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Cinéma

«On ne peut pas échapper au monde»

L’acteur Carlo Brandt et le réalisateur Pierre Maillard seront mardi au Filmpodium pour présenter «De l’autre côté de la mer», un drame situé en Albanie.

Dans le film, le photographe de guerre interprété par Carlo Brandt décide de vivre reclus après le cliché de trop: celui d’une jeune femme albanaise violée et tuée par des soldats. LDD

Didier Nieto

La fille résiste. Mais les soldats sont trop forts, trop nombreux. Ils l’emmènent. La violent. La pendent. Photographe de guerre, Jean mitraille la scène. Il ne le sait pas encore, mais c’est le drame de trop, celui qui lui fera tourner le dos aux hommes.

Reclus sur la côte italienne, il photographie des arbres pour échapper à ses fantômes. Sa quête végétale l’amène pourtant à traverser la mer, à retourner en Albanie, là où il a pris son dernier cliché. Sa route croise par hasard celle de Mira, une jeune femme qui cherche à fuir son pays et les mœurs patriarcales de sa famille.

Dernier long-métrage du réalisateur Pierre Maillard, «De l’autre côté de la mer» est «une fable dont la morale est simple», explique-t-il: «Quand on veut s’écarter du monde des hommes, celui-ci se rappelle toujours à nous. On ne peut pas le fuir.» Le cinéaste genevois et l’acteur Carlo Brandt – qui interprète le rôle de Jean –seront mardi soir à Bienne pour assister à la projection du film, à 20h30 au Filmpodium. La petite salle alternative propose jusqu’à la fin du mois un cycle consacré aux droits de l’homme.

«Pas un film politique»

Avec la fuite de Mira vers l’Italie, la crise migratoire apparaît en toile de fond dans «De l’autre côté de la mer». «Mais ce n’est pas un film politique. Lorsque le projet a démarré, l’arrivée de réfugiés n’avait pas les proportions bibliques qu’elle a maintenant», indique PierreMaillard.

La vague migratoire a pourtant indirectement joué un rôle dans l’élaboration du scénario. Le réalisateur résidait dans les Pouilles, au sud de l’Italie, au moment où les premiers éléments de son film se mettaient en place dans sa tête. «Chaque semaine, au moins un bateau s’échouait sur une plage dans la région.

Les réfugiés étaient arrêtés par la police. Certains parvenaient à s’échapper. D’autres se noyaient», se rappelle le Genevois. «Au début, je voulais tourner dans un pays en guerre, au Moyen-Orient. Mais ces événements m’ont poussé à aller voir ce qui se passait de l’autre côté de la mer, en Albanie.» Les paysages, les rencontres et les impressions qui jalonnent ses différents voyahes nourrissent son imaginaire.

«L’histoire de Mira est née de ces découvertes. Son destin personnel se mêle à celui d’autres migrants. En cherchant à fuir, elle est prise dans une autre dynamique. On revient à la fable de départ.»

Autre élément central dans le film: les arbres, «une de mes passions», confie Pierre Maillard. Le photographe rencontre Mira alors qu’elle est cachée entre les racines d’un arbre centenaire. «Les arbres symbolisent le pacifisme.

Ils n’envahissent rien et peuvent vivre éternellement s’ils ont suffisamment d’eau et d’air. Cela leur donne une dimension sacrée puisqu’ils maîtrisent ce qui échappe aux hommes: le temps», développe le réalisateur, qui tourne aussi bien pour le cinéma que pour la télévision depuis le début des années 1980.

«Matière humaine»

«De l’autre côté de la mer» est sa première collaboration avec Carlo Brandt, qu’il connaît pourtant depuis près de 40 ans. L’acteur genevois s’est lancé dans l’aventure car elle lui offrait – entre autres – l’opportunité de se plonger dans une terre inconnue: l’Albanie.

Avant le tournage, l’acteur genevois a passé un mois dans une station balnéaire de la côte albanaise. «Elle était surtout fréquentée par des familles locales. J’ai écouté, observé, me suis familiarisé avec la langue et les habitudes.» Un séjour qui lui a rappelé l’Italie des années 60, «à la différence que tout  le monde avait un téléphone portable à la main!»

Cette immersion dans la culture albanaise qui lui a servi pour cerner son personnage. «Entrer dans un rôle, c’est entrer dans une matière humaine. Cela demande de s’ouvrir aux autres et de prendre du temps pour y parvenir», explique le comédien, qui adhère à la morale du film. «On n’échappe pas au monde, quel que soient nos certitudes», précise-t-il.

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