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Sauge

Quand on mine à Vauffelin, c’est tout Plagne qui tremble

La commune va donner suite à une pétition, signée par 140 personnes

La carrière de la discorde, propriété de la commune bourgeoise de Vauffelin, mais exploitée depuis toujours par l’entreprise Imperiali, d’Oberwil bei Büren. Des minages y ont lieu depuis des dizaines d’années. Dan Steiner

Dan Steiner

«Je croyais que le ciel me tombait sur la tête!», s’inquiète Rosanna Villoz. «J’étais assis dans une chaise, posée sur le gazon de mon jardin, quand j’ai entendu l’explosion. Un bout de crépi a giclé. Je ne sais pas où il a atterri...», se plaint Daniel Grosjean. «C’était impressionnant. C’est comme si ma maison avait bougé d’un ou deux centimètres», estime pour sa part l’ancien maire de Plagne et actuel président de Sauge Pierre-Alain Grosjean.

Un séisme dont l’épicentre se trouvait à Plagne n’a pourtant pas touché le village, ce 15août dernier, aux alentours de 18h? Non, mais le minage réalisé dans la carrière située sur la route menant à Vauffelin a bel et bien fait trembler tout le village.

Et ce n’est pas la première fois, loin s’en faut. «La première intervention de mon père date du 13septembre1985», relève avec précision Franco Villoz, le fils de Rosanna, 85ans et habitante du bas du village. Sa maison se trouve à environ 200m à vol d’oiseau en dessus de la carrière. «Et des lettres, il en a envoyées en 1989 et en 1999.» Lui et d’autres habitants de Plagne ont même été indemnisés par le passé, preuve que le problème n’a jamais été qu’une seule vue de l’esprit. Une conduite du village avait même explosé, à l’époque.

Manque total d’empathie
Mais cette fois, c’est Franco Villoz qui prend les choses en main. Le lendemain de la déflagration, il a rédigé une pétition destinée à faire réagir la commune de Sauge. A ce jour, 140personnes y ont apposé leur paraphe. «Si autant de gens ont signé, ce n’est pas pour me faire plaisir. L’affaire est alarmante et on demande simplement qu’ils ne mettent pas en danger les personnes et les biens.»

«Ils», ce sont les responsables du minage, l’entreprise Imperiali Transporte und Kieswerk AG, dont le siège se trouve à Oberwil bei Büren, à la limite entre les cantons de Soleure et Berne. Une firme qui, selon les dires du pétitionnaire, fait montre d’un «total manque d’empathie» et d’une indifférence injuste.

L’entreprise soleuroise, à qui la bourgeoisie de Vauffelin –propriétaire du terrain– octroie le droit d’exploiter les lieux, minimise les griefs. Son directeur Marco Imperiali indique qu’une mesure avait déjà été entreprise par le passé et qu’aucun danger réel n’avait pu être prouvé. Ce que confirme Franco Villoz, avec qui le patron d’Imperiali –et son père, à l’époque– a déjà eu affaire. «Ce sont toujours les deux mêmes qui réclament.» Cette fois, ils semblent être un peu plus.

Mais l’entreprise n’a pas l’intention de stopper cette activité qu’elle ne répète que quelques fois par décennie. «De temps en temps, il faut y avoir recours.»Les machines ordinaires ne suffisent pas. Et Marco Imperiali d’affirmer qu’un minage devrait avoir lieu cette semaine ou la suivante encore. Mais cette fois, une maison spécialisée –dont le directeur n’a pas communiqué le nom– se trouvera sur place pour d’autres mesures.

Plaintes et procédures
Mais Franco Villoz n’en attendra pas les résultats. Deux plaintes, pénale et civile, ont déjà été déposées. Contre les minages et non contre l’exploitation de la carrière, tient-il à préciser. Il invoque notamment l’article 684du code civil, qui enjoint un propriétaire à s’abstenir de tout bruit ou vibration inutiles.

Du côté des autorités non plus, on ne va pas rester les bras croisés. Un arrêt des travaux sera exigé ces prochains jours par la police des constructions, dont une copie de la demande sera envoyée à la Préfecture du Jura bernois, à l’Association suisse des carrières de roches dures et à l’Office cantonal des eaux et des déchets.

«Le but est de faire réagir l’entreprise et de les rencontrer», explique la secrétaire communale –et épouse de Daniel– Anne Grosjean. Elle-même a ressenti ce qu’elle considère comme le plus violent minage depuis 30ans qu’elle réside à Plagne. «Un nuage de poussière est resté suspendu au-dessus de la carrière pendant plus d’une heure.»

Reste donc à savoir si les procédures de Franco Villoz et de la commune de Sauge aboutiront à l’abandon des minages. Ou si Imperiali Transporte und Kieswerk AG fera recours à la Direction cantonale des travaux publics. «Je vais aller jusqu’au bout, même si je dois ramasser des vestes», clame Franco Villoz, dont la mère vit désormais des jours angoissants. «C’est une question de respect, étant donné que nos revendications sont toujours restées lettres mortes...»

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