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Reconvilier: meeting UDC

«Le sport est une caisse à outils pour la vie»

Pour sa soirée électorale, l’UDCJB avait convié hier soir un hôte de marque, à savoir l’ancien conseiller fédéral Adolf Ogi. L’orateur a retracé son parcours de vie, de Kandersteg à New York en passant par le Jura bernois

Adolf Ogi a su passionner son auditoire par sa gouaille et ses nombreuses anecdotes. Matthias Käser

Philippe Oudot

C’est sous un tonnerre d’applaudissements et aux cris de «formidable!» que les quelque 500 personnes présentes à la Salle des Fêtes de Reconvilier ont accueilli hier soir l’ancien conseiller fédéral Adolf Ogi.

Maniant l’humour, et parsemant son discours d’une foule d’anecdotes, il a retracé son parcours de vie, de Kandersteg à New York en passant par La Neuveville – «un passage déterminant pour le reste de ma vie», a-t-il souligné, insistant sur l’importance de découvrir l’autre culture. Et si la Suisse vit en paix depuis 1848, il a souligné que cela tenait en bonne partie au respect des minorités.

S’agissant de ses diverses fonctions, il a assuré que, de tout temps, il avait toujours eu l’âme d’un chef, d’un leader. Et de souligner qu’un principe a toujours été au cœur de son engagement: «Je crois en ce que je fais, et je fais ce en quoi je crois», a-t-il martelé.

La petite graine

Dans son discours, Adolf Ogi a rendu un vibrant hommage à son père, garde-forestier et guide de montagne. Un homme qui a su lui montrer que quand on veut quelque chose, on y arrive. Il a aussi évoqué son instituteur de Kandersteg. «Il nous expliquait la guerre de Corée ou les décisions du Conseil fédéral. Ça ne nous intéressait pas vraiment comme gosses, mais il a sans doute planté la petite graine de la politique dans ma tête», a-t-il expliqué.

Dans sa fonction de conseiller fédéral en charge des transports, il a évoqué la construction des NLFA, soulignant l’engagement sans faille nécessaire pour faire passer la construction en parallèle du Lötschberg et du Gothard. «Quand on veut quelque chose, il faut en être convaincu. Moi, je devais me battre tous les mercredis lors de la séance du Conseil fédéral, car le grand argentier Otto (Stich) voulait éviter les dépenses et moi, je voulais construire ces deux tunnels, pour 20 milliards de francs!»

L’ancien conseiller fédéral a aussi souligné qu’en politique, il fallait savoir rester modeste. En guise de boutade, il a cité une anecdote, à propos de son ancien collègue Pascal Couchepin. Un jour, prenant le train entre Berne et Martigny, il avait oublié de prendre ses livres avec lui. «Se plongeant dans le quotidien valaisan Le Nouvelliste, il tombe sur un mot croisé. Parmi les questions, il faut trouver le nom d’un ancien conseiller fédéral, en trois lettres. Réfléchissant longuement, il s’exclame, juste avant d’entrer en ville de Lausanne:‹Moi›! Vous voyez, ça relativise notre fonction!», a-t-il lancé sous les rires de la salle.

Question de discipline

Adolf Ogi a aussi évoqué son engagement à la tête de la Fédération suisse de ski. Lors des Jeux olympiques d’Insbruck, la Suisse n’avait remporté aucune médaille. «Une catastrophe! On m’a alors engagé le 1er octobre 1964 comme directeur et responsable de la préparation pour les JO de Sapporo de 1972 au Japon. Il y avait alors des jeunes loups, comme Russi, Colombin et autres. Un jour, nous avions prévu un entraînement de ski à Pontresina. La piste était tracée, mais le temps était si mauvais qu’on ne pouvait pas skier. J’ai alors planifié un entraînement sur la place de la gare de Pontresina. Mais Russi est venu me dire que les athlètes n’en voulaient pas. J’ai voulu montrer qui était le chef et j’ai dit à Russi que s’il voulait devenir champion olympique, il devait accepter ma discipline et que s’il refusait, eh bien, il était licencié. Un quart d’heure après, il est revenu me dire qu’il acceptait ma discipline et ses coéquipiers aussi, et il est devenu champion olympique! Dans son livre, Russi a d’ailleurs écrit qu’il se souvenait de la gare de Pontresina!»

Adolf Ogi a encore rappelé une petite anecdote à propos de la politique des transports de l’UE. Al’époque, Bruxelles voulait que la Suisse construise une autoroute à six pistes au Gothard. N’ayant pas pu convaincre ses partenaires lors de ses voyages dans les capitales européennes, il a donc invité les ministres des transports à Wassen, pour leur montrer qu’il n’y avait tout simplement pas de place dans cette vallée entre l’autoroute, la route cantonale , le chemin de fer et la Reuss. Et pour convaincre le plus réticent, il l’a emmené en hélicoptère jusqu’à Kandersteg en passant devant la paroi nord de l’Eiger, pour l’effrayer. «Ce n’était peut-être pas très diplomatique, mais diablement efficace!»

Avant de clore son exposé, il a appelé à faire esprit d’ouverture, soulignant la nécessité de faire preuve d’éthique en politique. Rappelant les liens étroits de l’économie suisse avec l’Europe, il a plaidé en faveur du maintien des accords bilatéraux. Et de conclure en appelant à s’inspirer du sport en politique «car le sport signifie fair-play, tolérance, discipline, intégration. Ce sont des valeurs indispensables pour avancer!», a-t-il martelé. «Le sport est une caisse à outils pour la vie.»

«Un bon signe pour le 18 octobre!»

Monsieur l’ancien conseiller fédéral, ces dernières années, vous êtes resté un peu en retrait de la politique. Qu’est-ce qui vous a décidé à vous engager à participer cette soirée électorale?
Un ancien conseiller fédéral se doit de rester en retrait, mais quand j’ai reçu cette invitation à venir ici, dans le Jura bernois, je n’ai pas hésité, car je dois beaucoup à cette région, à La Neuveville où j’ai fait mon Ecole supérieure de commerce. J’ai aussi accepté avec enthousiasme, car il est très important que le Jura bernois ait au moins, et peut-être deux représentants au Conseil national le 18 octobre. Alors si ma venue peut y contribuer, eh bien, tant mieux!

Allez-vous participer à d’autres meetings?
Non, cette soirée est la seule à laquelle j’ai répondu favorablement!

La non-réélection de Jean-Pierre Graber, en 2011, avait été ressentie comme un traumatisme dans le Jura bernois. Que faire pour éviter un tel scénario?
Tout dépendra de la mobilisation. Mais quand je vois autant de monde ce soir, c’est tout simplement formidable! Il faudra donc que les gens se rendent en masse aux urnes. Et je crois aussi que la partie alémanique du canton a aussi compris l’importance que le Jura bernois soit représenté. Regardez les élections au Conseil exécutif au printemps 2014. Manfred Bühler y a fait un score extraordinaire, et a même battu le conseiller d’Etat sortant Philippe Perrenoud. C’est un bon signe pour le 18octobre, car on arrive à un tournant.

C’est-à-dire?
Eh bien, parce que si les électeurs de droite se mobilisent, on pourra changer la majorité au Conseil fédéral, et y avoir enfin deux UDC, puisque nous sommes le plus grand parti!

En 2017, Moutier et d’autres communes peut-être vont voter sur leur appartenance cantonale. Quel regard portez-vous sur cette échéance?
Je crois que la façon dont ce processus a été géré a été très bien menée. On arrive bientôt à son terme et il faut maintenant que la population se prononce une bonne fois pour toutes. Mais ensuite, j’attends vraiment de toutes les parties qu’elles acceptent la décision, quelle qu’elle soit.

Propos recueillis par Philippe Oudot

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