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Viticulture

L’elbling parmi les surprises

D’anciens pieds de vigne, ayant souvent plus d’un siècle, ont été redécouverts dans la région des lacs de Thoune et Brienz

AHilterfingen, cet ancien pied de vigne qui pousse contre la façade respire la santé. LDD

Philippe Oudot


La petite région viticole des lacs de Thoune et Brienz – environ 18 hectares principalement plantés de pinot noir et de riesling-silvaner – recèle de très vieux pieds de vigne, et quelques anciens cépages. C’est ce qui ressort de l’appel au public lancé l’été dernier par le Service cantonal de la viticulture (voir ci-dessous). «La région était autrefois un important lieu de passage, et par cet appel, notre objectif était de trouver d’anciens cépages européens», explique Jürg Maurer, commissaire viticole.
La population a bien joué le jeu, puisque le Service de la viticulture a reçu quelque 150 appels, signalant environ 160 emplacements, avec la présence de ceps isolés ou groupés. En tout, une quinzaine de cépages différents ont été identifiés. Dans leur grande majorité, ce sont de très vieux ceps, ayant plus d’un siècle pour la plupart d’entre eux et dont beaucoup poussent le long de façades de maison. Un mode de culture qui offre à la vigne de bonnes conditions de croissance, car la chaleur des murs constitue une sorte de microclimat.

Jamais malade

Comme le souligne Jürg Maurer, un bon tiers de ces vignes sont des cépages robustes créés par l’Alsacien Eugène Kuhlmann, et qui poussent facilement contre les façades. Parmi ceux-ci, le ‹Maréchal Foch›, «un cépage intéressant, car précoce, très résistant, qui pousse même à une certaine altitude, qui n’est jamais malade et ne nécessite quasi aucun traitement. Le seul problème est qu’il a parfois un parfum foxé, c’est-à-dire qui peut faire penser à du pipi de chat» lorsque la vendange manque de maturité.
Parmi les autres cépages découverts, on trouve du ‹Léon Millot›, une autre création d’Eugène Kuhlmann. Mais si ces variétés poussent bien et donnent en général de bons résultats, ce ne sont pas des cépages européens. Pas plus, d’ailleurs, que celui appelé ‹Isabelle›, ramené du Tessin et répertorié à 26 endroits autour des deux lacs oberlandais.
Le Service viticole espérait par ailleurs retrouver trace d’un cépage rouge local appelé ‹Blauer Thuner›, mais sans succès. Jürg Maurer indique qu’en 2005, on en avait retrouvé à Quinten, au bord du lac de Walenstadt. Et de préciser que de récentes recherches en génétique ont démontré que le Blauer Thuner est en fait un cépage qu’on trouve en France sous le nom de peloursin.

Un revenant

Parmi les bonnes surprises figure la découverte d’un plant qu’on croyait disparu, l’‹elbling›, retrouvé à trois endroits. Pour le Service viticole, tout indique que ces pieds proviennent des vignobles originels des rives du lac de Thoune. Autrefois très répandu dans la région, il avait disparu suite aux ravages de différentes maladies et attaques de parasites: mildiou, oïdium et autre phylloxéra. Et l’importation de vins de meilleure qualité et à prix plus avantageux lui avait donné le coup de grâce.
«Cette spécialité régionale donne un vin plutôt acide. Pour éviter une trop grande acidité, il est nécessaire de trier et d’éliminer une partie des grappes. Mais servi frais en été, ce vin très pâle, presque transparent, est très agréable», observe Jürg Maurer. Et d’indiquer qu’une parcelle a été replantée avec ce cépage aux environs de Spiez.

Il y a chasselas et chasselas…

Parmi les cépages annoncés au Service cantonal figurent également des pieds de chasselas, à une trentaine d’endroits. Il s’agit essentiellement de chasselas traditionnel, alors que la présence de chasselas à baies rouges a été signalée en deux lieux. En fait, explique le commissaire viticole, «le chasselas rouge est une mutation, comme le pinot gris ou le pinot blanc sont des mutations du pinot noir. De telles mutations se produisent naturellement, surtout avec de vieux plants. Cela ne concerne d’ailleurs pas que la vigne.» Il suffit alors de greffer ces organismes mutants pour obtenir une nouvelle variété.

Cépages sauvegardés

Inventaire L’appel au public lancé par le Service cantonal de la viticulture s’inscrit dans le cadre du projet de recensement des anciens cépages en Suisse alémanique porté par l’association «arca vitis», et qui est arrivé à son terme. Les anciens cépages seront sauvegardés au jardin conservatoire cantonal de Frümsen (SG), qui compte aujourd’hui plus de 400 cépages différents. Frümsen abrite ainsi l’une des plus importantes collections de cépages en Suisse. Comme le souligne Jürg Maurer, l’appel lancé par le canton a concerné uniquement la région oberlandaise, le recensement dans la région du lac de Bienne – considérée comme faisant partie du vignoble romand – ayant déjà été effectué.

14 Hectares condamnés Aujourd’hui, le vignoble bernois s’étend sur 242 hectares (ha):220 pour le lac de Bienne, 18 pour le lac de Thoune, et les quatre autres ailleurs, notamment à Ins, Aarberg, Ostermundigen et bien sûr Moutier! Jürg Maurer indique que si la surface viticole est stable, 14 ha, qui se trouvent en zone à bâtir, devraient disparaître à moyen terme. Notamment dans la commune de La Neuveville.

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