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Caisses à savon

Des régionaux parmi les meilleurs pilotes

«Victime» d’une couverture médiatique insignifiante, ce sport reste peu connu. Pourtant, les régionaux sont à la pointe: deux frères de Plagne sont vice-champions d’Europe et c’est un citoyen de Péry qui est président de la Fédération nationale.

Malgré une pointe à 101 km/h à Trois-Ponts, en Belgique, les frères Noverraz, de Plagne, n’ont pu faire mieux «que» vice-champions d’Europe. LDD
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Dan Steiner

Dans les catégories side-car et bob-car, la C5 et la C6, destinées aux 16 à 99ans, le passager est respectivement appelé le singe et le sac de patates. On est sympa, en speeddown. Speeddown? Le nom officiel d’un sport qu’on désigne le plus souvent par «courses de caisses à savon». Et pourtant, ces deux membres de l’équipe sont primordiaux pour être le plus rapide à dévaler la pente et réaliser le meilleur chrono.

A ce petit jeu-là, les régionaux ne s’en sortent pas trop mal. Le président de la Fédération suisse, le citoyen de Péry Matthias Bellaud, est multiple champion d’Europe dans différentes catégories (voir l’encadré). Les frères Noverraz, de Plagne, sont, eux, devenus vice-champions continentaux pour la première fois en juillet dernier.

A Trois-Ponts, à environ 50km au sud de Liège. Soit à 30 minutes en bob-car. Oui, car pour signer le deuxième temps –en cumulant les deux meilleures manches, sur trois–, Damien, le pilote-freineur, et Jonathan, son sac de patates, ont atteint les 101km/h sur le parcours. Ils n’ont, bien sûr, pas rejoint Liège à bord de leur bolide de 320kg, les pistes étant généralement longues de 2km.

«Il est rare de se blesser»
Des têtes brûlées, les deux menuisiers de 29 et 25ans et leurs concurrents? «Il est rare de se blesser», rassure Damien. «Le règlement est assez strict et impose des longues manches, un casque et un arceau de sécurité (réd: derrière la tête du passager, mais pas dans toutes les catégories)», énumère-t-il.

Et pour les jeunes, c’est minerve obligatoire. Ouf. Bon, les deux frangins avouent tout même, un sourire en coin, s’être «retrouvés sur le toit» en début de saison. «Les freins n’ont pas fonctionné...» Quelques rayures sur les ailes de leur bob et quelques bleus, tout au plus.

Le faire soi-même? 4000 heures de boulot
Heureusement pour... leur bob-car. Car un petit bolide comme ça est souvent construit à la main par son équipage. Celui du Team Noverraz, c’est 4000 heures de boulot. Vous pouvez aussi en acheter un pour 3000 euros en Italie ou en République tchèque, mais généralement, les adeptes préfèrent les bricoler eux-mêmes. C’est aussi ce qui explique l’anonymat de la discipline. «Il faut savoir bricoler, avoir un atelier, se lever tôt, aimer les trajets en voitures», sourit Damien Noverraz.

Eux ont ces chances. Mais les modifications devant être apportées sur les bolides sont régulières. Elles se font même sur les conseils des concurrents et en s’observant. Le speeddown, c’est un peu une grande famille. Et on tâtonne un peu. «Chaque année, on discute entre nous. On fait des retouches, mais on ne sait jamais si elles vont marcher», rigole Jonathan. «Et puis, bon, c’est tout de même mieux de gagner avec ce qu’on a créé. C’est une récompense pour ce travail.»

Entraînements clandestins
Sur les pentes belges, les deux frangins n’ont pas triomphé, mais chaque course est une occasion, plutôt rare, d’assouvir une passion transmise par leur père. Qui lui-même avait débuté avec son paternel. «On s’entraîne discrètement en descendant jusqu’au village.» Promis, on dit rien. Mais c’est vrai que c’est difficile. «Il y a peu de relève...», déplorent les Noverraz. «Il faut que les gens viennent voir les courses!»

Damien et Jonathan en organisent à Plagne et celle de Sornetan a cessé, mais pourrait refaire surface. Sonceboz, Moutier et Tavannes en étaient également le théâtre, en leur temps. Le Jura bernois et le pays s’y prêtent d’ailleurs bien. «Ce qui est bien en Suisse, c’est qu’on a de tout, niveau parcours.» Et surtout d’excellents pilotes.

 

«J’ai toujours aimé ‹grailler›. C’est une maladie»

PRÉSIDENT PAR HASARD «Je ne fais pas grand-chose de nouveau, niveau boulot. Pas plus que lorsque j’étais délégué technique.» Enfant d’Yverdon, débarqué à Bienne à 4ans et désormais citoyen de Péry, Matthias Bellaud (photo Reto Probst) est désormais président de la Fédération suisse de speeddown. Un peu par hasard, vous l’aurez compris. Comme Raynald Richard –par ailleurs maire de Monsmier, l’homme à tout faire de ce sport en Suisse– ne pouvait pas cumuler les casquettes de président des instances internationale et nationale, c’est lui qui a été «parachuté» là.

«Les discours, ce n’est pas mon truc. J’attends du renfort en restant ‹derrière› pour faire tourner la chose...», glisse Matthias Bellaud, dans son atelier d’Orpond, qu’il loue pour entreposer son matériel et quelques caisses à savon. On décidera en assemblée si un volontaire veut bien reprendre le flambeau. «Sinon, je resterai encore une année à ce poste», lâche-t-il avec l’air de celui qui se sacrifie pour l’équipe.

Comme de coutume dans ce sport, les dirigeants sont également en piste quand ils ne contrôlent pas les tracés ou la sécurité, comme le fait justement Matthias Bellaud avec les organisateurs des courses. A son actif, il ne possède pas moins de trois titres européens en carrioli et «beaucoup» en side-car. En bob-car, il n’a toutefois jamais remporté le titre continental, échouant derrière le Fribourgeois Rolf Oswald, son... pilote en carrioli. Quand on vous disait que le speeddown était une grande famille.

DÉFOULOIR Pour collectionner ces titres, il faut dire que celui qui est employé dans une entreprise de Malleray a, comme les frères Noverraz, commencé tôt. Comme eux, c’est son père qui l’a fait tomber dans une caisse quand il était tout petit.

«Il m’en avait acheté une pour 500 fr. Je passais mon temps à démonter, grailler. J’ai toujours aimé bricoler, je n’arrête pas, c’est une maladie», se marre-t-il. Cela lui change un peu de son travail de précision. «Dans l’horlogerie, il faut être minutieux, là je peux me défouler avec un marteau, c’est un contraste qui fait du bien.»

Et l’avenir de son sport, comment le voit-il? «Le gros problème: on manque de bénévoles. A Sornetan, on m’a dit qu’on voulait bien réorganiser une course si on en trouvait.» Comme partout, avis aux bonnes âmes...

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