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Bienne

«La culture de l’apéro a disparu»

La foire aux vins Vinifera se tient jusqu’à dimanche au Diamond Event Hall. Les défis sont nombreux pour les négociants notamment à cause de la concurrence des grands distributeurs et la vente sur internet

Hans-Rudolf Biedermann du magasin Le Vin. photos Tanja Lander

Julien Baumann

Découvrir les nouveautés, trouver la bonne bouteille à un prix raisonnable ou tout simplement partager un verre et discuter, la Vinifera est le rendez-vous incontournable des amateurs de vin de la région. Si au niveau national la consommation de vin est à la baisse ces dernières années selon les chiffres de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), les quelques négociants rencontrés à Bienne cette semaine sont plutôt confiants.

Pour les petits commerçants, l’inquiétude numéro 1 reste encore et toujours la concurrence des grandes surfaces. «Ils ont du vin de qualité à des prix comparables aux nôtres», explique Hans-Rudolf Biedermann, propriétaire du magasin Le Vin à Bienne. «La grande différence est qu’ils peuvent proposer régulièrement de gros rabais. Mais c’est ainsi. Nous ne sommes pas les seuls concernés, tous les marchés sont soumis à la concurrence.»

La Vinifera est une bonne vitrine pour les négociants biennois. photos Tanja Lander

Fin de la culture de l’apéro

Pour survivre à la pression des grands distributeurs, le conseil personnalisé peut s’avérer être une arme efficace. Christine Haas, propriétaire de la Cave des gourmets à la rue de Morat soigne cet aspect. «La clientèle apprécie le contact. Nous organisons des dégustations et nous essayons d’entretenir des rapports moins anonymes entre le client, le négociant et le producteur.» Hans-Rudolf Biedermann se montre réaliste lorsqu’on évoque un possible retour en force du commerce de proximité. «Certes, cela peut jouer un rôle, mais je comprends les personnes qui n’ont pas besoin de conseils et qui veulent faire leurs propres choix.»

Une autre commerçante présente à la Vinifera parle de son côté de changements de société. Propriétaire de la vinothèque et du bar à vin la Cave des anges à la rue Centrale, Karin Engel explique avec le sourire que «la culture de l’apéro à midi a presque disparu ces 10 dernières années. Les gens sont devenus plus sérieuxl.» Collaborateur de Karin Engel durant la foire, Daniel Mischler ajoute que«les employés n’ont plus le temps de faire de grandes pauses. Les habitudes ont changé».

Internet et franc fort

La grande évolution qui pourrait faire encore plus d’ombre aux commerces locaux spécialisés dans le vin est la vente en ligne. Les négociants appréhendent ce changement chacun à sa manière. Christine Haas ne dispose par exemple toujours pas de site internet.

«Il faudra bien qu’on se mette à la page car ça marche bien pour la jeune génération. Nous avons quand même un avantage: il est impossible de déguster les vins sur internet.» Karin Engel se montre elle plus sceptique sur ce dernier point. «Nous ne sommes pas à l’abri de servir des personnes qui viennent goûter du vin, prennent une photo de l’étiquette, avant d’aller chercher une meilleure offre sur internet.»

Hans-Rudolf Biedermann a de son côté investi récemment dans un shop en ligne. «C’est difficile de voir quel est l’effet réel sur mon chiffre d’affaires. Le point positif est que certains clients vont sur le site, se renseignent et puis passe directement au magasin.

Il faut faire avec cette évolution, mais je ne miserais pas tout dessus.» L’abolition du taux plancher entre le franc suisse et l’euro en janvier dernier a aussi une influence pour les négociants qui importent de nombreux vins de l’étranger.

Christine Haas assure qu’elle a immédiatement pu répercuter la différence sur ses prix. «Presque tout mon assortiment a connu une baisse», explique-t-elle. Autre son de cloche chez Karin Engel qui explique «n’avoir presque rien changé» depuis le début de l’année.

Karin Engel de la Caves des anges. photos Tanja Lander

La France moins en vogue

Les quelques commerçants interrogés à la Vinifera s’accordent à dire que le prix reste un facteur déterminant pour les clients.

Ces derniers rechercheraient en majorité des bouteilles qui coûtent entre 10 et 30 francs. Au niveau des provenances, les vins d’Espagne et d’Italie sont apparemment très appréciés. «Je mise sur ces deux pays depuis 24ans», assure Hans-Rudolf Biedermann. Le constat est le même chez ses deux concurrents biennois.

Par contre, les crus produits en France n’ont visiblement plus la cote. Selon le propriétaire du magasin Le Vin, «ce n’est plus tellement en vogue». De l’avis de Christine Haas: «Les vins français n’ont pas un bon rapport qualité prix.»

Un sentiment partagé par Karin Engel même si elle s’efforce malgré tout de faire découvrir certaines productions hexagonales à sa clientèle. «Il y a aussi des vins de qualité qui sont abordables. Nous importons surtout du Côtes-du-Rhône et de domaines du Languedoc-Roussillon.» Ce constat dressé à la Vinifera ne se confirme pas vraiment par les chiffres. Dans son bulletin annuel, l’OFAGnote que les vins de l’Hexagone sont encore les deuxièmes plus consommés en Suisse, derrière les Italiens et devant les Espagnols.

On notera encore cette information surprenante et tout à fait dans l’air du temps glanée au détour d’une conversation. Le vin a la particularité d’être un très bon indicateur des changements climatiques. «Davantage de soleil et de chaleur engendre des fruits plus sucrés. Après la fermentation, ils ont donc une teneur en alcool plus importante», explique  Christine Haas. «Et nous constatons clairement que les vins ont  gagné plus ou moins un degré d’alcool supplémentaire comparé à il y a dix ans.»

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