«Nous allons travailler en réseau»

Yves-André Donzé

Quelle est la différence entre Le Creusot, en Bourgogne, et Liège et sa région? Tous deux sont héritiers d’une longue et riche histoire industrielle et d’institutions qui la mettent en valeur. Tout comme le Centre jurassien d’archives et de recherches économiques (CEJARE), à Saint-Imier. Son comité a invité des collègues de France et de Belgique pour échanger des expériences durant deux jours. Ils ont entamé une réflexion commune sur les questions de préservation et de conservation du patrimoine industriel et économique de leurs territoires. Suite à cette rencontre, ils ont décidé unanimement de mettre en réseau leurs institutions de référence respectives.

«Nous nous sommes dit: pourquoi ne pas ouvrir une réflexion avec des collègues de l’étranger? Le but était de voir comment les archives récoltées permettent de devenir des ressources non seulement pour les chercheurs, mais aussi pour les entreprises», a expliqué hier le responsable du CEJARE Philippe Hebeisen, lors d’un point presse avec les invités.

Un centre d’interprétation

«J’ai le sentiment qu’on est dans une même temporalité, à deux décennies près, de cette prise de conscience du patrimoine. La richesse de l’échange tient aux structures, aux associations et aux cultures différentes. On se nourrit de nos différences», s’enthousiasme Ivan Kharaba, directeur de l’Académie François-Bourdon au Creusot (Saône-et-Loire). L’académie est un centre d’archives industrielles, qui retracent l’épopée de la dynastie Schneider, famille fondatrice de la ville. Le Creusot est aujourd’hui encore une ville industrielle de premier plan. Son industrie se porte bien malgré la crise. Le château de la Verrerie, monument historique de France, était aussi un fleuron de l’industrie.

«Nous en avons fait un centre d’interprétation pour faire comprendre ce qu’est l’industrie dans une longue durée. Car le Creusot se révèle un contre-exemple de la désindustrialisation. Le centre sera inauguré la semaine prochaine», explique le directeur de l’Académie, également prestataire de services auprès des entreprises.

Arnaud Peters est chef de projets à l’Université de Liège (fondée en 1982), plus précisément au Centre d’histoire des sciences et des techniques. Il s’occupe de  l’histoire des entreprises des industries, mais aussi des savoirs,  et des politiques économiques et sociales. Il dresse le portrait du patrimoine wallon, que ce soit en sidérurgie, en métallurgie, en industrie mécanique et en charbonnages.

Que l’on pense aux hauts-fourneaux du 19e siècle de Cockerill, sur les rives de la Meuse. Et surtout  à Blegny-Mine, qui figure au patrimoine mondial de l’Unesco.  L’archivage est donc conséquent.  Il y a le Musée  métallurgique de Liège, la Maison de la métallurgie, mais encore le Centre liégeois d’archives de l’industrie charbonnière.

Histoire appliquée
Collègue d’Arnaud Peters, Olivier Defechereux étudie les problèmes de réaménagement des sites. «On a compris que les archives pouvaient avoir une autre utilité. On a donc forgé le concept d’histoire appliquée», explique Olivier Defechereux. Qui lance le slogan: «Nous sommes les acteurs de notre patrimoine futur!» Nadège Sougy, du CEJARE,  résume l’affaire en donnant des pistes de réflexion pour voir «comment la gestion du patrimoine entre en résonance avec le tissu industriel».

Les visiteurs n’ont pas manqué d’aller voir une entreprise de la région. «L’archivage en entreprise ne fait que rappeler la nécessité d’œuvrer en amont pour préserver le patrimoine économique régional et mettre en valeur ses spécificités», précise Patrick Linder, président du CEJARE. Dans ce sens, l’institution interjurassienne a du pain sur la planche.