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Astronomie

«Comme ça, je suis éternel»

Un astéroïde porte le nom de Nicolas Hayek

Après trois ans de «négociations», un astéroïde a été baptisé au nom de Nicolas Hayek Archives

Marjorie Spart

Depuis le 28 juin 2012, Nicolas G. Hayek possède à Bienne un parc à son nom. Un hommage rendu à l’homme – décédé en 2010 – qui a sauvé l’horlogerie suisse et contribué aussi au développement et au rayonnement de Bienne. Une cérémonie officielle en présence de sa famille, d’une partie des employés du Swatch Group et de badauds avait marqué l’inauguration officielle de cette place.
Un autre hommage, rendu un an plus tôt, est presque passé sous silence: en février 2011, l’Union astronomique internationale entérine le nom Nicolashayek pour baptiser l’astéroïde (170162) 2003 FJ2 découvert à Vicques le 23 mars 2003. Afin de mettre cet événement en lumière – et surtout les péripéties qui ont entouré ce baptême – Michel Ory en fait un joli et détaillé compte-rendu dans les «Actes 2012»* de la Société jurassienne d’émulation paru ce printemps.

Mémorable visite

Michel Ory réside à Delémont et enseigne la physique au Lycée cantonal à Porrentruy. Mais il est surtout président de la Société jurassienne d’astronomie et responsable de l’appellation de cet astéroïde du nom de Nicolas Hayek. Dans un texte de quelques pages, il relate sa rencontre avec feu le big boss de l’horlogerie – lui aussi un passionné d’astronomie – et les trois années de négociations avec le Comité pour la nomenclature des petits corps célestes qui ont suivi. Ce comité étant le seul habilité à officialiser le baptême des nouveaux astéroïdes découverts.
Et Michel Ory de narrer la visite de Nicolas Hayek, le 6 mars 2008, à l’observatoire de Vicques. Une visite organisée par le canton du Jura qui désirait mettre sur pied une journée de promotion du canton. Et pour faire bonne impression, un des organisateurs de cette journée indique à Michel Ory que le Comité consultatif des Jurassiens de l’extérieur allait «offrir à Nicolas Hayek un astéroïde à son nom».
Le hic? Cette démarche ne se fait pas en deux jours. D’une part, seule la personne qui découvre un nouvel astéroïde peut proposer un nom de baptême et, d’autre part, cette proposition, dûment justifiée doit être adressée au comité international ad hoc. Un processus qui prend au minimum quatre mois. «Lorsque Nicolas Hayek visitera l’observatoire, il n’aura pas «son» astéroïde», s’énerve Michel Ory en expliquant aux organisateurs de cette manifestation que le temps manquait...
Le jour de la visite, ce dernier délivre un diplôme «provisoire» au président du Swatch Group, visiblement ému par cette attention. Il a même déclaré: «C’est le plus beau cadeau provisoire que j’ai jamais reçu. Je n’oublie jamais que nous sommes tout petits, sur une toute petite planète, dans un tout petit système solaire, dans un univers énorme. Et puis soudainement, on me fait cadeau de mettre mon nom dans un astéroïde, qui peut-être survivra 100 ou 200 millions d’années. Comme cela, je suis éternel, comme Victor Hugo.»
Michel Ory rédige donc une demande en bonne et due forme au comité international de nomenclature. Pourtant, celui-ci refuse à trois reprises d’appeler cet astéroïde du nom du célèbre inventeur de la Swatch. Un an plus tard, Nicolas Hayek s’enquiert de la situation et convie Michel Ory à un dîner pour tenter d’y voir plus clair. Ce dernier déclare que c’est au comité de trancher, qu’à son niveau, il ne peut rien faire d’autre... Dans le comité siègent une majorité d’Américains, ce qui pousse Nicolas Hayek à dire qu’il s’agit alors «d’une mesure de rétorsion contre le Swatch Group qui ne vend plus de quartz à l’armée américaine».

Une rencontre inoubliable

Son salut – ou plutôt celui de ce corps céleste encore sans nom –, Nicolas Hayek le doit à ses bonnes relations. En apprenant que la présidente du comité pour la nomenclature des petites planètes, Jana Ticha, est tchèque, Nicolas Hayek prend contact avec l’ambassade du même pays et «négocie» l’appellation de sa petite planète, contre une conférence à Prague que lui réclamait depuis longtemps le président du pays.
Le comité revoit alors sa position sur l’appellation de l’astéroïde Nicolashayek. En février 2011, celui-ci est officiellement entériné comme nom de baptême. Mais il n’est décerné qu’à titre posthume à Nicolas Hayek, qui s’est éteint le 28 juin 2010 à l’âge de 82 ans.
Michel Ory garde surtout en mémoire les deux heures et demie qu’il a passées en tête-à-tête avec l’un des hommes les plus influents du monde, à parler «des astéroïdes, de leur nomination, des comètes, du fer dans les étoiles, de l’origine de l’univers, des trous noirs, de la place de Dieu, de la naissance de l’Homme... Une rencontre inoubliable.» £
*«Actes 2012» de la Société jurassienne d’émulation, Delémont, 2013.www.sje.ch

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