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Bienne

«Je fais un break»

Cédric Némitz quittera le Conseil municipal à la fin décembre. Il se livre à l’exercice du bilan après huit années intenses et parfois épuisantes.

Plus dans les écoles et pas dans les églises, Cédric Némitz va réfléchir sur sa future carrière. lee knipp

Par Jérôme Burgener

Cédric Némitz quitte ses fonctions à la fin de l’année. L’occasion pour lui de jeter un regard en arrière sur ses huit années passées en tant que directeur de la Formation, de la culture et du sport de la Ville de Bienne.


Cédric Némitz, pouvez-vous décrire Bienne en un mot?
Je dirais sauvage. Dans le sens de libre. Cette ville offre des possibilités que l’on ne trouve nulle part ailleurs, justement parce que les Biennois se montrent souvent un peu ingérables. Je dis ça positivement. Cette ville permet aux projets de se développer, sans forcément les ranger dans des compartiments trop étroits.


Un mot pour décrire vos deux législatures?
Progrès. Parce que cela a toujours été mon objectif durant mes huit années en tant que conseiller municipal. L’important n’est pas forcément de réussir tout ce qu’on entreprend mais de progresser. Un peu, beaucoup, passionnément. Je pense que Bienne a avancé dans de nombreux domaines. Dans son image, son dynamisme, dans les écoles, dans la culture, etc.


Qu’est-ce qui fonctionne bien en Ville de Bienne?
L’esprit d’initiative. Bienne est une ville ouvrière qui possède un esprit d’entreprise. Jolie formule, non? Dans notre ville, ces projets sont rendus possibles, notamment grâce au soutien des autorités. On peut parler de la Gurzelen par exemple, mais il y en a bien d’autres. Cet état d’esprit vient probablement du passé économique de Bienne: on fait confiance aux gens quand ils viennent avec des idées nouvelles.


Et qu’est-ce qui ne fonctionne pas?
L’ambition, j’oserais dire. Ici, on cultive un goût prononcé pour la modestie, la discrétion, le pragmatisme. Alors parfois, les choses manquent d’envergure, de classe. Je pense qu’on sortirait gagnant à se mettre plus en valeur, dans tous les domaines.


Quelle est votre plus grande réussite en huit ans?
Nebia et la rénovation du théâtre Palace. Ce fut une grande lutte mais nous avons réussi à transformer une salle de cinéma médiocre en salle de théâtre de grande qualité. Une autre grande fierté personnelle, c’est l’état d’esprit que nous avons insufflé dans les écoles. Les différents partenaires travaillent désormais en bonne collaboration. Ils discutent. Il y a des interactions constructives entre les parents, les enseignants et les autorités.


Et votre plus grand échec?
Certains projets de développement d’institutions culturelles n’ont pas évolué comme je l’espérais. J’aurais aussi voulu que le bilinguisme s’installe  mieux dans les écoles monolingues. Mais pour le reste, je dois avouer que beaucoup de projets lancés par ma direction ont pu aboutir. C’est un succès collectif. Le soutien des équipes est décisif. Mais aussi l’ouverture de mes collègues et du Conseil de ville.


Au début de vos mandats, vous aviez mis en avant votre volonté de donner plus de places à la culture alternative. Il a quand même fallu attendre la fin de ceux-ci pour voir du concret...
Je vais vous dire pourquoi. Pour être efficace, un conseiller municipal ne peut pas être tout seul. Pour avancer dans ce type de dossier, il faut d’autres paramètres que ma seule présence et il y a eu des manques. Si vous faites allusion à «Parlons culture!» (réd: des tables rondes à propos de la politique culturelle à Bienne, lancées en 2014), je pense que le bilan n’est pas si mauvais. Nous avons réalisé trois quarts des idées avancées. Cela a pris du temps et je comprends très bien que des personnes ont été déçues. De plus, devant certains défis, le but a toujours été de ne pas créer des batailles entre les institutions ou les différents domaines artistiques. Je suis très heureux de ne pas avoir vécu de guerre interne dans la culture.


Vous jonglez avec plusieurs départements (formation, sport, culture, troisième âge). Est-ce un jeu complexe?
C’est ce qui fait tout l’intérêt de ce poste. J’ai cherché le fil conducteur qui les relie et  c’est l’égalité des chances qui me semble jouer un rôle central. Nous sommes là pour soutenir la population, pour l’inviter à participer à la vie de cette ville.


Beaucoup d’écoles ont été rénovées durant votre mandat. La situation était grave avant votre arrivée?
Bienne souffrait d’un grand retard au niveau des investissements dans ce domaine.
De plus, la ville a dû faire face à une véritable explosion du nombre d’élèves ces dernières années. Il y avait donc un besoin urgent de construire de nouvelles classes. Le Conseil municipal a donc décidé d’augmenter les ressources malgré les difficultés financières. Le budget a été doublé et les projets ont pu démarrer. Avant ces rénovations, les écoles se démenaient dans la sinistrose, avec un sentiment d’abandon. Je me souviens d’une discussion, en début de mandat, avec ma collègue des travaux publics. Je lui avais alors dit:«votre direction va travailler à 80% pour la nôtre». Ensemble, nous avons finalement réussi à gérer les besoins.


Ces projets ont parfois été critiqués du point de vue des coûts. Faut-il dépenser sans compter lorsqu’il s’agit des écoles?
Non… Non… Non. Il ne faut pas dépenser sans compter car si on le fait, nous ne pourrons pas assumer des investissements indispensables ailleurs. En même temps, quand on construit pour l’école et la formation, je trouve qu’il faut le faire avec une certaine qualité.
Si on construit une école, on construit un monument qui doit durer cent ans. Le défi est toujours de trouver le bon équilibre entre la qualité et le contrôle des coûts. Et je sais que réaliser un bâtiment qui affiche de bons standards est aussi une préoccupation du côté de la direction desTravaux publics.


Le thème des écoles est très émotionnel. Un projet est donc impossible à refuser?
La population et beaucoup d’élus pensent, à juste titre, que ce thème est une priorité par rapport à d’autres dossiers.  La formation est la base de notre société. L’éducation bénéficie d’un très fort soutien à Bienne et j’y ai peut-être contribué. Mais il faut que chaque franc public soit géré avec parcimonie. Nous surveillons donc de très près les budgets des écoles, sans tomber dans une logique de déversoir. Après huit ans, nous avons réussi à montrer que les écoles biennoises sont crédibles et que l’argent dépensé est parfaitement justifié.


Quel département vous a apporté le plus de satisfaction?
Vous me demandez de choisir entre mes enfants. Je parle toujours de mes écoles, mes musées, mes clubs de sport, mes homes. Je suis heureux d’avoir eu du plaisir dans chaque département. C’est un honneur d’avoir pu soutenir tous ces domaines qui, d’ailleurs, impliquent beaucoup de bénévoles.


Vous léguez une direction saine?
Oui je le pense. Franchement, l’organisation est bonne et nous avons maintenant des gens de qualité dans tous les services. Ces collaborateurs partagent l’idéal d’un service public en soutien à la population et n’agissent pas avec une logique bureaucratique.


Si tout va si bien, votre départ après deux mandats relève un peu du mystère?
Il n’y a aucun mystère. Plusieurs éléments m’ont conduit à cette décision. Premièrement, j’ai changé de poste tous les 8 ou 10 ans dans ma vie. Je l’ai dit à mon arrivée. Quand la répétition s’installe, j’estime que l’expérience doit s’arrêter. Mais c’est toujours subjectif et j’ai hésité à rempiler pour un nouveau mandat. Ensuite, ce poste est très astreignant. Je me suis beaucoup engagé, j’ai donné énormément. Il est bon alors de changer d’équipage avec quelqu’un qui renouvelle l’engagement. Plus pragmatiquement, si je me lançais pour quatre ans supplémentaires, j’atteindrais un âge auquel il serait difficile de trouver un défi intéressant. Enfin, être conseiller municipal n’est pas le sens absolu de ma vie. C’est un honneur d’être arrivé à cette fonction mais je ne me suis jamais dit:«J’y suis, j’y reste». Certaines polémiques, que j’estime injustes envers ma personne, ont également joué un rôle.


Plusieurs personnes se posent la question:qu’allez vous faire après ces deux mandats?
Je fais un break. Je vais prendre du temps pour me reposer et faire un bilan. Je ne prends aucune option pour la suite. Néanmoins, je quitte la vie politique active. Cela veut dire que je ne serai plus candidat, ni au niveau national, ni cantonal. De toute manière, j’estime qu’aujourd’hui mon profil ne correspond plus tellement aux attentes des électeurs qui préfèrent plutôt des femmes ou des jeunes.


Vous aviez quand même candidaté, sans succès, pour la présidence du Conseil synodal des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure?
C’était un honneur et une chance de tenter cette aventure. Mais je m’y suis un peu lancé en tremblant, étant donné que la dynamique est vraiment similaire à celle du Conseil municipal biennois. J’ai d’ailleurs entendu quelque avis allant dans ce sens-là.

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