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La vie loin de tout (8)

Les écoliers tout-terrain des Boveresses

Depuis leur domicile, les trois enfants de la famille Wenger doivent avaler 2,5 kilomètres pour se rendre à l’école des Prés-de-Cortébert. Ainsi, en hiver, ils chaussent parfois les skis de fond!

Les enfants Wenger pratiquent le ski de fond pour leur plaisir, mais aussi parfois pour aller à l'école.
  • Dossier

Michael Bassin

Le Jdj à l'aventure
Comment vit-on quand on habite loin de tout? Qui plus est quand l’hiver s’installe et que la neige s’en mêle? Le Journal du Jura est parti à la rencontre d’habitants du Jura bernois qui résident à distance des commerces, des écoles, des cabinets de médecin, des transports en commun… Au fil de la semaine, découvrez des aventuriers, des férus de liberté ou des reclus volontaires à la recherche d’une forme de tranquillité ou d’isolement. Des débrouillards, assurément.

 

Nils (9 ans), Yann (12) et Mathias (15) Wenger sont des écoliers tout-terrain. Domiciliés sur les hauteurs de Corgémont, ils s’adaptent aux conditions météorologiques –ainsi qu’à leurs envies– pour se rendre à leur école, celle des Prés-de-Cortébert. Pour avaler les 2,5 kilomètres qui les séparent de l’établissement, ils usent d’une foule de moyens de locomotion. Ils s’y sont déjà rendus à pied, en vélo, en trottinette, en rollers, en voiture, en tracteur, en raquettes, en motoneige. Et même en ski de fond lorsque les conditions s’y prêtent, comme avant Noël par exemple. De quoi transpirer durant trente bonnes minutes.

Mathias, l’aîné, ne connaissait d’ailleurs quasiment que ça en hiver lorsqu’il était plus jeune. Dès l’âge de sept ans, c’était son moyen de locomotion par temps de neige. «Je l’accompagnais un bout, puis je retournais à la ferme pour me dépêcher d’amener le lait au camion», se souvient son père Daniel, agriculteur.

Et puis, le vendredi 16 décembre 2011 est survenu un événement qui a limité l’utilisation des skis de fond par la suite. Son nom: Joachim. «Cette violente tempête restera comme un moment marquant», glisse le papa.

Ce jour-là, eu égard aux conditions météo, Daniel amène son fils à l’école en tracteur. Mais une fois arrivés au Pont des anabaptistes, plus moyen de passer, les arbres faisant office de barrage. «Ils tombaient comme des allumettes», se souvient le papa. Bien décidé à rejoindre l’école, Mathias termine le trajet à pied, se couchant à terre lors de fortes bourrasques. «On a ensuite essayé de téléphoner à l’école pour être certain qu’il était bien arrivé, mais la ligne téléphonique était coupée.» De quoi susciter quelques moments d’inquiétudes. Heureusement, Mathias avait vaillamment bravé la tempête. «Reste que cet épisode a fait office de déclic pour trouver un moyen plus sûr d’amener les enfants à l’école en hiver», relate le papa. Depuis, la motoneige s’est ajoutée à la liste des moyens de locomotion.

Vive les métairies!

Comme son fils Mathias, Daniel Wenger se rendait tous les jours en ski de fond à l’école lorsqu’il était enfant. «Par n’importe quel temps», se remémore-t-il. «Si un paquet de poudreuse était tombé durant la nuit, je mettais une heure pour y arriver. C’était parfois pénible. Mais on n’avait pas le choix. On s’habillait et fallait y aller.»

Vivre sur la montagne, Daniel Wenger n’a connu que cela. Et il y voit plusieurs avantages. «On peut ouvrir la porte et laisser les enfants jouer dehors sans grands risques.» Autre point positif: une certaine tranquillité et intimité face au voisinage. Les enfants, eux, disent aimer la vie aux Boveresses «car on peut faire du ski de fond et du vélo, aller en motoneige et se rendre dans les métairies».

Indispensable flexibilité

 Si Daniel et son épouse Sonia ne voient pas d’aspects négatifs pour eux, ils reconnaissent que leurs enfants auraient davantage de contacts en habitant au village. Les garçons acquiescent. Cela dit, la vie à la montagne semble plaire aux trois gars qui n’émettent pas, pour l’instant, le désir de pratiquer un loisir en plaine. «Mais s’ils souhaitent un jour se lancer dans une activité, alors on s’organisera pour les amener», assurent les parents.

La flexibilité, voilà une qualité indispensable, en plus de la débrouillardise, pour vivre sur les hauteurs!

 

Depuis trois générations

Une connaissaisseuse: Chez les Wenger, Daniel (42 ans) est la troisième génération à exploiter la ferme. C’est son grand-père qui, en 1966, y est arrivé en provenance de Grindelwald et un détour de quelques années à Saint-Joseph.
Sonia (37 ans), l’épouse de Daniel, n’a surtout pas été dépaysée en venant habiter aux Boveresses, loin des villages, puisqu’elle a grandi à… Chaluet, entre Court et Saint-Joseph. Et si vivre loin de tout était inscrit dans les gènes?

Au-dessus du brouillard: La ferme des Wenger se situe à 1150 mètres d’altitude. «C’est un lieu souvent ensoleillé. Notamment en automne lorsque les villages sont dans le brouillard. D’ailleurs, beaucoup le savent et viennent trouver le soleil ici», sourit Sonia. Si la présence généreuse de l’astre jaune est offerte aux habitants des Boveresses, celle du vent l’est également tant le site est à découvert.

Contacts à la fromagerie: Dans sa ferme, la famille Wenger pratique la production laitière et l’élevage bovin ainsi que l’engraissement de porcs. Une agriculture de montagne où les rendements ne sont pas les mêmes qu’en plaine, puisque le bétail doit être rentré durant près de sept mois en hiver.
La famille a pris un tournant il y a deux ans et demi en ne livrant plus du lait pour l’industrie mais pour la fromagerie de la Suze, à Corgémont, qui fabrique de la tête-de-moine. Les standards de production sont plus élevés (le bétail doit notamment être uniquement nourri avec du fourrage sec), mais le kilo de lait bénéficie en contrepartie d’un prix plus intéressant pour l’agriculteur.
Cette nouvelle manière de faire a également eu une répercussion plus étonnante. «Depuis que nous sommes en fromagerie, nous avons plus de contacts», relève Daniel Wenger. «Avant, on ne voyait que le chauffeur du camion. Désormais, on rencontre d’autres agriculteurs du village.»

Maman et la cuisinière: A pied, il faut compter environ 40 minutes entre le domicile des Wenger et l’école des Prés-de-Cortébert. C’est donc logiquement que les enfants (comme d’autres de la montagne d’ailleurs) dînent à l’école lorsqu’ils ont cours l’après-midi. Leurs repas? Deux fois par semaine ce sont ceux de maman emportés dans leurs cartables, et deux fois ce sont ceux pris au restaurant de la Cuisinière sis à un jet de pierre de l’école.

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