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milly bregnard

Mère et maire de tous les Tramelots

A la fin de l’année, la grande dame tirera sa révérence. Après avoir placé la barre très haut.

Milly Bregnard, dans son bureau de la mairie: elle ne laissera que des regrets. (Patricia Brenzikofer)

Pierre-Alain Brenzikofer

En politique, dit-on, l’unanimité est rarement de mise. A Tramelan, pourtant, Milly Bregnard l’a frôlée de très près. Oui, après douze ans de bons et loyaux services, Madame le maire peut se retirer avec le sentiment du devoir accompli. Pourtant, avoue-t-elle, elle s’en est venue tard à la politique. Huit ans de Conseil général, quand même, dont sa présidence. Et puis, la mairie à 62 ans, à l’âge de prendre sa retraite. On l’avait déjà reculé  pour les femmes à 63 ans, mais elle a refusé d’en tenir compte.

«Il fallait être un peu folle de passer directement du Conseil général à la mairie, sourit-elle aujourd’hui. Mais j’avais la ferme volonté d’offrir ce poste au Parti socialiste. On parle toujours de Tramelan la rouge. Or, les maires y étaient radicaux depuis 40 ans. Je trouvais cela anormal.»

Elle ne pensait pas forcément passer douze ans au pouvoir. Mais comme ses camarades n’étaient pas prêts il y a quatre ans, elle a remis l’ouvrage sur le métier avec plaisir. Aujourd’hui, elle croit savoir que le conseiller municipal André Ducommun sera seul à briguer sa succession au sein du PSJB. Nul doute qu’il sera combattu.

Milly Bregnard, elle, l’a été à deux reprises: «C’est fort bien ainsi. Le vainqueur acquiert une véritable légitimité.»

Un socialisme intelligent

Revenant sur la longue période radicale, elle note qu’il n’est pas évident pour un ouvrier de devenir maire à 50%, «alors que c’est bien davantage dans la réalité. Les professions libérales peuvent mieux se débrouiller.»

Son credo personnel? «Eh bien, jure-t-elle, on peut être socialiste et défendre l’économie de pied ferme. C’est ce que nous avons fait. Après tout, si on souhaite protéger l’ouvrier, il faut créer ou conserver des places de travail. Cela signifie parfois entrer dans le jeu des patrons qui fournissent le travail. Moi, j’ai toujours cherché une symbiose avec le patronat.»

Milly Bregnard y est d’autant mieux parvenue qu’elle a toujours été le maire de tous.

La passion du théâtre

Sûr, elle ne s’est jamais mise en scène, Madame le maire. Pourtant, elle pratique le théâtre avec assiduité. Tenez! elle a même joué dans «La visite de la vieille dame». Mais pas ce rôle-là! «C’était juste avant les élections et le metteur en scène m’a proposé le rôle du maire. Il m’a dit que j’aurais au moins occupé cette fonction une fois dans ma vie.» L’avenir lui a donné tort. En tout cas, Milly Bregnard ne considère pas que cette dimension théâtrale fut un avantage dans sa fonction à la commune: «Là, je n’ai jamais joué un rôle. Au théâtre, on campe un personnage et on apprend son texte par cœur. On n’improvise pas.»

Bon, elle admet quand même que ce hobby lui a permis d’avoir de l’assurance en public. Quant à ses discours – elle en a deux classeurs pleins, et de fort beaux, Ndlr –, elle y apporte des corrections jusqu’au dernier moment. Rien à voir avec la scène. Une passion qui lui a valu quelques ennuis pendant les heures chaudes de la Question jurassienne: «Quand on fait du théâtre, on est forcément Jurassien pour certains...» Des probernois lui avaient même craché dessus.

Cela dit, elle avoue avoir vécu toute cette histoire assez froidement. Elle n’y a jamais mis de passion. Mais note que d’un côté comme de l’autre, chacun a le droit d’exprimer ses opinions, Heureusement, sa famille n’était pas partagée. Il n’y a donc pas eu de drame. A titre personnel, elle dit s’être toujours bien entendue avec les autonomistes, comme d’ailleurs avec tous les partis politiques: «Il faut savoir retenir les bonnes idées. Peu importe d’où elles surgissent.»

La fusion, ce crève-cœur

Aujourd’hui, elle pense que la page n’est pas tournée et constate que le 24 novembre n’a pas fait du bien: «Quelques fibres de la corde se sont rompues du côté jurassien. Ils nous en veulent beaucoup. Mais le vote était clair et justifié.Personnellement, j’admettrais difficilement qu’on renonce à des collaborations à cause de ce scrutin. Ce n’est pas une raison.» De quoi passer à cette fusion avortée: «Durant mes douze ans de mairie, le seul vote qui m’a fait vraiment mal est celui de Trois-Rivières. Quand nous avons décidé de rentrer dans ce processus, le Conseil municipal était unanime et le Conseil général quasi unanime. Je ne comprends toujours pas comment la population a pu nous désavouer à ce point. Etait-ce le changement de nom? Il faut savoir que si nous n’avons pas de bourgeoisie, beaucoup de Tramelots sont originaires de Tramelan.»

Alors, avec les Theurottes qui n’ont toujours pas avalé le mariage du Dessus et du Dessous...

En son temps, elle nous avait parlé d’une fusion idéale avec Saignelégier. Mais après le 24 novembre... «Pourtant, soutient-elle, nous avons davantage la mentalité des Francs-Montagnards que celle de la vallée de Tavannes ou du vallon de Saint-Imier. Peut-être est-ce une question de climat, d’altitude. Et aussi pour ces sapins que nous aimons tant.»

Son bilan, dans tout ça? Le cas le plus significatif est la création de la société TEI (Tramelan économie industrie SA), qui a permis de construire l’Espace Défi (Développement, économie, formation, industrie) abritant l’entreprise Artecad: «Nous avons sauvé des emplois à Tramelan et nous serions même en mesure de construire un Défi 2».

Tout ces atouts...

Ne manquent que les firmes intéressées. Milly Bregnard avoue à ce propos quelques difficultés: malgré une situation idéale, la présence du CIP et bien d’autres atouts, Tramelan peine à attirer les industriels: «Pourtant, nous leur laissons un choix énorme.Ils construisent ou nous construisons. Et lors des premiers contacts, ils ne tarissent pas d’éloges sur notre situation.»

Un mystère total, donc.

A part ça, Tramelan représente le seul Pôle de développement économique avec Saint-Imier.Un label auquel Madame le maire tient comme à la prunelle de ses yeux.

Mission pas comprise

C’est aussi sous le règne de Milly Bregnard que le premier Centre médico-thérapeutique du Jura bernois a été créé: «Nous avons été la première commune à se soucier de la relève des généralistes», confirme-t-elle. Un projet abouti, notamment grâce à une alliance avec le home des Lovières qui souhaitait s’agrandir. La commune n’est pas partie prenante d’un point de vue financier, mais le résultat est là.

Une déception quand même? «Eh bien, la médecine de jadis n’est plus celle d’aujourd’hui.Je conçois fort bien que les praticiens souhaitent avoir congé le dimanche, par exemple. Mais on pourrait au moins pouvoir miser sur une permanence téléphonique. Visiblement, les intéressés n’ont pas compris la mission qu’on attendait d’eux. Mais nous ne pouvons pas faire plus...»

L’Espace Centre, défi visuel et communautaire

Ce qu’il reste à faire Elle resterait presque à la mairie pour voir aboutir le projet d’Espace Centre, entre la rue Haute et celle de l’Industrie, Milly Bregnard. Un dossier mêlant espace vivant et bâtiments flamboyants, déjà évoqué dans ces colonnes. Mais qui doit faire face à l’opposition de certains propriétaires, dont l’entreprise Vuille et son hangar à côté de la Coop: «Il demande qu’on lui propose une autre surface de 4000 mètres carrés avec un droit de préemption sur 2000 autres. Ce n’est guère évident à dénicher», avoue Mme le maire.

Tout pour les éoliennes En février prochain, le peuple devra se prononcer sur le fameux projet de parc éolien, dossier en faveur duquel Milly Bregnard s’est investie à 200%:«Il va être accepté, j’en suis sûre.Je ne comprendrais pas qu’il en aille autrement, surtout à une époque où on ne veut plus du nucléaire. Nous avons déjà réduit le parc de dix à sept éoliennes et déplacé certaines turbines qui gênaient Les Genevez. C’est un travail de longue haleine. Nous sommes partis un peu tôt, tant il est vrai qu’à l’époque, les instances cantonales et fédérales n’étaient pas encore conscientes de la complexité de tels dossiers.»

En janvier-février, quand elle ne sera plus maire, la future retraitée promet qu’elle prendra du temps pour défendre le projet. On peut compter là-dessus!


En décembre, Milly Bregnard franchira cette porte pour la dernière fois. (Patricia Brenzikofer)

Un camping, enfin Du côté de la piscine, enfin, un camping est en train de voir le jour après 40 ans de galère et le renoncement de deux investisseurs. Pour pouvoir aller de l’avant, la commune a déjà dû récupérer son droit de superficie auprès du dernier.

Et puis, il y a eu ce coup de génie. Demander à Mario Martinez, le très dynamique entrepreneur local, de faire partie de la commission ad hoc. «Il possède déjà un camping en Espagne et s’est lancé à corps perdu dans ce projet. Il s’agissait d’une opportunité à saisir, comme dans le cas d’Artecad et de l’Espace Défi.»

Sûr! avec MarioMartinez, les Tramelots disposent désormais d’un investisseur sérieux et débordant de projets.

Échec aux Reussilles Enfin, Milly Bregnard regrette amèrement que le grandiose projet de site multiloisirs aux Reussilles, à ériger par les professions du bois et lancé par François Vorpe, ait du plomb dans l’aile:«Nous n’avons pas pu mettre la main sur le gestionnaire qui aurait pu s’occuper de la pérennité du site, malgré le magnifique plan réalisé par les apprentis du bois. Cette personne aurait pu y fédérer commerçants et sociétés. Nous nous sommes aussi heurtés à la réprobation unanime des gens des Reussilles, qui ne souhaitent pas de construction sur ce pâturage. Ils oublient que c’est le seul terrain à offrir à la construction. Ils pourraient bien se retrouver avec des maisons d’habitation à la place...»

Cimetière sous la lune

Le préfet tranchera A Tramelan, toutes les paroisses sont favorables à la construction au cimetière d’une morgue avec lieu de recueillement. Pour cela, suite au rejet du projet Vorpe, il faut une modification du règlement.Le préfet devrait trancher incessamment, dit-on. Les mêmes paroisses n’auraient rien contre le projet émanant d’un privé. Et de la commune? «Pour le moment, rien n’est prévu dans le plan de financement, révèle Milly Bregnard. Et si la modification du règlement n’est pas acceptée, nous ne pourrons rien faire...»

Un climat froid et secte?  Dans le village, tout le monde a encore en mémoire le fameux titre du Canard enchaîné. Selon Milly Bregnard, plus question de parler de sectes à Tramelan, tant les communautés se mélangent et se côtoient. Pour ce qui est du climat, c’est différent: «Je dois admettre à mon grand regret que les Tramelots font preuve de froideur par rapport à l’extérieur et à leurs voisins. Ils ont la même attitude à propos de l’aide qu’ils pourraient recevoir de qui que ce soit du dehors. De plus en plus, ils font la fine bouche.»

Comme dans le cas du projet Vorpe au cimetière?

Et pourtant, tout le monde les trouve si solidaires, ces Tramelots! «La seule commune du Jura bernois ou presque qui compte encore de nombreux commerces, constatait dernièrement André Rothenbühler. «D’accord pour une solidarité à 100%, ajoute Milly Bregnard. Mais pas extra muros. D’où l’échec de la fusion.» Madame le maire, elle, s’est engagée dans le plus grand nombre possible d’associations extérieures pour tenter d’inverser la tendance. Et à sa retraite, elle s’investira dans le bénévolat. Ce bénévolat qui permet à la commune d’économiser 410000fr. chaque année!

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