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Jean-Jacques Rousseau comme guide

Le philosophe genevois y a vécu durant six semaines il y a tout juste 250 ans. Son séjour reste encore un argument de vente majeur pour les acteurs touristiques

Avec ses vignes, ses champs et son abondante végétation, l’île Saint-Pierre est restée préservée. Pedro Rodrigues

Stéphane Devaux

«De toutes les habitations où j’ai demeuré (et j’en ai eu de charmantes), aucune ne m’a rendu si véritablement heureux et ne m’a laissé de si tendres regrets que l’île de Saint-Pierre au milieu du lac de Bienne.» Cette citation, tirée de la «cinquième Promenade» des Rêveries du promeneur solitaire, en dit long sur la place prise par ce court séjour de six semaines en terre bernoise, du 12 septembre au 25 octobre 1765, dans l’âme de Jean-Jacques Rousseau.

A tel point que 250 ans plus tard, les instances touristiques de la région, compagnie de navigation en tête, continuent de «capitaliser» sur le séjour du philosophe genevois pour attirer les visiteurs. Mardi, Thomas Erne, directeur de la BSG (Bielersee Schifffahrt), a emmené une petite délégation de journalistes en «pèlerinage».

Vêtue telle une bergère du 18e siècle, jupe tilleul, manches en dentelles et chapeau de paille orné de plumes, Barbara Wernli, guide et historienne, s’est chargée de les remettre dans l’ambiance de cette fin d’été 1765.

L’île comme refuge

«Pour Rousseau, l’île Saint-Pierre, c’était comme un refuge, loin de la société des hommes», souligne-t-elle, en rappelant que l’auteur d’Emile, qui a 53 ans à l’époque, est un homme en exil depuis trois ans, soit depuis que le Parlement de Paris a condamné cet ouvrage à être brûlé. Et son auteur à être jeté en prison.

Persona non grata sur le territoire de Berne, il a vécu trois ans à Môtiers, dans la principauté de Neuchâtel alors sous l’autorité du roi de Prusse. Mais ses relations avec les pasteurs neuchâtelois se sont tellement dégradées qu’il a dû une fois de plus prendre la fuite...

Chambre modeste

Sur la petite île, qui en est encore une au 18e (c’était avant la correction des eaux du Jura), il cherche à retrouver la paix de l’âme au contact de cette nature qu’il chérit tant, à une époque où elle paraît plutôt hostile aux gens de la bonne société.

Il se passionne pour la botanique, ambitionne de répertorier l’ensemble des espèces végétales de l’île, saison après saison. Il aspirerait même à y passer le reste de ses jours. Les autorités bernoises, qui lui signifient son expulsion, en décideront autrement.

«Aurait-il écrit sa cinquième Promenade s’il était resté sur l’île Saint-Pierre toute l’année, dans la brume et le froid?» s’interroge aujourd’hui Barbara Wernli, après avoir présenté la chambre, ma foi plutôt modeste, où il a séjourné ces quelques semaines.

Nous sommes alors dans l’ancien cloître, bâtiment principal de l’île, prieuré clunisien du XIIe au XVe siècle, devenu par la suite propriété de la Bourgeoisie de Berne, ce qui est encore le cas de nos jours. Venu d’Allemagne avec son épouse Silke Groh, Peter Sperner exploite l’hôtel et le restaurant qui s’y trouvent. Comme Rousseau, il a trouvé sur ce bout de terre son coin de paradis.

Il suffit de l’écouter évoquer les nuances de bleu et de vert entre l’eau et les arbres pour se rendre compte qu’il s’y sent bien. «Mais il faut avoir un rapport particulier à la nature», prévient-il. Suffisamment étroit, en ce qui le concerne, puisque depuis quatre ans, il vit à l’année sur l’île, bien que l’hôtel ne soit ouvert que de mars à octobre.

Aussi à pied

Certes, tous les visiteurs qui accostent sur l’île Saint-Pierre (entre 40 et 50 000 par an grâce aux bateaux de la BSG, sans compter tous ceux qui viennent à pied ou à vélo depuis Cerlier, via le chemin des Landes) n’y viennent pas pour marcher dans les pas du philosophe genevois.

Il n’empêche: avant même la publication des Rêveries, en 1782 (soit après sa mort, en 1778), nombreux ont été ceux, comme Goethe, qui ont voulu voir de leurs propres yeux le petit paradis où, comme il l’écrit lui-même, «j’allais volontiers m’asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché».

La douceur du paysage, le clapotis de l’eau et les efforts consentis pour faire de cet espace,  sous protection depuis les années 1970, une zone préservée donnent presque à chacun le droit de se prendre encore pour un «promeneur solitaire».

Visites en costumes

Plusieurs événements en lien avec les 250 ans de la visite de Rousseau sur l’île Saint-Pierre auront lieu cette année.

Les 20 septembre et 4 octobre, une visite guidée en costume est prévue, en allemand (13h30) et français (15h).

Le 9 octobre, la BSG reprendra son dîner-théâtre Rousseau (uniquement en allemand) sur le bateau et sur l’île même, pièce écrite par l’auteur biennois Benedikt Loderer.

Le 5 septembre, un cours de photographie «sur les traces de Rousseau» sera organisé sur l’île. Enfin, toute l’année, sur la croisière des Trois-Lacs, possibilité de profiter  d’une offre audio pour tout savoir sur l’île.

Attention, ces prestations sont payantes. Infos complémentaires sur www.lacdebienne.ch ou auprès de Stefan Gurtner, responsable marketing (stefan.gurtner@bielersee.ch)

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