui le 24 novembre, une constituante devra mettre en route un nouveau projet, il faudra bâtir du neuf. Cela créera une dynamique dont l’économie pourra aussi profiter. Il n’y a en tout cas aucune raison de craindre une période d’instabilité. La procédure conduisant à la création d’un nouveau canton se fera dans le cadre légal existant, et la région ne sera en aucune façon plongée dans une période de non-droit comme certains le disent. De ce fait, je ne vois pas la moindre raison qui pourrait conduire un investisseur à renoncer à un projet.»

Mais en tant qu’industriel, ne craint-il pas de voir émerger un nouvel Etat à l’administration surdimensionnée, et donc très coûteuse? «C’est vrai que tout entrepreneur souhaite une administration aussi légère que possible. Mais j’observe que sur le plan de l’endettement, le canton du Jura, dont on dit qu’il occupe beaucoup de fonctionnaires, fait mieux que le canton de Berne… Cela dit, ce sera à la constituante, et donc à la population, de dire quel type de services elle attend de l’Etat.»

Le cœur et la raison

S’il milite pour le oui le 24 novembre, Vincent Charpilloz souligne que lui-même et ceux qui l’ont précédé à la tête de l’entreprise ont toujours su séparer les affaires de cœur et de raison. «Côté cœur, notre engagement a toujours été une évidence. Et côté raison, nous nous sommes toujours battus pour le bien de notre entreprise, pour lui permettre de se développer et de prospérer. Très attachés à cette région, nous sommes persuadés que nous pourrions encore mieux défendre nos intérêts et assurer son développement dans une nouvelle entité cantonale.»

Quel que soit le résultat du vote du 24 novembre, la possibilité de votes communalistes risque fort de provoquer l’éclatement du Jura bernois. Un risque pour l’économie? «Non», estime notre interlocuteur, «car les frontières, et a fortiori les frontières cantonales, ne sont pas un obstacle pour les entreprises. Le cadre légal est le même dans toute la Suisse, et faire des affaires avec une entreprise de Delémont ou de Schwyz ne change rien.»

A l’adresse de ceux qui parlent d’une frontière qui se pourrait se créer au Taubenoch,  il fait remarquer que cela n’empêchera en rien le maintien de liens forts avec la région biennoise. Que ce soit dans le domaine de la formation ou de l’économie. D’ailleurs, observe-t-il, en construisant respectivement une nouvelle usine à un jet de pierre de la France voisine, le Swatch Group et la société Sonceboz SA montrent bien que les frontières cantonales ne sont en aucun cas un obstacle pour l’économie.

Une chance extraordinaire

En tout cas, notre interlocuteur estime que le vote du 24 novembre est une chance extraordinaire. Il salue la lucidité des deux gouvernements cantonaux, qui ont pris leurs responsabilités pour permettre à la région jurassienne de dessiner les contours du futur Etat. «En cas de oui, la constituante pourra se mettre au travail. Et si son projet ne convient pas, la population pourra toujours dire non. Ce vote, c’est en quelque sorte un devis sans engagement!», conclut l’entrepreneur.

Portrait express

Hélios A. Charpilloz SA a été fondée en 1882. Cette entreprise est spécialisée dans la sous-traitance dans le domaine de la micromécanique de précision. Implantée à Bévilard, elle occupe 230 collaborateurs. Deux tiers de ses activités sont consacrées à l’horlogerie, le reste se répartissant entre l’automobile et l’électronique. Les produits fabriqués par Hélios sont avant tout destinés à l’exportation, soit directement (automobile, électronique), soit indirectement pour l’horlogerie.

 

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