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Mariage

Nom: monsieur a dit oui

Le pasteur de Corgémont n’a pas changé, si ce n’est de nom. A l’occasion de son union, il a opté pour le nom de famille de son épouse. Un choix possible depuis 2013, mais plutôt rare.

Alors que la possibilité existe, rares sont les hommes qui se marient à opter officiellement pour le nom de leur épouse. Photo:Pixabay

par Nicole Hager

Le 24 juillet dernier David Giauque a épousé Lara Kneubühler. Une union tout ce qu’il y a de plus traditionnel, à la différence que le couple a choisi de donner la priorité au nom de famille de Madame. Ainsi, David Giauque et Lara Kneubühler sont devenus Madame et Monsieur Kneubühler.
Alors que les derniers changements en matière de droit du nom permettent au marié de prendre le nom de famille de son épouse, peu y souscrivent (lire ci-contre). L’an dernier, en Suisse, sur les 38974 mariages célébrés, la tradition l’a emporté très nettement. A cette occasion, 26760 femmes ont changé de nom pour celui de leur mari, alors que seuls 929 hommes adoptaient le patronyme de leur conjointe.

Faire bouger les lignes
Comment expliquer une telle disproportion? Au service communication de l’Office de la population du canton de Berne, on avance que, actuellement, une majorité de jeunes mariés tendent à privilégier «une tradition de longue date selon laquelle la femme devait, de par la loi, prendre le nom de famille de son époux». Une législation qui permet pourtant désormais d’autres options. La réforme du droit du nom, entrée en vigueur en 2013, prévoit que chaque marié et mariée puisse garder son nom ou alors que Monsieur opte pour le nom de Madame ou que Madame prenne le nom de Monsieur.
Au moment de son mariage, David (anciennement) Giauque et son épouse ont opté pour une variante hors de ce dernier sentier battu et rebattu. Le Curgismondain a renoncé à son nom de jeune homme pour prendre celui de sa femme. Une démarche peu courante dans ce sens. «Changer de nom n’a rien d’anodin. Nous en avons discuté: est-ce qu’on prend un nom commun? Lequel? La question a été assez vite réglée en faveur du nom de mon épouse qui tenait à son patronyme, alors que pour moi il importait surtout que nous portions le même, comme symbole d’union», explique le pasteur de Corgémont.
Au-delà du poids du symbole, le jeune marié évoque aussi une forme de militantisme dans l’option prise. Elle vient bousculer une pratique courante qui peine à changer. «Pendant longtemps, les femmes ont pris le nom de leur époux et continuent à le faire dans la majorité des mariages, en dépit des nouvelles possibilités offertes.»
Le trentenaire insiste: «J’ai fait un choix que je pouvais me permettre, mais beaucoup de personnes ne choisissent pas. Parce que la question du choix du nom ne se pose même pas. Dans beaucoup de couples et de familles, on ne remet pas en cause une chose établie, et c’est bien dommage.»

Réactions familiales
Le choix quasi révolutionnaire de David Kneubühler n’est pas passé inaperçu. A commencer à l’Office de l’état civil, où l’on est pourtant habitué à voir défiler de nombreux couples. «La personne à qui on a eu affaire a manifesté un peu de surprise et m’a même précisé que je pouvais encore changer d’avis, si jamais», en rigole aujourd’hui David Kneubühler.
La réaction de ses proches a, quant à elle, oscillé entre indifférence apparente et mise en garde. «Ma maman est très attachée à ses origines. Quand elle a dû prendre le nom de mon père, parce qu’à l’époque elle n’avait pas le choix, cela lui a posé un vrai questionnement identitaire.»

Perte d’identité
Perdre une partie de soi en changeant de nom, s’habituer à en porter un nouveau, à assumer en quelque sorte une nouvelle identité: le jeune marié vit ce que des milliers, pour ne pas écrire des millions, de femmes ont éprouvé avant lui en héritant du nom de leur mari sans avoir rien demandé, quand la question du choix du patronyme post-mariage ne se posait même pas. «C’est un peu comme un départ à zéro. C’est une nouvelle identité sans être complètement neuve à habiter, à faire vivre et à transmettre pour que les gens s’y retrouvent. Je le vis assez bien, mais il y a toujours le problème de s’annoncer correctement au téléphone parce que les réflexes sont quand même bien ancrés», raconte David Kneubühler.
Etre passé par cette étape du choix du patronyme à porter après son mariage a nourri l’homme, mais aussi le pasteur. «En fait, je réalise que c’est une question qui a davantage de sens et de pertinence que ce que je m’imaginais. Ce n’est pas juste une formalité. Une femme qui a pris le nom de son mari m’a confié qu’elle a mal vécu la destruction de ses anciens documents libellés avec son nom de jeune fille, à l’état civil. «C’est comme si on détruisait une partie de vous», m’a-t-elle dit. Un sentiment fort et plus fréquent qu’on ne le croit. C’est juste qu’on n’en parle pas.»

 

Une pratique disparue de retour?
Depuis le 1er janvier 2013, par souci d’égalité, chaque époux peut garder son nom de célibataire. Les mariés peuvent aussi choisir de porter un nom de famille commun, celui de Madame ou le patronyme de Monsieur. Ces règles valent aussi pour les couples de même sexe qui ont conclu un partenariat enregistré.
Les enfants, quant à eux, portent automatiquement le nom de famille commun ou, si chaque parent a gardé son nom de célibataire, le patronyme défini par les époux au moment de leur mariage.
L’entrée en vigueur du nouveau droit du nom en 2013 a scellé le sort du double nom légal. Sa disparition a plusieurs fois été critiquée, à droite comme à gauche. Pour les auteurs d’une initiative parlementaire en faveur de la réintroduction du double nom en cas de mariage, lancée en 2017, la réglementation actuellement en vigueur n’a pas permis d’atteindre la parité souhaitée puisque dans 90% des cas la femme prend encore et toujours le nom de son mari lors de la célébration d’une union. «Il est donc fort possible que le droit du nom soit à nouveau modifié ces prochaines années», relève-t-on à l’Office de la population du canton de Berne. NH
Source: www.ch.ch

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