La tour de la Champagne infernale

Didier Nieto

L’incertitude et l’inquiétude ont envahi la maison-tour de la Champagne. Au début du mois, les locataires ont reçu une lettre angoissante de la Caisse de pension de la Ville de Bienne, le propriétaire de l’immeuble. Elle stipule que des traces d’amiante ont été découvertes à l’intérieur du bâtiment. Conséquence: les 72 appartements pourraient être évacués si le propriétaire décide d’entreprendre des travaux de désamiantage. Les contrats de bail seraient résiliés d’ici fin juillet et les résidents devraient quitter les lieux d’ici fin mai 2016 au plus tard. «Pour l’instant, nous n’avons pas encore pris de décision. Mais je crois que c’est inévitable. Maintenant que nous connaissons le problème, nous ne pouvons pas fermer les yeux», reconnaît Robert Savary, gérant de la Caisse de pension.

«Consternation et colère»

Une annonce qui suscite «la consternation, la colère et l’inquiétude des locataires», témoigne André Vuille. Le conseiller de ville PPB habite depuis cinq ans au 8e étage de la tour. L’élu fustige un délai de résiliation beaucoup trop court. «Il y a de nombreuses personnes âgées qui vivent ici, certaines depuis plus de 30 ans. Et trois personnes sont en chaise roulante. Pour elles, c’est très compliqué de devoir déménager. Une voisine m’a confié qu’elle ne dormait plus depuis plusieurs jours.» Avec quelques locataires, André Vuille a créé une communauté d’intérêts pour défendre la cause des résidents. Il a aussi exigé que la Caisse de pension organise une séance d’information en présence de l’architecte. «Dans la lettre que nous avons reçue, il n’est même pas question de la possibilité de réemménager à la fin des travaux en 2018. Je trouve que ce n’est pas très professionnel», reproche le parlementaire.

«Situation extrême»

Selon Robert Savary, la procédure de résiliation est tout à fait légale. Mais la Caisse de pension reconnaît cependant que la situation est «extrême». «Nous n’avons pas le choix. Un désamiantage impliquerait de trop gros risques pour la santé des habitants. Il nous faudrait donc évacuer l’immeuble.» Tant que les travaux n’ont pas commencé, les locataires ne courent cependant aucun danger: les particules d’amiante sont encastrées, prisonnières des murs et des carrelages.

La Caisse de pension se penchera toutefois sur la question d’un prolongement du délai de résiliation. «Mais l’état des conduites intérieures est précaire. Selon nos spécialistes, nous ne pouvons pas attendre des années avant d’entreprendre l’assainissement», prévient Robert Savary.

En cas d’évacuation, la Caisse de pension s’est engagée à aider les locataires à retrouver un logement. «Nous discuterons avec le Département des immeubles de la Ville pour voir s’il y a des appartements disponibles», assure le gérant.

Mauvaise surprise

Sise à la rue du Faucon et culminant à plus de 50 mètres, la maison-tour de la Champagne est le plus haut bâtiment de Bienne. Inaugurée en 1972, elle a été rachetée par la Caisse de pension en 1997. Depuis, l’immeuble de 18étages n’a subi aucune rénovation importante. En raison de  l’état des façades et de fuites dans les conduites d’eau, le propriétaire a décidé l’année passée d’assainir l’édifice. Estimés à environ 15millions de francs, les travaux auraient duré 18mois et n’auraient pas nécessité l’évacuation des résidents.

Les analyses préliminaires effectuées en mars ont contrecarré ces plans. Des traces d’amiante ont été détectées dans les couloirs, les cages d’escaliers, les cuisines et les salles de bains. «Nous n’avons pas été surpris de trouver de l’amiante dans les façades, car c’était un matériau fréquemment utilisé dans les années 1970, avant qu’il ne soit interdit. En revanche, nous ne nous attendions pas à en découvrir à l’intérieur des appartements», relève Robert Savary. Un désamiantage de l’ensemble du bâtiment coûterait à lui seul entre 600000 et 700000 francs.